Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 9 mars 2012, 22 mars 2012 et 5 juin 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentés pour M. B...A..., domicilié..., par Me Apelbaum, avocat à la Cour ; M. A...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1106303 du 6 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 6 octobre 2011 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité, dans un délai de dix jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient, en premier lieu, que le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer dès lors que les premiers juges n'ont statué ni sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-11-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni sur celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; en deuxième lieu, que la motivation de l'avis du médecin inspecteur de santé publique est insuffisante dès lors qu'il n'indique pas les raisons pour lesquelles il pourrait bénéficier d'une prise en charge dans son pays d'origine ; en troisième lieu, que le préfet aurait dû étudier sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions et un vice de procédure en ne consultant pas la Commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de dix ans de présence en France ; en quatrième lieu, que le préfet de l'Essonne a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a commis une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il vit en concubinage depuis 2008 avec une ressortissante congolaise en situation régulière avec qui il a eu un enfant né en France le 17 février 2010, qu'elle est enceinte d'un autre enfant et qu'il participe à l'entretien et à l'éducation du premier enfant de sa concubine ; enfin, que l'arrêté attaqué méconnait les stipulations l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, dès lors qu'il participe à l'entretien et à l'éducation de l'enfant de sa concubine et de son enfant ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 11 décembre 2012 :
- le rapport de M. Formery, président assesseur,
- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,
- et les observations de Me C...substituant Me Apelbaum, représentant M. A...;
1. Considérant que M.A..., ressortissant angolais né en 1979, fait appel du jugement du 6 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 6 octobre 2011 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il ressort des mentions du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Versailles, après avoir visé le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, qui n'était ni dépourvu des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, ni inopérant ; que, par suite, M. A...est fondé à soutenir que le jugement qu'il attaque est entaché d'une omission à statuer et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Versailles ;
Sur la légalité de l'arrêté en date du 6 octobre 2011 du préfet de l'Essonne :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à la date de l'arrêté attaqué, " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ( ...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;
5. Considérant que M. A...soutient qu'il réside en France depuis 2001 et que, ses parents et ses frères et soeurs ne vivant pas dans son pays d'origine, mais au Congo, l'ensemble de ses attaches familiales se situent en France ; qu'il vit en concubinage en France avec Mme E...D..., ressortissante congolaise titulaire d'un titre de séjour ; qu'ils ont eu un enfant né en France le 17 février 2010 et qu'ils attendaient un autre enfant à naître en mai 2012 ; qu'il participe à l'entretien et à l'éducation du premier enfant de cette dernière, KayliaD..., de nationalité française, née en septembre 2008 d'une précédente union, de sorte que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer dans son pays d'origine, l'Angola, la mère des enfants étant de nationalité congolaise ; qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant est dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il aurait vécu jusqu'à l'âge de 22 ans ; que, dans ces conditions, l'arrêté litigieux a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que cet arrêté a donc méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant, au surplus, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant susvisée, " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées, de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
7. Considérant que, compte-tenu de ce qui a été dit ci-dessus, et eu égard à la recomposition de la famille du requérant et de sa compagne, le départ de France de M. A...pourrait avoir pour effet de séparer l'enfant du couple de l'un de ses parents, alors surtout que la fille aînée de MmeD..., étant française, n'a pas vocation à aller vivre en Angola, ni même au Congo ; que, dans ces conditions, M. A...est fondé à soutenir que l'autorité administrative n'a pas accordé à l'intérêt supérieur des enfants concernés par l'arrêté attaqué l'attention requise par les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la décision par laquelle le préfet a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A...est entachée d'illégalité et doit être annulée ; que par voie de conséquence, la décision portant obligation de quitter le territoire, qui est dépourvue de base légale, doit également être annulée ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;
10. Considérant qu'eu égard aux motifs énoncés ci-dessus, le présent arrêt implique nécessairement que soit délivrée à M. A...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date de la présente décision, des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient qu'une nouvelle décision de refus soit opposée à la demande de l'intéressée ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de l'Essonne de procéder à cette délivrance dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1106303 du 6 février 2012 du Tribunal administratif de Versailles et l'arrêté du préfet de l'Essonne du 6 octobre 2011 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne de délivrer à M. A...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A...la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 12VE00913