Vu la requête, enregistrée le 30 avril 2012, présentée pour la société AMERICAN TELEGRAPH et TELEPHONE, dont le siège est situé One ATetT Way à Bedminter (Etats-Unis), par Me Betrema, avocat ;
La société AMERICAN TELEGRAPH et TELEPHONE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1005534 en date du 2 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser les intérêts moratoires afférents au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée prononcé le 26 août 2009 calculés à compter du 27 juin 2003, assortis des intérêts au taux légal et eux-mêmes capitalisés ;
2°) de prononcer la condamnation de l'Etat à lui verser les intérêts moratoires pour un montant de 1 021 478,44 euros en principal, assortis des intérêts au taux légal et eux-mêmes capitalisés par application de l'article 1154 du code civil ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- les éléments fournis à l'administration fiscale dans le cadre de la demande de remboursement apportaient dès l'origine une preuve suffisante de la réalité de l'activité et des prestations réalisées ; le contrat la liant avec France Telecom et les états récapitulatifs d'unités de télécommunication fournies réciproquement permettaient d'établir qu'elle réalisait des prestations mentionnées à l'article 259 B du code général des impôts, que la taxe était due par le preneur et qu'elle remplissait ainsi les conditions de l'article 242-0 O de l'annexe II du code général des impôts ;
- en tout état de cause, la facture de prestation de services réclamée par l'administration et fournie le 4 juin 2009 avait pour seul objectif d'apporter un élément de preuve dont l'exigence même par le droit français était incompatible avec le droit communautaire de l'époque ; la nécessité de produire une preuve de la commercialisation de produits imposables en France ou d'opérations pour lesquelles le redevable de la taxe est le preneur, à l'appui d'une demande de remboursement de taxe sur la valeur ajoutée par un assujetti établi en dehors de l'Union européenne est une condition que le droit français ajoute à celles définies par le droit supérieur qui le fonde, c'est-à-dire l'article 2 de la treizième directive 86/560/CEE du 17 novembre 1986 ; l'article 242-0 O de l'annexe au code général des impôts a d'ailleurs été modifié par décret du 26 décembre 2003 ; une question préjudicielle pourra être posée à la Cour de justice de l'Union européenne sur ce point ;
- la décision d'admission de sa demande par l'administration revêt le caractère d'un dégrèvement contentieux donnant lieu au paiement d'intérêts moratoires de droit à compter de la date de la demande de remboursement du crédit de taxe soit le 27 juin 2003 ;
- la demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée ayant été complétée dès l'origine en application de la 13ème directive en matière de taxe sur la valeur ajoutée, la société détenait une créance civile à l'égard du Trésor à compter de cette date, en attendant le mois de septembre 2009 pour honorer cette créance, l'administration a pris une décision dont le caractère confiscatoire constitue une violation de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 mars 2014, présenté pour la société AMERICAN TELEGRAPH et TELEPHONE par Me B...;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;
Vu la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 et la treizième directive 86/560/CEE du 17 novembre 1986 du Conseil des Communautés européennes ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mars 2014 :
- le rapport de Mme Van Muylder, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public,
- et les observations de Me B...substituant Me Betrema, pour la société AMERICAN TELEGRAPH et TELEPHONE ;
1. Considérant que la société AMERICAN TELEGRAPH et TELEPHONE, société de droit américain spécialisée dans la télécommunication a sollicité le 30 juin 2003, en application de la procédure prévue à l'article 242-0 O de l'annexe II au code général des impôts, le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des factures d'un prestataire de service pour la pose et l'entretien de liaisons et câbles, pour un montant de 4 2002 373,61 euros au titre de l'année 2002 ; que l'administration a rejeté cette demande au motif que la société n'établissait pas remplir les conditions de remboursement ; que la société a alors saisi le tribunal administratif de Paris ; que l'administration a toutefois procédé, le 27 octobre 2009 au remboursement sollicité, en conséquence de la production par la société, en juin 2009, d'une facture émise à l'encontre de France Telecom pour l'année 2002 ; que par décision en date du 13 janvier 2010, le service a rejeté la demande présentée par la société AMERICAN TELEGRAPH et TELEPHONE tendant au versement d'intérêts moratoires sur la somme remboursée ; que la société relève appel du jugement en date du 2 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser les intérêts moratoires afférents au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée prononcé le 26 août 2009 calculés à compter du 27 juin 2003, assortis des intérêts au taux légal et eux-mêmes capitalisés ;
2. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 259 B du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce, 271 et 283 du même code et des articles 242-0 M et 242-0 O de l'annexe II au code général des impôts que les assujettis établis hors de la Communauté européenne qui satisfont à la condition d'absence de résidence en France posée par l'article 242-0 M de l'annexe II ne peuvent demander le remboursement de la taxe qui leur a été régulièrement facturée que si, au cours du trimestre civil ou de l'année civile auquel se rapporte la demande de remboursement, ils n'ont pas réalisé en France d'autres livraisons de biens ou prestations de service entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée que, le cas échéant, celles qui sont énumérées au 2. de cet article ; qu'en outre, la taxe qui a grevé les biens et services que ces assujettis ont acquis ou importé en France au cours de cette période ne peut leur être remboursée, en vertu de l'article 242-0 O de l'annexe II, que dans la mesure où ces biens et services ont été acquis ou importés en vue de la commercialisation en France de leurs produits imposables ou de la réalisation d'opérations mentionnées au 2. de l'article 242-0 M, au sein desquelles figurent les opérations dont le lieu est réputé se situer en France en vertu de l'article 259 B du code général des impôts ; que, par suite, les assujettis qui satisfont aux conditions posées par l'article 242-0 M de l'annexe II ne peuvent obtenir le remboursement de la taxe afférente aux services qu'ils ont acquis en France pour les besoins de la réalisation de prestations de télécommunication que lorsque le lieu de ces prestations est, conformément aux dispositions de l'article 259 B du code général des impôts, réputé se situer en France ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 242-0 Q de l'annexe II du code général des impôts : " Le remboursement doit être demandé au service des impôts avant la fin du sixième mois suivant l'année civile au cours de laquelle la taxe est devenue exigible. / La demande est établie sur un imprimé du modèle prévu par l'administration. Elle est accompagnée des originaux des factures, des documents d'importation et de toutes pièces justificatives. L'assujetti certifie qu'il remplit les conditions prévues à l'article 242-0 M. / A...l'assujetti demande que le remboursement soit effectué dans l'Etat où il est établi, les frais bancaires sont à sa charge " ; que la production des documents mentionnés par ces dispositions conditionne la régularité de la demande de remboursement de taxe sur la valeur ajoutée ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 208 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable jusqu'au 31 décembre 2005 : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires (...). " ; que l'administration n'est pas tenue de verser des intérêts moratoires lorsqu'elle prononce des dégrèvements dans le délai qui lui est imparti pour statuer sur une réclamation qui lui a été régulièrement adressée ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'appui de sa demande de remboursement de taxe sur la valeur ajoutée présenté le 30 juin 2003, la société AMERICAN TELEGRAPH et TELEPHONE a produit une copie d'un contrat en langue anglaise la liant à la société France Telecom prévoyant des prestations mutuelles et des états récapitulatifs de prestations ; que toutefois, ces documents, qui ne précisaient ni la nature des fournitures et prestations, ni l'identité du débiteur et du créancier, ne permettaient pas de justifier de la réalisation par la société requérante de prestations visées au b du 2 de l'article 242-0 M de l'annexe II au code général des impôts au titre de la période de l'année 2002 ; qu'en l'absence des justificatifs nécessaires permettant d'établir la réalité des prestations effectuées, la demande devait être regardée comme non complète ; que le 9 juin 2009, la société requérante a, cependant, produit auprès de l'administration un document daté du 12 février 2009 présenté par la société comme une facture émise à l'encontre de France Telecom pour l'année 2002 mentionnant le montant et la nature des prestations de télécommunications réalisées ; que le remboursement accordé par le service le 26 octobre 2009, intervenu moins de six mois après que la demande de remboursement a été régulièrement adressée à l'administration, ne pouvait, par suite, pas ouvrir droit au paiement d'intérêts moratoires ;
6. Considérant que le paragraphe 1 de l'article 2 de la treizième directive du Conseil des Communautés européennes du 17 novembre 1986 prévoit que chaque Etat membre rembourse à tout assujetti qui n'est pas établi sur le territoire de la Communauté, dans les conditions fixées par cette directive, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des services qui lui sont rendus ou des biens meubles qui lui sont livrés à l'intérieur du pays par d'autres assujettis, ou ayant grevé l'importation de biens dans le pays, dans la mesure où ces biens et ces services sont utilisés pour les besoins des opérations visées à l'article 17 paragraphe 3 points a) et b) de la sixième directive ou des prestations de services pour lesquelles la taxe est due uniquement par le preneur ; que, toutefois, le paragraphe 2 du même article autorise les Etats membres à subordonner ce remboursement à l'octroi, par les Etats tiers, d'avantages comparables dans le domaine des taxes sur le chiffre d' affaires ; que l'article 3 charge les Etats membres de déterminer les modalités d'introduction de la demande et d'imposer au requérant les obligations qui sont nécessaires pour apprécier le bien-fondé de la demande et éviter la fraude ; que, par suite, les dispositions de droit national, codifiées à l'article 242-0 O de l'annexe II au code général des impôts, propres au droit à remboursement des assujettis établis dans des Etats tiers, qui transposent en droit interne les dispositions susmentionnées de la treizième directive du 17 novembre 1986, n'étaient en rien contraires aux objectifs de cette directive ;
7. Considérant enfin, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ;
8. Considérant que la société fait valoir que sa demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée ayant été complète dès l'origine, en application de la 13ème directive en matière de taxe sur la valeur ajoutée, elle détenait une créance civile à l'égard du Trésor à compter de cette date, en attendant le mois de septembre 2009 pour honorer cette créance, l'administration a pris une décision dont le caractère confiscatoire constitue une violation de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que compte tenu de ce qui a été dit au point 5, le moyen ainsi formulé doit être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la société AMERICAN TELEGRAPH et TELEPHONE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant au paiement par l'Etat des intérêts moratoires ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société AMERICAN TELEGRAPH et TELEPHONE est rejetée.
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N° 12VE01614