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20/03/2014 | FRANCE | N°12VE03143

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 20 mars 2014, 12VE03143


Vu la requête, enregistrée le 20 août 2012, présentée pour la société CET INGENIERIE, dont le siège est au "immeuble Villerenne" 23 quai Alfred Sisley à Villeneuve la Garenne (92390), par Me Lafarge, avocat ;

La société CET INGENIERIE demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1100764 du 12 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire du 8 novembre 2010 par lequel le département des Hauts-de-Seine a mis à sa charge la somme de 51 763,24 euros au titre du trop-perçu d'un ma

rché de maîtrise d'oeuvre portant sur la reconstruction du collège Anatole Fran...

Vu la requête, enregistrée le 20 août 2012, présentée pour la société CET INGENIERIE, dont le siège est au "immeuble Villerenne" 23 quai Alfred Sisley à Villeneuve la Garenne (92390), par Me Lafarge, avocat ;

La société CET INGENIERIE demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1100764 du 12 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire du 8 novembre 2010 par lequel le département des Hauts-de-Seine a mis à sa charge la somme de 51 763,24 euros au titre du trop-perçu d'un marché de maîtrise d'oeuvre portant sur la reconstruction du collège Anatole France, à Puteaux et à la condamnation du département des Hauts-de-Seine à lui verser la somme de 103 200,64 euros au titre du solde du marché, assortie des intérêts capitalisés à compter du 16 août 2004 ;

2° d'annuler le titre exécutoire du 8 novembre 2010 d'un montant de 51 763,24 euros et de condamner le département des Hauts-de-Seine à lui verser la somme de 103 200,64 euros au titre du solde du marché, assortie des intérêts capitalisés à compter du 16 août 2004 ;

3° de mettre à la charge du département des Hauts-de-Seine la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le délai d'un mois prévu à l'article 10 du CCAP ne lui était pas opposable et qu'en retenant ce moyen, alors qu'il n'était pas articulé par la partie adverse, les premiers juges ont statué ultra petita et commis une erreur de droit ;

- le délai d'un mois prévu à l'article 10 du CCAP ne lui était pas opposable, l'article 14 de ce CCAP ne prévoyant aucune dérogation au CCAG-PI et en tout état de cause l'article 10 instaurant un mécanisme dérogatoire d'acceptation expresse dans un délai d'un mois du décompte notifié, conduisant à défaut d'une telle acceptation au refus automatique du décompte ;

- le décompte général du marché n'était pas devenu définitif puisqu'aucun formalisme n'est exigé par l'article 12.3 du CCAG-PI, pour le mémoire en réclamation ;

- le titre exécutoire est illégal puisque le décompte n'est pas devenu définitif, l'acte d'engagement du 14 octobre 1993 lie la personne responsable du marché ; il n'est pas établi qu'il est frauduleux ; le défaut de transmission de l'acte en cause au contrôle de légalité du préfet et l'absence d'approbation de la commission permanente du Conseil général sont sans incidence sur sa légalité ;

- la somme de 103 200,64 euros TTC correspondant au solde du marché reste due par le département ;

- l'attitude du département est contraire à l'exigence de loyauté des relations contractuelles ;

- subsidiairement, si tous les actes d'engagements sont illégaux, il conviendrait sur la théorie de l'enrichissement sans cause et sur le terrain de la responsabilité quasi délictuelle de lui payer les prestations réalisées et non payées ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 février 2014 :

- le rapport de Mme Mégret, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Besson-Ledey, rapporteur public,

- et les observations de Me A...substituant Me Lafarge pour la société CET INGENIERIE ;

1. Considérant que la société CET INGENIERIE relève régulièrement appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, le 12 juin 2012, rejeté sa demande d'annulation du titre exécutoire du 8 novembre 2010 du département des Hauts-de-Seine d'un montant de 51 763,24 euros correspondant à un trop-perçu au titre du solde du marché de maîtrise d'oeuvre portant sur la reconstruction du collège Anatole France de Puteaux et, de condamnation du département des Hauts-de-Seine à lui verser la somme de 103 200,64 euros correspondant au solde du marché qu'elle estime lui rester dû ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le tribunal administratif a rejeté la requête de la société CET INGENIERIE au motif que le décompte général du marché était devenu définitif, faute d'avoir été régulièrement contesté ; que si les premiers juges se sont appuyés sur l'article 10 du cahier des clauses administratives particulières alors qu'aucune des parties à l'instance ne s'en était prévalu, cette erreur n'entache pas d'irrégularité le jugement attaqué dès lors que ce dernier s'appuie également sur l'absence de mémoire en réclamation au sens de l'article 12-32 du cahier des clauses administratives générales " prestations intellectuelles " dont le département des Hauts-de-Seine s'était expressément prévalu au soutien de son moyen tiré du caractère définitif du décompte ;

Sur le fond du litige :

3. Considérant que le département des Hauts-de-Seine a décidé, par une délibération du 14 décembre 1991, la réalisation de travaux de reconstruction du collège Anatole France, à Puteaux; qu'en 1993, il a confié la maîtrise d'oeuvre de l'opération de type M2 étendue avec projet à un groupement formé par la SARL Cabinet Giudicelli et Associés, architecte, la société CET INGENIERIE, bureau d'études techniques, et le cabinet Gay Puig, économiste, la SARL Cabinet Giudicelli et Associés étant le mandataire du groupement ; qu'un premier acte d'engagement a été signé par les parties le 14 octobre 1993 prévoyant une rémunération forfaitaire du groupement à hauteur de la somme de 8 938 225,23 francs HT (1 362623,61 euros HT) ; qu'un second acte d'engagement a été signé le 7 décembre 1993 fixant un forfait de rémunération à la somme de 8 015 210 francs HT (1 221 910,89 euros HT) ; que ce dernier acte a été approuvé par la commission permanente du conseil général des Hauts-de-Seine, transmis au contrôle de légalité du préfet et régulièrement notifié ; que trois avenants ont ensuite été signés par les parties et établis à partir de la base de prix indiqué au premier acte d'engagement soit la somme de 8 938 225,23 francs HT ; qu'à l'issue de ces trois avenants, la rémunération globale du marché a été portée à la somme de 1 847 232,36 euros HT ; que la société CET INGENIERIE a transmis au département une facture en date du 30 juin 2004 d'un montant de 103 200,64 euro TTC correspondant au solde du marché resté impayé et établi à partir du prix de base indiqué au premier acte d'engagement ; qu'un projet de décompte final a été établi par le mandataire du groupement de maîtrise d'oeuvre le 19 juillet 2004 calculé lui aussi à partir de la base de prix indiqué au premier acte d'engagement et comprenant les trois avenants au marché ; qu'une mise en demeure a été adressée au maître d'ouvrage aux fins de procéder au règlement du marché ; que plusieurs échanges et réunions ont ensuite eu lieu entre le département et la société afin de déterminer l'acte d'engagement permettant de fixer la base de la rémunération forfaitaire du marché ; que, le 24 juillet 2006, le département des Hauts-de-Seine a établi un décompte général calculé à partir de la base de prix de 8 015 210 francs HT indiqué dans le second acte d'engagement de décembre 1993 et a refusé de prendre en compte les avenants au contrat au motif qu'établis sur la base du premier acte d'engagement, ils étaient dépourvus de base légale et entachés de nullité; que le 8 septembre 2006, le mandataire du groupement de maîtrise d'oeuvre a refusé ce décompte ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 12.31. du cahier des clauses administratives générales " prestations intellectuelles " (CCAG-PI), applicable au marché : " Après réception (...) des prestations faisant l'objet du marché (...) le titulaire doit adresser à la personne responsable du marché le projet de décompte correspondant aux prestations fournies. Le montant du décompte est arrêté par la personne responsable du marché si celle-ci modifie le projet de décompte présenté par le titulaire, elle lui notifie le décompte retenu./ Si le projet de décompte, malgré une mise en demeure formulée par la personne responsable du marché, n'a pas été produit dans un délai de trois mois à partir de la réception des prestations, la personne publique est fondée à procéder à la liquidation sur la base d'un décompte établi par ses

soins. Celui-ci est notifié au titulaire (...) " ; qu'aux termes des stipulations de l'article 12.32 du CCAG PI : " Toute réclamation sur un décompte doit être présentée par le titulaire à la personne publique dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte. / Passé ce délai, le titulaire est réputé avoir accepté le décompte " ; qu'aux termes de l'article 40.1. de ce cahier : " Tout différend entre le titulaire et la personne responsable du marché doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation qui doit être remis à la personne responsable du marché./ La personne publique dispose d'un délai de deux mois compté à partir de la réception du mémoire de réclamation pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation " ;

5. Considérant qu'un mémoire, au sens des stipulations précitées de l'article 12.32 du CCAG PI, ne peut être regardé comme une réclamation que s'il comporte l'énoncé d'un différend et expose, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant, d'une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d'autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées ; qu'il résulte de l'instruction que le département des Hauts-de-Seine a établi le 24 juillet 2006 le décompte général du marché, notifié au mandataire du groupement le 2 août 2006 ; que, par le courrier du 8 septembre 2006, le mandataire du groupement a refusé le décompte en se bornant à indiquer que " le projet établi sur la base de 8 015 201 francs comporte de nombreuses incertitudes, notamment en ce qui concerne le montant définitif des travaux " ; qu'ainsi, ce courrier est dépourvu de toute précision sur les motifs de la contestation ainsi que sur les sommes réclamées par la société requérante ; que, la circonstance qu'un différend sur le prix de base à retenir et la régularité des avenants existait antérieurement à l'établissement du décompte final établi par le département et que la lettre accompagnant le décompte général du marché rappelait que le décompte était établi sur la base d'un engagement d'un montant de 8 015 210 francs sans tenir compte des trois avenants établis sur la base d'un autre montant ne permettent pas de regarder le courrier du 8 septembre 2006 comme valant réclamation dès lors que ce courrier ne rappelle ni ne fait référence à aucun différend ou précédents échanges de courriers entre les parties ; que, par suite, la lettre du 8 septembre 2006 ne peut être regardé comme un mémoire en réclamation ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 10 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché litigieux : " Le décompte général du marché, établi et signé par le concepteur, est la somme des acomptes mensuels. / Il doit être transmis au conducteur d'opération dans un délai maximal de trois mois à compter de l'achèvement de la mission. Le conducteur dispose ensuite d'un délai d'un mois pour notifier ce décompte vérifié par lui, au concepteur. Ce décompte devient alors le décompte général et définitif du marché. / Le concepteur dispose ensuite d'un délai d'un mois pour accepter ce décompte avec ou sans réserve" ; que les stipulations de l'article 14 du CCAP écartent toute dérogation au CCAG PI ; qu'ainsi, l'article 10 du CCAP, qui prévoit que le décompte devient définitif dans un délai d'un mois, ne déroge pas aux stipulations de l'article 12.32 du CCAG PI précité qui prévoit un délai de quarante-cinq jours pour présenter une réclamation contre le décompte ; que, par suite, le moyen tiré de que le défaut d'acceptation explicite du décompte équivaut à un refus automatique de ce dernier ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant que si la société requérante soutient que l'attitude du département des Hauts-de-Seine est contraire à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, il lui appartenait de faire valoir ses arguments sur ce point avant l'expiration du délai de réclamation ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit au point 5, qu'en application de l'article 12.32 du CCAG PI, le décompte général est devenu définitif ; que, par suite, la société CET INGENIERIE ne peut plus contester le bien fondé du trop-perçu mis à sa charge par le titre exécutoire litigieux ni demander la condamnation du département à lui verser des prestations complémentaires au titre du solde du marché ;

9. Considérant enfin, qu'en l'absence de nullité du contrat, la société CET INGENIERIE ne peut pas rechercher la responsabilité du département des Hauts-de-Seine sur le terrain de l'enrichissement sans cause pour obtenir le paiement des sommes dont elle estime que le département reste redevable envers elle au titre du solde du marché ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui vient d'être dit, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le département des Hauts-de-Seine, que la société CET INGENIERIE n'est pas fondée à se soutenir que, c'est à tort, que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 susvisé font obstacle à ce que le département des Hauts-de-Seine, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser la somme que la société CET INGENIERIE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

12. Considérant, qu'en revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société CET INGENIERIE, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme que réclame le département des Hauts-de-Seine au titre de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La demande de la SOCIETE CET INGENIERIE est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département des Hauts-de-Seine tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 12VE03143


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE03143
Date de la décision : 20/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés. Décompte général et définitif.


Composition du Tribunal
Président : Mme COLOMBANI
Rapporteur ?: Mme Sylvie MEGRET
Rapporteur public ?: Mme BESSON-LEDEY
Avocat(s) : SELARL LAFARGE ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-03-20;12ve03143 ?
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