Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 2013, présentée pour la SOCIETE VIROJANGLOR, dont le siège est au 10, avenue Albert Einstein ZI Le Coudray à Le Blanc Mesnil (93150), par la SCP Belot-Lafitan, avocat ;
La SOCIETE VIROJANGLOR demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1207783 du 21 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la somme de 350 000 euros qu'elle a versée à son bailleur lors de la signature du bail doit être regardée comme un supplément de loyer déductible, car le montant du loyer stipulé, soit 35,74 euros par m2, est très inférieur à la valeur locative réelle des locaux, le propriétaire ayant obtenu une offre pour un loyer annuel de 50 euros par m2 ; le loyer stipulé est quasiment identique à celui qui avait été stipulé en 1986, pour les mêmes locaux, avec le précédent bailleur ;
- elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative n° 4 C-42 du 30 octobre 1997, de la réponse du ministre de l'économie, des finances et du budget, publiée dans le journal officiel du Sénat du 8 août 1985, à la question écrite n° 24416 de M.A..., ainsi que de la réponse du ministre du budget, publiée dans le journal officiel de l'Assemblée Nationale du 4 juillet 1994, à la question écrite n° 13109 de M. B... ;
- l'avis de la commission départementale des impôts est défavorable au redressement ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mai 2014 :
- le rapport de Mme Vinot, président assesseur,
- et les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public ;
1. Considérant que la SOCIETE VIROJANGLOR, qui exerce une activité d'emballage et de commercialisation de produits alimentaires, a conclu le 1er avril 2004 avec la société Les Fruitiers un contrat de bail commercial, d'une durée de douze ans ; que cet acte prévoit un loyer annuel de 98 650 euros et met à la charge du preneur le versement au bailleur d'une indemnité d'un montant de 350 000 euros qualifiée de " droit d'entrée " par le contrat ; qu'à l'issue d'un contrôle sur pièces l'administration a remis en cause la déduction du résultat imposable de la société, à laquelle cette dernière avait procédé au titre des exercices clos en 2007 et 2008, d'annuités d'amortissement de cette indemnité ; que la SOCIETE VIROJANGLOR relève appel du jugement du 21 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie en conséquence, mises en recouvrement le 26 juillet 2011 ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés en application de l'article 209 du même code : " 1 (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) " ; qu' aux termes de l'article 39 du même code : " 1 - Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1°) Les frais généraux de toute nature, (...) le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire (...). / 2°(...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation et compte tenu des dispositions de l'article 39 A (...). " ; qu' aux termes de l'article 38 sexies de l'annexe III à ce code : " La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment les terrains, les fonds de commerce, les titres de participation, donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. (...) " ;
4. Considérant que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'en adoptant le premier alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, éclairé, au demeurant, par les travaux préparatoires auxquels celui-ci a donné lieu, le législateur a seulement entendu mettre fin, sous réserve du cas prévu au deuxième alinéa du même article, à l'état du droit antérieur sous l'empire duquel l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d'affaires avait pour effet, s'il était favorable à l'administration fiscale, d'attribuer au contribuable la charge d'une preuve que l'intéressé n'aurait pas supportée en l'absence de saisine de cette commission et n'a pas entendu déroger aux principes généraux ci-dessus énoncés en exigeant de l'administration fiscale qu'elle justifie qu'une charge n'est pas déductible dans son principe, dès lors que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d'affaires, saisie, a rendu un avis favorable au contribuable ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ; que par suite, nonobstant l'avis favorable au contribuable émis le 17 mars 2011 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d'affaires, il appartient à la SOCIETE VIROJANGLOR de justifier du principe de l'inscription des sommes en cause en tant qu'annuités d'amortissement de l'indemnité acquittée en exécution du contrat de bail ;
5. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 39 du code général des impôts et 38 sexies de l'annexe III à ce code qu'un élément d'actif incorporel identifiable ne peut donner lieu à une dotation à un compte d'amortissement que s'il est normalement prévisible, lors de sa création ou de son acquisition par l'entreprise, que ses effets bénéfiques sur l'exploitation prendront fin à une date déterminée ; que, lorsque tel n'est pas le cas, l'entreprise peut seulement constituer à la clôture de chaque exercice, comme pour tout autre élément d'actif, une provision pour dépréciation correspondant à la différence entre la valeur comptable de l'élément d'actif et sa valeur probable de réalisation ; qu'en l'espèce, à supposer qu'à la clôture des exercices 2007 et 2008 la valeur de certains droits au bail, acquis par la SOCIETE VIROJANGLOR par le versement de l'indemnité litigieuse de 350 000 euros, ait diminué au point d'être inférieure à leur prix de revient, les avantages procurés à la société requérante par les droits au bail en cause ne pouvaient pas être regardés, dès l'acquisition de ces droits, comme devant probablement prendre fin à l'expiration des baux, ceux-ci étant susceptibles d'être renouvelés; que, par suite, et dès lors qu'aucune provision pour dépréciation, à la supposer même justifiée, n'a été constituée, c'est à bon droit que l'administration fiscale a procédé à la réintégration des amortissements litigieux ;
6. Considérant, toutefois, que la SOCIETE VIROJANGLOR soutient que le loyer stipulé au contrat serait anormalement bas, de sorte que la quote-part de l'indemnité de 350 000 euros qu'elle a déduite de son résultat imposable, au titre de chaque exercice en cause, devrait être qualifiée de complément de loyer ; que, pour déterminer si une indemnité versée par le preneur au bailleur constitue une charge de loyer déductible ou correspond au prix d'acquisition d'éléments incorporels du fonds de commerce, voire relève pour partie de l'une ou l'autre de ces catégories, il y a lieu de tenir compte non seulement des clauses du bail et du montant de l'indemnité stipulée, mais aussi, du niveau normal du loyer correspondant au local ainsi que, le cas échéant, des avantages effectivement offerts par le propriétaire en sus du droit de jouissance qui découle du contrat de bail; que, cependant, il résulte des termes du contrat du 1er avril 2004, selon lesquels l'indemnité en litige, dont le montant est " arrêté forfaitairement " et " n'est pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ", présente un " caractère indemnitaire " pour réparer " la dépréciation du bien immobilier du fait (...) de la durée de douze années du bail " et de la renonciation du bailleur à sa faculté de résiliation pendant six ans, que les parties signataires de ce contrat sont convenues que l'indemnité de 350 000 euros ne constitue pas un complément de loyer ; qu'en outre, et en tout état de cause, la société requérante n'établit pas par les éléments qu'elle produit, notamment un tableau de bord du marché immobilier d'entreprises de la Seine-Saint-Denis et des offres de location publiées sur un site internet, que le loyer stipulé au contrat serait anormalement bas ; que, par suite, la SOCIETE VIROJANGLOR n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que les sommes en litige seraient déductibles de ses résultats en tant que compléments de loyers ;
7. Considérant, dans ces conditions, que la société requérante ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des termes du paragraphe 5 de la documentation administrative de base 4 C - 42 du 30 octobre 1997, qui concerne le cas où le loyer commercial est fixé à un chiffre inférieur à la valeur locative normale des locaux loués, ni de la réponse du ministre du budget, publiée au journal officiel de l'Assemblée Nationale du 4 juillet 1994, à la question écrite n° 13109 de M.B..., député ni de la réponse du ministre de l'économie, des finances et du budget, publiée dans le journal officiel du Sénat du 8 août 1985, à la question écrite n°24416 de M.A..., sénateur ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE VIROJANGLOR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions contestées ; que, par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE VIROJANGLOR est rejetée.
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N° 13VE02525