Vu la décision du 27 novembre 2013, par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre délégué, chargé du budget, annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles en date du 24 mai 2012 et a renvoyé l'affaire devant la même cour ;
Vu le recours, enregistré le 13 juillet 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT ; le ministre demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 0904564 en date du 10 mai 2011, par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la SAS Brico Dépôt la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle au titre de l'année 2006 pour son établissement situé dans la commune de Saint-Witz ;
2° de rétablir la SAS Brico Dépôt dans le rôle de la taxe professionnelle de la commune de Saint-Witz au titre de l'année 2006 à concurrence du dégrèvement prononcé en exécution du jugement attaqué ;
Il soutient que le Tribunal administratif de Montreuil a commis une erreur de droit en estimant que, pour les opérations d'apport partiel d'actifs, les dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts étaient inapplicables, et que seules les dispositions de l'article 1518 B du même code s'appliquent ; que les dispositions de l'article 1469 ont un caractère général, et que la notion de " bien cédé " désigne à la fois les cessions isolées et les cessions intervenant dans le cadre d'opérations de restructurations ; que si l'article 1518 B prévoit une imposition minimale en cas d'opérations de restructurations, ces dispositions ont un caractère subsidiaire par rapport au 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts ; que, par la loi de finances rectificative pour 2007, le législateur a d'ailleurs apporté une modification rédactionnelle à l'article 1518 B pour préciser son articulation et son caractère subsidiaire par rapport au 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts ; que l'interprétation du Tribunal administratif de Montreuil est trop restrictive ; que le tribunal a appliqué les deux articles dans un ordre inversé ;
.......................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 20 mai 2014 :
- le rapport de M. Formery, président assesseur,
- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;
1. Considérant que, par un apport partiel d'actifs en date du 30 novembre 2004, avec effet rétroactif au 1er février 2004, placé sous le régime de faveur prévu par les dispositions des articles 210 A et 210 B du code général des impôts, la société Euro Dépôt, qui exploite des magasins d'articles de bricolage sous l'enseigne Brico Dépôt, a apporté une branche d'activité à sa filiale, la SAS Brico Dépôt ; que les immobilisations reçues dans le cadre de cet apport ont été retenues, par la SAS Brico Dépôt, pour le calcul de la taxe professionnelle, au moins pour les quatre cinquièmes de leur valeur, conformément aux dispositions de l'article 1518 B du code général des impôts ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration a estimé qu'en vertu des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts, ces immobilisations devaient être retenues pour la totalité de leur valeur ; qu'elle a rehaussé dans cette mesure les bases subséquentes ; que, par le jugement contesté, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la SAS Brico Dépôt des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle avait été assujettie au titre de l'année 2006 pour le magasin qu'elle exploitait dans la commune de Saint-Witz ; que le ministre relève appel de ce jugement ;
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " La taxe professionnelle a pour base : / 1° Dans le cas des contribuables autres que ceux visés au 2° : / a. la valeur locative, telle qu'elle est définie aux articles 1469, 1518 A et 1518 B, des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de celles qui ont été détruites ou cédées au cours de la même période (...) " ; qu'aux termes de l'article 1469 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La valeur locative est déterminée comme suit : (...) 3° quater. Le prix de revient d'un bien cédé n'est pas modifié lorsque ce bien est rattaché au même établissement avant et après la cession et lorsque, directement ou indirectement : / a) l'entreprise cessionnaire contrôle l'entreprise cédante ou est contrôlée par elle ; / b) ou ces deux entreprises sont contrôlées par la même entreprise. " ; qu'aux termes de l'article 1518 B du même code, dans sa rédaction applicable : " A compter du 1er janvier 1980, la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements réalisés à partir du 1er janvier 1976 ne peut être inférieure aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant l'apport, la scission, la fusion ou la cession (...). Pour les opérations mentionnées au premier alinéa réalisées à compter du 1er janvier 1992, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes de son montant avant l'opération (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte des termes mêmes du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts que les cessions de biens qu'il vise s'entendent des seuls transferts de propriété consentis entre un cédant et un cessionnaire ; que ces dispositions, dont les termes renvoient à une opération définie et régie par le droit civil ne sauraient s'entendre comme incluant toutes autres opérations qui, sans constituer des " cessions " proprement dites, ont pour conséquence une mutation patrimoniale ;
4. Considérant, cependant, que la notion de cession au sens du droit civil recouvre tous les transferts de propriété consentis entre un cédant et un cessionnaire, effectués à titre gratuit ou à titre onéreux ; que l'opération par laquelle une société apporte une partie de ses éléments d'actifs à une autre société en échange de titres de cette dernière doit être regardée comme une cession à titre onéreux au sens du droit civil ; que l'apport partiel d'actifs réalisé par la société Euro Dépôt au profit de la SAS Brico Dépôt, alors même qu'il concerne une branche complète d'activité, entre ainsi dans les prévisions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts, au titre de l'année 2006, sans qu'y fassent obstacle les dispositions de l'article 1518 B du même code ;
5. Considérant que, si la société soutient enfin que l'interprétation extensive du terme de cession méconnaît l'objectif constitutionnel d'accessibilité et intelligibilité de la loi, ainsi que le principe de confiance légitime posé par la Cour de justice de l'Union européenne, ces moyens, à les supposer recevables, ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge du rappel de taxe professionnelle due par la SAS Brico Dépôt au titre de l'année 2006 pour son établissement situé dans la commune de Saint-Witz, et, dès lors, à en demander l'annulation ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise, à ce titre, à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la SAS Brico Dépôt au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement en date du 10 mai 2011 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles la société SAS Brico Dépôt a été assujettie au titre de l'année 2006, pour son établissement situé dans la commune de Saint-Witz , sont remises à sa charge.
Article 3 : Les conclusions présentées par la SAS Brico Dépôt sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
''
''
''
''
2
N°13VE03515