Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...C...a demandé au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence en qualité de conjoint de Français.
Par un jugement n° 1405697 du 2 octobre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de Mme C...tendant à l'annulation de l'arrêté en date du
20 mai 2014 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer le certificat demandé, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 novembre 2014, MmeC..., représentée par Me Mansouri, avocate, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1405697 du 2 octobre 2014 rendu par le Tribunal administratif de Montreuil ;
2° d'annuler l'arrêté du 20 mai 2014 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence algérien, et à titre subsidiaire une autorisation provisoire de séjour, avec astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation administrative et, pendant cet examen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
5° de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Concernant la décision de refus de délivrance de certificat :
- le refus de délivrer le certificat de résidence est insuffisamment motivé ;
- le jugement entrepris est insuffisamment motivé ;
- le préfet a entaché son refus de délivrance de certificat de résidence d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet a commis une erreur de droit et pris une décision privée de base légale en ne vérifiant pas si le divorce de Mme C...était juridiquement reconnu et opposable en France ;
- le préfet a imposé une condition supplémentaire à la délivrance du titre demandé en la subordonnant à l'existence d'une communauté de vie ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en ne vérifiant pas si le divorce de Mme C...était opposable en France ;
- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de l'atteinte à l'ordre public du divorce par répudiation ;
- les premiers juges n'ont pas examiné toutes les pièces versées au dossier ;
Concernant l'obligation de quitter le territoire français :
- le préfet n'a pas suffisamment motivé cette décision ;
- le préfet et les premiers juges ont méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le protocole n° 7 à cette convention, signé à Strasbourg le 22 octobre 1984 ;
- la convention entre le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire et la République française relative à l'exequatur et à l'extradition, signée à Paris le 29 août 1964 ;
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Le Gars, président assesseur ;
1. Considérant que MmeC..., ressortissante algérienne née le
14 décembre 1985, a contracté mariage le 2 août 2012 avec M.B..., de nationalité française, puis est entrée le 28 août 2013 sur le territoire français ; qu'elle a sollicité le 8 novembre 2013 la délivrance d'un certificat de résidence d'un an en tant que conjointe de français ; qu'elle relève régulièrement appel du jugement n° 1405697 du 2 octobre 2014, par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 mai 2014 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer le certificat demandé, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que la requérante fait valoir que le Tribunal administratif de Montreuil aurait omis de répondre au moyen développé à l'appui de ses conclusions dirigées contre le refus de certificat de résidence, tiré du trouble à l'ordre public français résultant du jugement du Tribunal d'Ain El Hammam prononçant son divorce par répudiation ; qu'il résulte toutefois de la lecture du jugement entrepris, et notamment de son point 6, que les premiers juges ont répondu à ce moyen en considérant que la requérante n'établissait pas les circonstances dont elle se prévalait ; que le moyen tiré du défaut de réponse à un moyen ne peut qu'être écarté ;
3. Considérant que la requérante fait valoir que pour écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du préfet en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français, les premiers juges n'auraient pas examiné certaines pièces versées au dossier, comme ses contrats de travail, un justificatif de domicile, la carte de résident de son père, et d'autres éléments attestant de liens personnels en France ; qu'il résulte toutefois de la lecture du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Montreuil a pris en compte la durée et les conditions de séjour de l'intéressée en France ; que Mme C...n'est par suite pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier ;
Sur le refus de délivrance du titre demandé :
4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'arrêté attaqué que le préfet a visé l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 notamment en ses articles 7 bis et 6 ; qu'il a ensuite tiré les conséquences de la dissolution du mariage de l'intéressée pour rejeter la demande de certificat de résidence de conjoint de français qu'elle avait présentée et dont les conditions de délivrance étaient régies par ces stipulations de l'accord ; que la circonstance que l'article 7 bis précité n'était pas applicable à la situation de MmeC... est par suite sans influence sur la régularité de la motivation de l'arrêté attaqué, lequel comporte les éléments de fait et de droit qui le fondent, ainsi qu'en a jugé le Tribunal administratif de Montreuil ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que si Mme C...fait valoir que le préfet a, dans la motivation de sa décision, indiqué que le divorce de la requérante avait été prononcé par un jugement du Tribunal de Ain El Hammam au Maroc, alors que ce tribunal se trouve en Algérie, cette seule erreur de plume ne caractérise pas une erreur manifeste d'appréciation de la situation de MmeC... ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 5 du protocole additionnel n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signé à Strasbourg le 22 octobre 1984 : " Les époux jouissent de l'égalité de droits et de responsabilités de caractère civil entre eux et dans leurs relations avec leurs enfants au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. Le présent article n'empêche pas les Etats de prendre les mesures nécessaires dans l'intérêt des enfants. " ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié susvisé, qui doit être regardé comme implicitement invoqué : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) Le certificat de résidence délivré au titre du présent article donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux. " ; qu'aux termes de l'article 1er de la convention entre le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire et la République française relative à l'exequatur et à l'extradition, signée à Paris le 29 août 1964 : " En matière civile et commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siégeant en France ou en Algérie, ont de plein droit l'autorité de la chose jugée sur le territoire de l'autre Etat si elles réunissent les conditions suivantes : (...) d. La décision ne contient rien de contraire à l'ordre public de l'État où elle est invoquée ou aux principes de droit public applicables dans cet État. Elle ne doit pas non plus être contraire à une décision judiciaire prononcée dans cet État et possédant à son égard l'autorité de la chose jugée. " ;
7. Considérant que les jugements rendus par un tribunal étranger relativement à l'état et à la capacité des personnes produisent leurs effets en France indépendamment de toute déclaration d'exequatur, sauf dans la mesure où ils impliquent des actes d'exécution matérielle sur des biens ou de coercition sur des personnes ; qu'il incombe à l'autorité administrative de tenir compte de tels jugements, dans l'exercice de ses prérogatives, tant qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une déclaration d'inopposabilité ; que, compétemment saisi d'un litige posant des questions relatives à l'état et la capacité des personnes, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur l'opposabilité en France d'un jugement rendu en cette matière par un tribunal étranger ; que, si elles s'y croient fondées, les parties peuvent saisir le juge judiciaire qui est seul compétent pour se prononcer sur l'effet de plein droit de tels jugements ; qu'il appartient toutefois à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de ne pas fonder sa décision sur des éléments issus d'un jugement étranger qui révélerait l'existence d'une fraude ou d'une situation contraire à la conception française de l'ordre public international ;
8. Considérant qu'il résulte des pièces versées au dossier que la requérante s'est mariée avec un ressortissant français le 2 août 2012, et que ce mariage a été retranscrit sur les registres de l'état civil français ; que la requérante fait valoir que son divorce a été prononcé le
19 février 2014 par répudiation et à la seule initiative de son ex-mari par le Tribunal d'Ain El Hammam en Algérie, qu'il contrevient à l'ordre public français et au principe d'égalité entre époux et ne saurait dès lors être pris en compte pour lui refuser la délivrance du certificat qu'elle demandait ; qu'elle se borne cependant à produire un certificat de divorce établi par un officier d'état civil algérien daté du 6 février 2014 qui n'indique pas la procédure suivie et qui ne permet pas de tenir pour établies ses allégations de contrariété du divorce prononcé à l'ordre public français et au principe d'égalité entre époux ; que, par suite, le jugement prononçant le divorce de Mme C... produisant tous ses effets en France, le préfet de la
Seine-Saint-Denis a pu légalement refuser à l'intéressée la délivrance du certificat de résidence en qualité de conjointe de français qu'elle sollicitait au motif qu'elle ne justifiait plus de cette qualité à la date de la décision attaquée ; que la circonstance que la rupture de la communauté de vie serait intégralement imputable à son époux est sans incidence sur la légalité de cette décision ; qu'il ne ressort nullement de l'arrêté attaqué que le préfet aurait illégalement opposé la circonstance qu'elle avait cessé toute vie commune ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant, en premier lieu, que l'obligation de quitter le territoire français ayant été prononcée suite à un refus de délivrance de titre de séjour, elle n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour, laquelle comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est suffisamment motivée ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté ;
10. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1.Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; que, si Mme C...se prévaut de ses attaches personnelles en France, notamment de la présence de son père et de son insertion professionnelle, il résulte des pièces du dossier qu'elle a quitté l'Algérie en 2013 à l'âge de vingt-sept ans et qu'elle ne justifie pas ne plus avoir d'attaches familiales dans ce pays ; que si elle se prévaut des risques qu'elle encourt à retourner en Algérie, ces risques ne sont pas avérés ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante une atteinte disproportionnée au but recherché ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête de Mme C... tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 2 octobre 2014 doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fins d'injonction et d'astreinte ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme C...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
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N° 14VE03072 2