Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner la commune de Bobigny à lui verser la somme totale de 67 700 euros en réparation des préjudices moral et financier qu'elle estime avoir subis du fait, d'une part, du harcèlement moral et de la discrimination dont elle aurait été victime à raison de son état de santé, d'autre part, de la méconnaissance de l'obligation de sécurité incombant à son employeur.
Par un jugement n° 1302729 du 5 mai 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 juillet 2014 et 30 avril 2015, Mme B..., représentée par Me Karbowski, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Montreuil ;
2° de condamner la commune de Bobigny à lui verser la somme totale de 67 700 euros au titre des préjudices moral et matériel qu'elle estime avoir subis du fait de la discrimination liée à son état de santé et du harcèlement moral dont elle aurait été victime ;
3° d'enjoindre au maire de la commune de Bobigny de procéder à des aménagements de ses conditions de travail, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4° d'ordonner en tant que de besoin la désignation d'un tiers afin de fournir un avis technique sur les aménagements sollicités ;
5° de mettre à la charge de la commune de Bobigny la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance.
Mme B...soutient que :
- elle a été victime de la part de la commune de Bobigny de harcèlement moral pendant plusieurs années et de discrimination à raison de son handicap, en violation de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ;
- la commune de Bobigny a manqué de diligence dans l'aménagement de son poste et la mise en place d'une aide au transport, mesures dont la nécessité est avérée depuis plusieurs années ; les aménagements auxquels elle a consenti sont insuffisants alors, pourtant, que l'article 60 quinquies de la loi du 26 janvier 1984 prévoit que des aménagements d'horaires sont accordés au fonctionnaire handicapé ; en outre, l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 fait obligation à l'administration de prendre les mesures appropriées pour permettre au travailleur handicapé de conserver son emploi ;
- la commune de Bobigny a également manqué à ses obligations générales de sécurité et de santé des travailleurs, telles que prévues aux articles L. 4121-1 et suivants du code du travail ;
- ces fautes, qui engagent la responsabilité de la commune, lui ont causé des préjudices moral et financier qui seront justement indemnisés à hauteur respective de 50 700 euros et 17 000 euros.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Le Gars, président assesseur,
- et les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public.
1. Considérant que MmeB..., rédactrice titulaire employée par la commune de Bobigny, exerce les fonctions de secrétariat et d'accueil au service des sports de cette commune ; que, souffrant d'une polyarthrite rhumatoïde, elle a été placée en congé de maladie ou de longue maladie à plusieurs reprises entre 2001 et 2015 et s'est vu reconnaître le statut de travailleur handicapé le 17 mai 2002 ; qu'elle fait appel du jugement du 5 mai 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Bobigny à lui verser la somme totale de 67 700 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait, d'une part, du harcèlement moral et de la discrimination à raison de son handicap dont elle aurait été victime de la part de la commune, d'autre part, de la méconnaissance, par cette collectivité, des obligations générales de sécurité et de santé des travailleurs qui incombent aux employeurs ;
Sur les conclusions aux fins d'indemnité :
En ce qui concerne le harcèlement moral :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) " ; qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
3. Considérant que, pour soutenir qu'elle a été victime de harcèlement moral de la part de la commune de Bobigny, Mme B...soutient que la commune aurait systématiquement retardé son avancement, diminué ses évaluations annuelles sur plusieurs années et manqué de diligence dans l'aménagement de son poste de travail, alors même que son handicap était reconnu et qu'elle avait formulé des demandes d'aménagement de ce poste depuis plusieurs années ; que, toutefois, si la requérante fait état du délai de cinq ans qui a séparé sa réussite au concours de rédacteur de sa nomination, il résulte de l'article 44 de la loi du
26 janvier 1984 susvisée que l'inscription sur liste d'aptitude ne vaut pas recrutement ; que la commune étant ainsi libre de la recruter ou non à partir du moment où elle avait un poste vacant, ce délai de cinq ans ne saurait à lui seul faire présumer une situation de harcèlement moral ; que, si les notations de la requérante avaient été initialement baissées pour les années 1996 et 2001, mesures dont elle a obtenu l'annulation devant la commission administrative paritaire ou le juge, et si son évaluation chiffrée est restée stable depuis 2006, ces seules circonstances, non assorties de précisions sur la manière de servir de l'intéressée, ne permettent pas non plus de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que Mme B..., dont le poste de travail avait été équipé en 2010 d'un logiciel de reconnaissance vocale afin de la soulager dans ses tâches de secrétariat, a bénéficié, lors de sa reprise de fonctions en juin 2013, de plusieurs aménagements de poste ; que les fonctions d'accueil dans lesquelles l'intéressée souhaitait être maintenue étaient incompatibles avec sa demande de télétravail ; que, si la requérante fait état du temps mis par la commune à répondre à sa demande d'aide au transport, le comité départemental médical n'a émis un avis de reprise de travail avec aménagement de poste qu'en juin 2012 et la mise en place, en septembre 2013, d'un service de transport ne saurait, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme anormalement tardive ; qu'enfin, la commune ne peut être regardée comme ayant contraint Mme B... à rester en congé de maladie ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Bobigny aurait méconnu les dispositions de l'article 60 quinquies de la loi du 26 janvier 1984, qui prévoient que des aménagements d'horaire sont accordés au fonctionnaire handicapé dans toute la mesure compatible avec les nécessités du fonctionnement du service ; qu'il suit de là que Mme B...ne peut être regardée comme apportant des éléments de fait suffisants pour permettre de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ; qu'il en résulte qu'il n'est pas établi que la commune de Bobigny aurait, à ce titre, commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
En ce qui concerne la discrimination :
4. Considérant, d'une part, que, de manière générale, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction ; que cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes ; que, s'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 6 sexies de la loi du
13 juillet 1983 susvisée : " Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, les employeurs visés à l'article 2 prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 323-3 du code du travail d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer et d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, sous réserve que les charges consécutives à la mise en oeuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées, notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur " ;
6. Considérant que Mme B...soutient que les agissements susrappelés de la commune de Bobigny à son égard traduiraient une discrimination à raison de son handicap ; qu'il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 3. que Mme B...ne saurait être regardée comme apportant des éléments permettant de présumer l'existence d'une discrimination à son égard ; qu'il n'est, par suite, pas établi que la commune de Bobigny aurait à ce titre commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que, par ailleurs, il résulte également de ce qui précède que, compte tenu notamment des mesures qu'elle a prises pour permettre à Mme B... de se rendre à son travail et de l'exercer, la commune de Bobigny ne saurait être regardée comme ayant méconnu le principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, rappelé par les dispositions précitées de l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 ;
En ce qui concerne la violation des obligations générales de sécurité et de santé :
7. Considérant que si Mme B...invoque, à l'encontre de la commune de Bobigny, une violation des obligations générales tenant à la sécurité et à la santé des travailleurs, telles que régies par les dispositions des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail, le moyen tiré de la violation du code du travail, qui est en outre dépourvu de précisions, ne peut être utilement invoqué par un agent qui n'est pas soumis aux dispositions de ce code ; qu'il doit, par suite, être rejeté ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'établit pas que la commune de Bobigny aurait commis à son égard une faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'il suit de là que ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
9. Considérant que le présent arrêt, qui confirme le jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de MmeB..., ne nécessite aucune mesure d'exécution ; qu'ainsi, les conclusions présentées par Mme B...tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au maire de la commune de Bobigny de procéder à des aménagements de ses conditions de travail, ainsi que celles aux fins d'avis technique sur les aménagements requis, ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de la commune de Bobigny, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande MmeB... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans la présente instance, de mettre à la charge de la requérante la somme demandée à ce titre par la commune de Bobigny ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Bobigny tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 14VE01963 2