Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société PAUL DISCHAMP a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de substituer au prix figurant dans le contrat conclu par elle avec France Agrimer les 18 février et 8 avril 2011 un prix à la tonne de 3 512,724 euros et, en conséquence, de condamner France Agrimer à lui verser la somme de 349 097,67 euros hors taxe, outre la TVA, et, à titre subsidiaire, de déclarer nul ce même contrat pour défaut de consentement et, en conséquence, de condamner France Agrimer à réparer le préjudice qu'elle a subi en raison de l'exécution forcée du contrat en lui allouant la somme de 322 356,93 euros hors taxe, outre la TVA, et, enfin, de faire défense à France Agrimer d'exiger la livraison du tonnage restant et d'appliquer les pénalités prévues par le cahier des charges du plan national d'aide alimentaire.
Par un jugement n° 1203985 du 2 juillet 2013, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 12 août 2013 et 19 mai 2014, la société PAUL DISCHAMP, représentée par Me Vignancour, avocat, demande à la Cour :
1° à titre principal, de réparer l'erreur commise sur le prix et de condamner France Agrimer à lui verser une somme de 312 288,47 euros HT assortie de la TVA applicable au jour du paiement ;
2° à titre subsidiaire, d'annuler le contrat pour vice de consentement et de condamner France Agrimer à lui verser la somme susmentionnée à titre de dommages et intérêts, outre la TVA au taux applicable au jour du paiement ;
3° d'assortir les sommes susmentionnées des intérêts au taux légal à compter de la date de leur exigibilité contractuelle en cas de rectification des prix ou de la date de présentation de la demande devant le tribunal administratif, et de la capitalisation des intérêts ;
4° de mettre à la charge de France Agrimer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est recevable et fondée à exercer un recours en contestation de validité du contrat ;
- le contrat passé avec France Agrimer est entaché d'un vice du consentement, au sens de l'article 1 109 du code civil, en raison de l'erreur commise sur l'objet du contrat, le prix d'achat de la boîte de 367 grammes de maquereaux étant fixé à 1,239 euros par son fournisseur et son prix de vente étant fixé par erreur dans son offre à 1,289 euros le kilo, soit environ trois boîtes ; l'erreur, qui porte sur le nombre de boîtes contenues dans le prix de 202 400 euros, porte bien sur la substance même de la chose qui est l'objet du contrat ; cette erreur, qui est matérielle et non intentionnelle, est grossière, le prix proposé étant aberrant au regard de ceux proposés par les autres soumissionnaires ;
- France Agrimer, qui établit trimestriellement le cours du poisson frais, ne pouvait ignorer le caractère aberrant du prix proposé et n'a pu se méprendre de bonne foi ;
- elle n'a pas tardé à réagir, sa demande écrite du 21 décembre 2012 ayant été précédée de demandes orales et d'une réunion et la première facture n'ayant été émise que le
22 septembre 2011 ;
- à défaut de correction du prix, l'annulation du contrat aux torts de France Agrimer est justifiée pour vice de consentement ; l'erreur qu'elle a commise ne peut être qualifiée d'inexcusable dès lors qu'elle ne résulte pas d'une négligence, l'exposante n'étant pas spécialisée dans les produits de la mer, et qu'elle ne pouvait être décelée avant qu'elle ne devienne irréparable ; France Agrimer, bien au courant du cours du poisson et ayant connaissance des autres offres, aurait dû l'alerter sur le caractère aberrant de son offre, d'autant plus que cet établissement n'hésite pas à demander des compléments d'informations quand cela est nécessaire ;
- son offre ne correspond aucunement à un choix commercial mais fait suite à une erreur matérielle.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pilven,
- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,
- les observations de Me A...pour France Agrimer.
1. Considérant que l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer, dit France Agrimer, a lancé un appel à concurrence, publié au Journal officiel de l'Union européenne du 18 janvier 2011 et au Bulletin officiel des annonces des marchés publics le lendemain, au titre de la campagne 2011 du plan national d'aide alimentaire comprenant 24 lots de produits alimentaires divers destinés aux entrepôts des entreprises caritatives ; que la société PAUL DISCHAMP a présenté une offre notamment pour le lot n° 20 " Maquereaux sauce tomate - 385 grammes environ, boîte imprimée ovale en métal ou en aluminium, sans ouverture facile ", consistant en une quantité de 157 tonnes, soit 1 289,17 euros la tonne, qui a été retenue par décision en date du 6 avril 2011 ; que, par un courriel en date du 21 décembre 2011, alors que 133, 265 tonnes de produits avaient déjà été livrées, la société PAUL DISCHAMP a indiqué à France Agrimer qu'elle avait commis une erreur dans le calcul du prix lors de la remise de son offre, ayant confondu le prix d'achat au kilo et celui de la boîte de 367 grammes et qu'elle sollicitait de ce fait que France Agrimer n'applique pas les pénalités prévues au cahier des charges pour non livraison du reste du tonnage dû et étudie le principe d'une aide pour compenser les pertes financières subies par elle ; que, par un courriel du 23 décembre 2011, France Agrimer a rejeté cette demande ; que, par courrier en date du 13 février 2012, la SOCIETE PAUL DISCHAMP a présenté une demande préalable tendant à ce qu'elle soit exemptée d'exécuter la fin du marché et à ce que lui soit allouée une indemnité compensant les 302 539 euros de perte subie ; que, par courrier du 23 mars 2012, France Agrimer a également rejeté cette réclamation ; que la société PAUL DISCHAMP a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de procéder à une modification du prix figurant dans le contrat litigieux et, en conséquence, de condamner France Agrimer à lui verser la somme de 349 097,67 euros hors taxe, à titre subsidiaire, de déclarer nul le contrat litigieux pour défaut de consentement, et, en conséquence, de condamner France Agrimer à réparer le préjudice qu'elle a subi en raison de l'exécution forcée du contrat en lui allouant la somme de 322 356,93 euros hors taxe, et enfin de faire défense à l'établissement public d'exiger la livraison du tonnage restant et d'appliquer la pénalité prévue à l'article 10 du cahier des charges du plan national d'aide alimentaire pour insuffisance de fourniture ; qu'elle fait appel du jugement du 2 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif a rejeté cette demande et demande à la Cour, à titre principal, de réparer l'erreur commise sur le prix, à titre subsidiaire, d'annuler le contrat pour vice de consentement et, dans tous les cas, de condamner France Agrimer à lui verser la somme de 312 288,47 euros hors taxe, outre la TVA ;
2. Considérant, en premier lieu, que lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ;
3. Considérant que la société PAUL DISCHAMP soutient que son consentement a été vicié dès lors qu'elle a commis une erreur sur le prix de son offre, ayant confondu le prix d'achat au kilo et le prix d'achat de la boîte de 367 grammes de maquereau auprès de son fournisseur, ce qui l'a conduit à vendre à perte ; que, toutefois, cette erreur, qui porte sur le prix des boîtes de maquereaux, ne saurait être regardée comme portant sur la substance même de l'objet du contrat ; qu'en outre, l'erreur commise par la requérante est imputable à sa seule négligence et ne présente pas un caractère excusable ; qu'à cet égard, la société PAUL DISCHAMP n'est pas fondée à soutenir, dès lors que le prix proposé n'était pas aberrant, que France Agrimer aurait dû attirer son attention sur le prix proposé aux seuls motifs que son offre était de moitié moins élevée que celle du soumissionnaire ayant proposé la deuxième offre la moins disante, ou que le prix du maquereau frais, que cet établissement ne pouvait ignorer, était supérieur au prix qu'elle a proposé ; qu'ainsi, responsable des conditions dans lesquelles elle a donné son consentement et s'est engagée à réaliser les prestations objet du contrat, la société PAUL DISCHAMP n'est pas fondée à soutenir que ce dernier serait entaché d'un vice du consentement justifiant qu'il soit écarté ou annulé ;
4. Considérant, en second lieu, que si le caractère définitif du prix stipulé au marché s'oppose en principe à toute modification unilatérale ultérieure, ce principe ne saurait recevoir application dans le cas exceptionnel où il s'agit d'une erreur purement matérielle et d'une nature telle qu'il serait impossible à l'une des parties de s'en prévaloir de bonne foi ;
5. Considérant qu'en l'espèce, le prix de la boîte de maquereau en boîte stipulé au marché conclu entre la requérante et France Agrimer n'était pas aberrant et ne présentait pas, avec les prix normalement attendus des soumissionnaires du marché en cause, une disproportion telle qu'il serait impossible à France Agrimer de s'en prévaloir de bonne foi ; que, par suite, l'erreur alléguée par la société PAUL DISCHAMP n'est pas de celles qui justifient qu'il soit dérogé au caractère définitif du prix stipulé au marché ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société PAUL DISCHAMP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que France Agrimer n'étant pas la partie perdante, la société PAUL DISCHAMP n'est pas fondée à demander qu'une somme soit mise à sa charge en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société PAUL DISCHAMP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative une somme de 2 000 euros à verser à France Agrimer ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société PAUL DISCHAMP est rejetée.
Article 2 : La société PAUL DISCHAMP versera une somme de 2 000 euros à France Agrimer en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de France Agrimer tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
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N° 13VE02684