Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL DEUTSCH AUTOS a demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 15 décembre 2004 au 31 décembre 2005.
Par un jugement n° 1001652 du 10 avril 2014, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 juin 2014, la SARL DEUTSCH AUTOS représentée par Mes Orbillot et Sarvary-Bene, avocats, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 15 décembre 2004 au
31 décembre 2005 ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la réponse aux observations du contribuable, qui ne répond pas à sa contestation, de la position du service concernant les acquisitions intracommunautaires en France qui auraient été réalisées par les fournisseurs de la requérante, est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- elle se bornait à répercuter sur les reventes des véhicules le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur marge appliqué par ses fournisseurs espagnols ;
- lors de l'acquisition des véhicules et leur francisation un agent des impôts contrôlait les documents fournis par le gérant de la société et lui délivrait les certificats n° 1993 CDI ce qui signifiait nécessairement que la revente en France pouvait être soumise au régime de la taxe sur marge ;
- elle ne pouvait pas avoir accès à l'information donnée par le vérificateur, à la supposer exacte, selon laquelle ses fournisseurs espagnols auraient déclaré depuis l'Espagne des livraisons intracommunautaires exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ;
- l'administration ne démontre ni que les mentions portées sur les factures émises par ses fournisseurs auraient été erronées, ni que la requérante savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients ;
- la requérante avait vérifié que ses fournisseurs existaient effectivement et qu'ils avaient un numéro d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée ;
- son gérant, âgé de 22 ans, n'avait aucune expérience antérieure dans le domaine des ventes automobiles ;
- la société avait produit au service des impôts responsable de la délivrance des certificats d'acquisition n° 1993 CDI les mêmes documents que ceux qui lui sont opposés par le vérificateur, sans provoquer de remarques de la part de ce service ;
- la requérante avait fait l'objet d'une enquête concernant d'éventuels manquements aux règles de facturation, qui n'a jamais abouti ;
- il est difficile de deviner qu'un véhicule provenant d'Allemagne ayant appartenu à un professionnel d'après la carte grise initiale ne donnera pas lieu à l'application du régime de la taxe sur marge par un acquéreur intermédiaire dans un autre Etat membre dont les règles internes de déduction sont différentes des règles allemandes.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, modifiée par la directive 94/5/CE du Conseil du 14 février 1994 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vinot,
- et les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL DEUTSCH AUTOS, qui exerce une activité de vente de véhicules d'occasion, a fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité au titre de la période du 15 décembre 2004 au 31 décembre 2005 ; qu'à l'occasion de ce contrôle l'administration fiscale a constaté que cette société avait revendu, en appliquant le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévu par les dispositions de l'article 297 A du code général des impôts, des véhicules d'occasion qu'elle avait acquis auprès d'un fournisseur établi dans un autre Etat membre de l'Union européenne, la société espagnole Motor Das Mediterraneo (MDM) ; que l'administration, estimant que l'acquisition des véhicules par la SARL DEUTSCH AUTOS relevait du régime de droit commun des importations intracommunautaires dès lors que la société espagnole ne pouvait elle-même faire application de la taxation sur la marge, a mis à la charge de la contribuable des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 131 215 euros en droits assortis d'intérêts de 3 674 euros, mis en recouvrement le 16 octobre 2007 ; que la SARL DEUTSCH AUTOS fait appel du jugement du 10 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du
15 décembre 2004 au 31 décembre 2005 ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 57 du livre des procédures fiscales : "L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (....); Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée." ;
3. Considérant que, par une proposition de rectification du 22 août 2006, l'administration a informé la société qu'elle entendait remettre en cause l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur marge à raison des conditions dans lesquelles les véhicules avaient été acquis auprès de la société espagnole MDM, aux motifs qu'en vertu des dispositions de l'article 298 sexies-III-2 du code général des impôts les véhicules terrestres dont la livraison est effectuée dans les six mois de la première mise en service ou qui ont parcouru moins de
6 000 km sont considérés comme des moyens de transport neufs et que, dès lors que la société MDM achetait les véhicules sous le régime des livraisons intracommunautaires, l'acquisition de ces véhicules par la société espagnole constituait une acquisition intracommunautaire de biens situés en France en application de l'article 258 C du code général des impôts, et les opérations de revente des véhicules réalisées par la requérante devaient être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix total ; que, par les observations du contribuable en date du 1er septembre 2006, la société requérante a fait valoir que selon la logique retenue par l'administration c'est la société espagnole MDM qui aurait dû subir une procédure de rectification en France, et qu'elle-même ignorait les agissements frauduleux de la société MDM qui avait délivré tous les documents permettant d'estimer que le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur marge était applicable ; qu'en réponse, à ces observations, l'administration a indiqué que, compte tenu de la circonstance que la SARL DEUTSCH AUTOS réceptionnait elle-même en Allemagne les véhicules qui lui étaient facturés par la société espagnole, et des mentions apposées sur les cartes grises qui étaient remises à la requérante, cette dernière ne pouvait ignorer que les véhicules avaient appartenu à des entreprises pouvant déduire la taxe sur la valeur ajoutée sans avoir été revendus à des particuliers et que dans ces conditions leur revente devait être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix total des véhicules ;
4. Considérant que l'administration, qui a indiqué en détail les raisons pour lesquelles elle estimait que le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur marge n'était pas applicable et que la société ne pouvait ignorer ce fait, compte tenu des éléments dont elle disposait, a suffisamment motivé sa réponse aux observations du contribuable ; que la circonstance que cette réponse ne se prononce pas sur l'observation du contribuable selon laquelle la société espagnole MDM aurait dû subir une procédure de rectification en France est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition, dès lors que les rappels de taxe en litige sont afférents à la taxe sur la valeur ajoutée réputée collectée par la société requérante à l'occasion de la revente des véhicules à des tiers et non à la taxe sur la valeur ajoutée collectée par la société MDM à l'occasion de la vente des véhicules à la société requérante ;
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
- En ce qui concerne la loi fiscale :
5. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts : "1°Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) / 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti (...) ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des B ou C de l'article 26 bis de la directive n° 77/388/C.E.E. du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 (...)" ; qu'aux termes du I de l'article 297 A du même code : "1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...)" ;
6. Considérant que ces dispositions, issues de la loi de finances rectificative pour 1994 du 29 décembre 1994, ont pour objet de transposer l'article 26 bis de la sixième directive du 17 mai 1977, issu de l'article 1er de la septième directive du 14 février 1994 ; qu'il résulte desdites dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts, lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E du code général des impôts, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur marge prévu par l'article 26 bis de la directive du 17 mai 1977 ;
7. Considérant que, lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, et sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs ;
8. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que si, au cours de la période en cause, la SARL DEUTSCH AUTOS s'approvisionnait auprès de la société espagnole MDM, les véhicules achetés provenaient tous d'Allemagne où ils avaient été immatriculés à l'état neuf par des sociétés concessionnaires qui, en leur qualité de professionnels de l'automobile, avaient été autorisées à exercer leur droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée avant de revendre les véhicules au fournisseur espagnol de la requérante ; qu'il résulte ainsi de l'instruction que ces véhicules, qui n'ont jamais été détenus par des particuliers, ont donné lieu à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée sur l'intégralité de leur prix d'achat par les assujettis allemands, puis ont été revendus à la société espagnole MDM sous le régime des livraisons intracommunautaires exonérées de taxe sur la valeur ajoutée dans le pays de départ sans toutefois que ces véhicules ne transitent par l'Espagne avant d'être revendus ;
9. Considérant, dans ces conditions, que c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que la société espagnole n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur à raison des cessions de véhicules en cause et que le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur marge n'était dès lors pas applicable, malgré les mentions portées sur les certificats délivrés par l'intermédiaire espagnol selon lesquelles ce dernier était un négociant en automobile soumis au régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur marge qui, d'ailleurs, ne sauraient être regardées comme indiquant sans ambiguïté que le fournisseur espagnol avait appliqué le régime de taxation sur la marge aux opérations concernées ;
10. Considérant, d'autre part, que l'administration fiscale fait valoir que les véhicules achetés et revendus par la SARL DEUTSCH AUTOS avaient tous un faible kilométrage voire étaient de "première main" et que la société requérante, qui les réceptionnait directement en Allemagne sans qu'ils n'aient jamais transité par l'Espagne, ne pouvait ignorer qu'elle recourait à un intermédiaire espagnol dont le rôle principal était de lui délivrer des factures ; qu'elle ajoute que les documents en possession de la société, en particulier les "fahrzeugbriefe", faisaient clairement apparaître qu'ils étaient, depuis leur origine, immatriculés en Allemagne au nom de sociétés commerciales qui avaient, compte-tenu de la législation allemande sur la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux véhicules de tourisme, pu déduire la taxe en qualité de professionnels assujettis ;
11. Considérant que l'ensemble de ces constatations n'est pas contesté par la SARL DEUTSCH AUTOS ; que la circonstance que la société a été créée seulement en 2004 par son gérant, alors âgé de 22 ans et sans expérience antérieure dans le négoce automobile ne permet pas de remettre en cause le faisceau d'indices rassemblé par l'administration, lequel suffit à démontrer que la SARL DEUTSCH AUTOS savait ou aurait dû savoir que les achats qu'elle effectuait auprès de ses fournisseurs espagnols présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients ; qu'est sans incidence, à cet égard, la circonstance que la requérante avait produit au service des impôts responsable de la délivrance des certificats d'acquisition "1993 CDI" sans provoquer de remarques de la part de ce service, dès lors que ces certificats sont délivrés par l'administration, sur le fondement d'un contrôle en la forme des documents présentés, pour les seuls besoins de l'immatriculation ou de la francisation d'un moyen de transport introduit en France, sans avoir pour objet de prendre position sur le régime fiscal applicable au regard de la taxe sur la valeur ajoutée ;
- En ce qui concerne la doctrine administrative :
12. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : "Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration." ; qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre : "La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi." ;
13. Considérant, d'une part, que la requérante n'est pas fondée à se prévaloir de la doctrine référencée BOI 3 L-1-99 du 12 août 1999, qui ne fait en tout état de cause pas de la loi fiscale relative à la délivrance des certificats fiscaux une interprétation différente de ce qui a été dit au point 8 ;
14. Considérant, d'autre part, que, si la SARL DEUTSCH AUTOS soutient que l'administration aurait, à la suite d'un contrôle effectué à l'occasion du droit d'enquête régi par les articles L. 80 F et L. 80 H du livre des procédures fiscales, examiné ses factures d'achat et de vente sans constater de manquement concernant les mentions relatives à l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur marge, elle ne met pas la Cour, par cette seule affirmation, en mesure d'identifier une prise de position formelle de l'administration sur sa situation de fait au sens de l'article L. 80 B précité du livre des procédures fiscales ;
15. Considérant qu'il suit de là que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a remis en cause l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur marge et effectué les rappels correspondants ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL DEUTSCH AUTOS, qui ne soulève par ailleurs aucun moyen à l'appui de sa contestation des pénalités litigieuses, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 15 décembre 2004 au 31 décembre 2005 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL DEUTSCH AUTOS est rejetée.
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N° 14VE01748