Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2003 et 2004, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2003 au 31 octobre 2005, et des suppléments de taxe professionnelle auxquels il a été assujetti au titre des années 2005 et 2006 pour son établissement de Versailles.
Par jugement n° 0905882 du 29 avril 2014, le Tribunal administratif de Versailles a, par son article 1er, décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance, et par son article 2 rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 juillet 2014, M.B..., représenté par Me Fillon, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler l'article 2 du jugement n° 0905882 du Tribunal administratif de Versailles en date du 29 avril 2014 ;
2° de le décharger des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2003 et 2004, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2003 au 31 octobre 2005, et des pénalités correspondantes ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B...soutient que :
- la chronologie des procédures de contrôle révèle que l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, opéré alors que la vérification de comptabilité de son activité d'expert comptable avait été suspendue, et n'a abouti à aucun rehaussement, n'a été engagé qu'en vue de contrôler ses revenus professionnels, et révèle ainsi un détournement de procédure ;
- le recours à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales est entaché d'irrégularité, d'une part car l'administration connaissait la nature et l'origine professionnelles des sommes à la date de la demande de justifications, d'autre part parce que l'absence de taxation d'office, en application des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, des crédits dont l'origine demeurait inconnue, révèle un détournement de procédure, enfin parce que le service n'a pas fait état d'indices de nature à établir qu'il disposait de revenus, autres que ceux imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, plus importants que ceux qu'il avait déclarés ;
- il a été privé d'un débat oral et contradictoire au cours de la vérification de comptabilité, s'agissant des rectifications fondées sur les pièces obtenues après la fin des opérations de contrôle sur place ;
- la substitution de base légale, sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, en tant que revenus d'origine indéterminée, des crédits dont l'origine demeure inexpliquée, est irrégulière dès lors que le recours à l'article L. 16 du même livre est irrégulier.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nicolet,
- et les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public.
1. Considérant que M. B...demande d'une part l'annulation de l'article 2 du jugement du 29 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2003 et 2004, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2003 au 31 octobre 2005, ainsi que des pénalités correspondantes, et d'autre part la décharge des impositions et pénalités correspondantes restant en litige ;
2. Considérant que M. B...a fait l'objet, par un avis de vérification du 15 décembre 2005, d'une vérification de comptabilité de son activité d'expert comptable qui s'est déroulée du 6 janvier au 20 mars 2006, à l'issue de laquelle une proposition de rectification du 25 septembre 2006 lui a notamment notifié des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, pour les années 2003 et 2004, selon la procédure de rectification contradictoire, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, partiellement selon la même procédure, et partiellement selon la procédure de taxation d'office en application des dispositions du 3e de l'article L. 66 du livre de procédures fiscales, pour la période du 1er janvier 2003 au 31 octobre 2005 ; que M. B...a parallèlement fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, par un avis du 22 mars 2006, à l'issue duquel une proposition de rectification du 27 septembre 2006 lui a notamment notifié, selon la procédure de redressement contradictoire, un rehaussement en matière d'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux pour les années 2003 et 2004 ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a fait droit à la demande de substitution de base légale sollicitée par l'administration, conduisant à la taxation à l'impôt sur le revenu en tant que revenus d'origine indéterminée, sur le fondement des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, de crédits constatés sur des comptes bancaires privés de M. B..., dont la nature et l'origine demeuraient inexpliquées, à hauteur de
149 049,44 euros au titre de l'année 2003 et 21 688,88 euros au titre de l'année 2004 ;
Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions et pénalités correspondantes :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
S'agissant de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 B du livre des procédures fiscales : " Au cours d'une procédure d'examen de situation fiscale personnelle, l'administration peut examiner les opérations figurant sur des comptes financiers utilisés à la fois à titre privé et professionnel et demander au contribuable tous éclaircissements ou justifications sur ces opérations sans que cet examen et ces demandes constituent le début d'une procédure de vérification de comptabilité./ Au cours d'une procédure de vérification de comptabilité, l'administration peut procéder aux mêmes examen et demandes, sans que ceux-ci constituent le début d'une procédure d'examen de situation fiscale personnelle. /L'administration peut tenir compte, dans chacune de ces procédures, des constatations résultant de l'examen des comptes ou des réponses aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, et faites dans le cadre de l'autre procédure conformément aux seules règles applicables à cette dernière. " ;
4. Considérant que le vérificateur pouvait régulièrement, en application des dispositions précitées du troisième alinéa de l'article L. 47 B du livre des procédures fiscales, utiliser dans la proposition de rectification du 25 septembre 2006, émise à l'issue de la vérification de comptabilité de l'activité professionnelle de M.B..., les constatations effectuées lors de l'examen des comptes mixtes du contribuable dans le cadre de l'examen de sa situation fiscale personnelle, sans confondre les procédures de rectification ; que, par suite M. B...n'est pas fondé à soutenir que la chronologie des opérations de contrôle révélerait que l'engagement de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, qui, contrairement à ce qu'il soutient, est à l'origine de rectifications à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et dans la catégorie de revenus fonciers, révélerait un détournement de procédure ; que l'administration n'était pas tenue, dans le cadre de l'examen de la situation fiscale personnelle, de mener des investigations sur le patrimoine du contribuable, ainsi que sur les dépenses et le train de vie du foyer fiscal ; que la seule circonstance que le vérificateur ait exclusivement opéré des rectifications dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, selon la procédure contradictoire, alors même que l'origine et la nature de certains crédits sur ses comptes bancaires personnels n'était pas établie, ne suffit pas à caractériser un détournement de procédure ; que le moyen tiré de ce que l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle aurait été instrumentalisé à seules fins de poursuivre la vérification de comptabilité doit être écarté ;
5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, l'administration " peut demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés " ; qu'aux termes de l'article L. 69 du même livre, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 " ;
6. Considérant que l'administration peut adresser la demande de justifications prévue au troisième alinéa de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales à un contribuable imposé dans la catégorie des bénéfices non commerciaux si elle peut faire état d'indices sérieux pouvant donner à penser que ce contribuable a disposé de revenus d'une autre source ; qu'en l'espèce, si l'administration avait réuni, dans le cadre de la vérification de comptabilité, des éléments d'information de nature à présumer l'existence de minorations de recettes professionnelles pour des montants de 85 545 euros en 2003 et 73 428 euros en 2004, l'ampleur de l'écart, même en tenant compte de ces minorations de recettes professionnelles présumées, entre le total des crédits constatés sur les comptes bancaires, identifiés comme personnels par le contribuable, nets des virements de compte à compte, pour des montants de 295 058, 92 euros en 2003 et
171 673, 67 euros en 2004, et le total des revenus déclarés, soit les sommes de 30 499 euros en 2003 et 37 348 euros en 2004, permet de considérer que l'administration fiscale avait réuni des indices sérieux pouvant donner à penser que le contribuable avait pu disposer de revenus d'une autre source que professionnelle ; qu'ainsi, la circonstance que l'administration avait pu soupçonner l'existence de minorations de recettes professionnelles, pour les montants mentionnés, d'une part est insuffisante pour considérer, contrairement à ce que soutient le requérant, que l'administration connaissait, à la date à laquelle elle lui a adressé des demandes de justifications, en application des dispositions précitées de l'article L. 16 du livre de procédures fiscales, la nature professionnelle des crédits figurant sur ses comptes bancaires personnels, et d'autre part ne faisait pas obstacle, compte tenu des indices qu'elle avait réunis, à l'engagement de la procédure de demande de justifications régie par l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ; que la circonstance que l'administration se soit, en l'espèce, abstenue d'imposer les crédits constatés sur ses comptes bancaires personnels à l'impôt sur le revenu en tant que revenus d'origine indéterminée, selon la procédure de l'article L 69 du livre des procédures fiscales, ne suffit pas à caractériser un détournement de procédure ; que le moyen tiré de ce que le recours à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales serait entaché de détournement de procédure doit être écarté ;
S'agissant de la vérification de comptabilité :
7. Considérant que dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat ; que lorsqu'après la fin des opérations de contrôle sur place, le vérificateur obtient des pièces nouvelles, celles-ci sont présumées ne pas avoir fait l'objet d'un débat oral et contradictoire, sauf preuve contraire rapportée par l'administration ; que l'absence de débat, dans une telle hypothèse, n'est en principe pas de nature à affecter la régularité de la procédure d'imposition, sauf s'il apparaît que les pièces recueillies après la fin des opérations de vérification, en raison de leur teneur, de leur portée et de l'usage qui en a été fait par l'administration, impliquaient la réouverture du débat oral et contradictoire sur la comptabilité de l'entreprise ;
8. Considérant que le vérificateur a examiné, dans le cadre de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M.B..., les comptes bancaires identifiés comme personnels par le contribuable, et constaté l'encaissement d'honoraires résultant de son activité d'expert comptable sur ces comptes personnels, puis a tiré les conséquences des ces constatations, dans le cadre de la vérification de comptabilité qui avait été précédemment engagée, en proposant des rectifications à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, résultant de ces minorations de recettes professionnelles ; que M. B...soutient que ces rectifications ont été fondées sur des pièces qui ont été recueillies après la fin des opérations de vérification, et qui, en raison de leur teneur, de leur portée et de l'usage qui en a été fait par l'administration, impliquaient la réouverture du débat oral et contradictoire sur la comptabilité de l'entreprise ; que cependant la garantie du débat oral et contradictoire avec le contribuable ne s'applique pas aux documents communiqués à l'administration qui ne présentent pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise qui les a émises ; que les relevés des comptes mixtes du contribuable, ainsi que les copies des chèques émis par les clients, obtenus par l'exercice du droit de communication dont dispose l'administration fiscale auprès des établissements financiers et bancaires, ne présentaient pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise vérifiée ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie du débat oral et contradictoire sur ces pièces, et que les rectifications à l'impôt sur le revenu et à la taxe sur la valeur ajoutée qui en procèdent sont irrégulières ;
En ce qui concerne la substitution de base légale :
9. Considérant que l'administration pouvait régulièrement imposer en tant que revenus d'origine indéterminée, sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, régulièrement mises en oeuvre par l'administration, ainsi qu'il a été dit au point 6, et de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, les crédits d'un montant de 149 049,44 euros en 2003 et 21 588,88 euros en 2004, constatés sur certains comptes bancaires personnels de M.B..., dont l'origine et la nature sont demeurées indéterminées, en l'absence de réponse du contribuable aux demandes de justifications qui lui ont été adressées, et en l'absence de toute justification produite par le requérant dans la procédure contentieuse ; que, dès lors que le contribuable n'a ainsi été privé d'aucune garantie de procédure, l'imposition de ces sommes, initialement imposées à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, peut être régulièrement établie, par substitution de base légale, en tant que revenus d'origine indéterminée ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le tribunal administratif ne pouvait régulièrement procéder à la substitution de base légale, demandée par l'administration fiscale, doit être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'article 2 du jugement contesté du Tribunal administratif de Versailles ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que, l'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, aucune somme ne peut être mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
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N° 14VE02256 2