Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SA MONOPRIX a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des cotisations minimales de taxe professionnelle mises à sa charge au titre des années 2007 et 2008 ainsi que des intérêts de retard correspondants.
Par un jugement n° 1307694 du 11 juillet 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 septembre 2014
et 18 juin 2015, la SAS MONOPRIX demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° à titre principal, de la décharger des cotisations minimales de taxe professionnelle contestées à hauteur, en droits et intérêts, de 606 181 euros au titre de l'année 2007 et de
638 662 euros au titre de l'année 2008 ;
3° à titre subsidiaire, de réduire les cotisations minimales de taxe professionnelle contestées après déduction de la valeur ajoutée servant de base à son calcul des loyers et charges locatives afférentes à l'immeuble " Arche " situé à Courbevoie dont elle est le locataire intermédiaire ;
4° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SAS MONOPRIX soutient que :
- l'administration ne pouvait l'assujettir à la cotisation minimale de taxe professionnelle dès lors que son chiffre d'affaires imposable à la taxe professionnelle était inférieur à
7,6 millions d'euros ; qu'en effet, les activités de location d'immeubles nus dont elle est propriétaire ou de sous-location d'immeubles nus dont elle est crédit-preneur sont des activités civiles par nature et ne peuvent donc pas être qualifiées d'activité professionnelle au sens des dispositions de l'article 1447 du code général des impôts ; l'intention spéculative retenue par l'administration a trait au régime de la patente et ne s'applique pas à celui de la taxe professionnelle ; par suite, ces activités n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe professionnelle ; la jurisprudence et la doctrine (instruction 6-E-7-75 du 30 octobre 1975 paragraphes 26 et 27) confirment que la simple gestion d'un patrimoine privé, même à titre habituel et même par une société immobilière, exclut l'imposition à la taxe professionnelle ; la modification apportée par la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 portant loi de finances rectificative pour 2010, qui prévoit désormais expressément que les activités de location immobilière puissent présenter un caractère professionnel, ainsi que les travaux parlementaires qui l'ont précédée, démontrent qu'antérieurement, ces activités étaient exclues du champ d'application de l'impôt ; cela est confirmé par la réponse ministérielle en date du 3 août 2010 à la question de M. A...C..., député, en date du 8 décembre 2009 ; elle se borne à gérer son propre patrimoine et ne poursuit pas, selon les modalités différentes, une exploitation commerciale antérieure ; à cet égard, le critère de la mise en oeuvre de moyens matériels et humains est inopérant ; les seuls liens capitalistiques entre le propriétaire et le locataire des locaux ne permettent pas de déduire qu'elle poursuit une exploitation commerciale antérieure ; elle n'est plus, suite à la restructuration, que le propriétaire des locaux et c'est la société Monoprix Exploitation qui a pris l'engagement de poursuivre l'activité apportée ; l'administration n'ayant pas mis en oeuvre la procédure d'abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales à l'encontre de la restructuration de 2004, elle ne peut écarter aujourd'hui les effets des conventions d'apport et nier que la filiale est désormais propriétaire des fonds de commerce, est l'employeur juridique des salariés contribuant à l'exploitation de ces fonds, est propriétaire des équipements et matériels nécessaires à cette exploitation et s'acquitte de l'ensemble des impositions qui lui sont liées, y compris la taxe professionnelle ; elle est d'ailleurs fondée à se prévaloir, sur le fondement des article L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, du fait que l'administration fiscale n'a jamais remis en cause la qualité de redevable légal de la taxe professionnelle de la société Monoprix Exploitation ; enfin, elle ne participe pas à l'exploitation du locataire ;
- l'interprétation donnée par l'administration à la documentation de base 6-E-121
du 1er septembre 1991, dont les principes ont été repris par l'instruction 6-E-7-75 du
30 octobre 1975, qui lui sont opposables en vertu de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, est attentatoire au principe d'égalité devant l'impôt et les charges publiques issu des articles 6 et 13 de la déclaration des droits de l'homme de 1789 car elle instaure une discrimination entre les redevables (particuliers et sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie hors champ de la taxe professionnelle et autres sociétés dans le champ) qui n'est pas motivée par des considérations d'intérêt général ;
- les conditions d'assujettissement à la taxe professionnelle méconnaissent l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la déclaration des droits de l'homme de 1789 dont le principe a été confirmé par la Cour européenne des droits de l'homme (notamment CEDH 26 avril 1979, Sunday Times c. Royaume Uni, série A n° 30§47) ;
- les refacturations des taxes foncières qu'elle verse pour l'immeuble " Arche " situé à Courbevoie, dont elle est locataire et qu'elle sous-loue, doivent être regardées comme des loyers et charges locatives déductibles du calcul de sa valeur ajoutée servant de base au calcul de la cotisation minimale de taxe professionnelle, en application de l'instruction 6-E-1-00 § 32 et suivants, qui est opposable à l'administration en vertu de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bruno-Salel, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Belle, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour la SAS MONOPRIX.
1. Considérant que la société anonyme Monoprix, devenue la société par actions simplifiée SAS MONOPRIX a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration l'a imposée à des cotisations minimales de taxe professionnelle assises sur la valeur ajoutée au titre des années 2007 et 2008 ; que la SAS MONOPRIX demande l'annulation du jugement du 11 juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces cotisations minimales de taxe professionnelle ainsi que des intérêts de retard correspondants et, à titre principal, de la décharger de ces cotisations minimales à hauteur, en droits et intérêts, de 606 181 euros au titre de l'année 2007 et de 638 662 euros au titre de l'année 2008 ou, à titre subsidiaire, de réduire ces cotisations minimales après déduction de la valeur ajoutée servant de base à leur calcul des loyers et charges locatives afférentes à l'immeuble " Arche " situé à Courbevoie dont elle est le locataire intermédiaire ;
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 1447 du code général des impôts, dans sa rédaction imposable aux impositions en litige : " I. La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. " ; qu'aux termes de l'article 1647 D : " I. A compter de 1981, tous les redevables de la taxe professionnelle sont assujettis à une cotisation minimum établie au lieu de leur principal établissement (...) " ; que selon l'article 1647 E du même code : " I. La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7 600 000 euros est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie au II de l'article 1647 B sexies. (... ) " ;
3. Considérant que la location d'un immeuble nu par son propriétaire ne présente pas le caractère d'une activité professionnelle au sens de ces dispositions sauf dans l'hypothèse où, à travers cette location, le bailleur ne se borne pas à gérer son propre patrimoine mais poursuit, selon des modalités différentes, une exploitation commerciale antérieure ou participe à l'exploitation du locataire ; qu'il en va de même lorsqu'un immeuble nu est donné en sous-location par une personne qui en dispose en vertu d'un contrat de crédit-bail ;
4. Considérant que dans le cadre de la restructuration du groupe Monoprix qui a pris effet au 1er janvier 2004, les deux futures holding, la société mère Monoprix et la SAS LRMD, détenue à 100 % par la société Monoprix, propriétaires et exploitantes de certains magasins du groupe Monoprix, ont absorbé par voie de fusion l'ensemble de leur filiales ayant des actifs d'exploitation de magasins (murs et/ou fonds de commerces) puis ont, simultanément, regroupé l'ensemble de leurs actifs commerciaux, à l'exception des murs, et les ont apportés à la société Monoprix Exploitation, filiale détenue à 43 % par la société Monoprix et à 57 % par la SAS LRMD, elle-même détenue à 100 % par la société Monoprix ; qu'à l'issue de cette restructuration, les SAS MONOPRIX et LRMD se trouvent propriétaires de l'ensemble du patrimoine foncier du groupe Monoprix, composé notamment de plusieurs centaines de magasins, qu'elles donnent à bail pour l'essentiel aux sociétés du groupe Monoprix, et principalement à sa filiale, la société Monoprix Exploitation, qui détiennent et exploitent les fonds de commerce qu'elles leur ont apportés lors de la restructuration ;
5. Considérant qu'il est constant que l'activité de location de la SAS MONOPRIX portait sur des locaux nus, que les loyers constituaient l'essentiel de ses recettes et que ces loyers n'étaient pas indexés sur le chiffre d'affaires des sociétés locataires ; que l'importance des recettes générées par cette activité de location d'immeubles nus et des moyens matériels et humains mis en oeuvre sont sans incidence ; que les seules circonstances que la société requérante contrôle la société Monoprix Exploitation, qu'elle n'exige pas de dépôt de garantie et que le paiement des loyers s'opère à terme échu ne sont pas suffisantes pour établir que la SAS MONOPRIX ne se borne pas à gérer son propre patrimoine mais poursuit, selon des modalités différentes, l'exploitation commerciale qu'elle exerçait antérieurement ; que, par ailleurs, le ministre ne soutient pas que la SAS MONOPRIX participerait à l'exploitation des locataires ; qu'en tout état de cause, une telle participation ne résulte pas de l'instruction dès lors notamment qu'ainsi qu'il a été dit les loyers n'étaient pas indexés sur le chiffre d'affaires des sociétés locataires ; que, par suite, il ne résulte pas de l'instruction que l'activité de location des immeubles nus exercée par la SAS MONOPRIX présente le caractère d'une activité professionnelle au sens des dispositions du I de l'article 1447 du code général des impôts ; qu'il s'ensuit que le chiffre d'affaires qu'elle réalisait au titre de ses activités imposables était inférieur au seuil de 7,6 millions d'euros prévu par l'article 1647 E du code général des impôts à partir duquel elle pouvait être assujettie à la cotisation minimale de taxe professionnelle ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par la société requérante et ses conclusions subsidiaires, que la SAS MONOPRIX est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SAS MONOPRIX pour l'instance et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1307694 du 11 juillet 2014 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : La SAS MONOPRIX est déchargée des cotisations minimales de taxe professionnelle mises à sa charge au titre des années 2007 et 2008 et des intérêts correspondants à hauteur, en droits et intérêts, de 606 181 euros au titre de l'année 2007 et de 638 662 euros au titre de l'année 2008.
Article 3 : Il est mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance par la SAS MONOPRIX et non compris dans les dépens.
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N° 14VE02785 2