Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL CARREAU a demandé au Tribunal administratif de Versailles la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2006 et 2008 ainsi que des pénalités y afférentes.
Par un jugement n° 1302837 du 8 mars 2016 le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 avril, 22 novembre 2016 et 6 avril 2017, la SARL CARREAU, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge demandée ;
La SARL CARREAU soutient que :
- l'administration ne pouvant exiger que le contrôle s'effectue sur place, le refus de présenter les documents énoncés aux articles 172 bis et 46P de l'annexe III du code général des impôts ne peut être considéré comme une opposition à contrôle ;
- le modèle d'avis de contrôle adressé à la SCI Sud qui n'était pas un formulaire CERFA, ne lui était pas opposable ;
- l'administration qui a rectifié à son bilan de clôture de l'exercice clos en 2006 une erreur à l'origine d'une sous-estimation d'actif net, devait rectifier symétriquement le bilan d'ouverture de ce même exercice ; il n'y a pas eu variation de l'actif net dès lors qu'en échange des titres qu'elle a obtenus des SCI Cariatides et Sud, elle a fait apport à cette société de biens immobiliers ; le défaut d'inscription de ces biens à l'actif de son bilan résultant d'une erreur comptable, l'administration devait procéder à leur inscription à son actif ; il n'y a pas minoration de son actif net dès lors qu'elle était toujours propriétaire des parts au cours des exercices 2006 et 2008 et qu'elle n'a pas encaissé de prix de cession ;
- les charges relatives à l'immeuble du Perray étaient déductibles du résultat de la
SCI Sud ;
- le produit net de la vente de l'immeuble de Dordives a été déclaré pour 24 532 euros à la rubrique " autres produits de gestion courante " alors qu'il aurait fallu déterminer le montant de la plus-value imposable tel que décrit dans la proposition de rectification ;
- l'administration ne pouvait lui appliquer les pénalités pour manquement délibéré ; il n'y a pas eu minoration délibérée de son actif net ; un acte authentique a constaté l'apport en société des biens immobiliers en contrepartie duquel elle a reçu des parts sociales qui n'ont fait l'objet d'aucune mutation sur la période vérifiée ; l'apport en société des immeubles n'a pas dégagé de profit susceptible d'être imposé dès lors qu'une valeur d'actif (valeur des parts sociales) s'est substituée à une autre valeur identique (valeur des immeubles).
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rollet-Perraud,
- et les conclusions de Mme Belle, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL CARREAU a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur ses exercices clos le 31 décembre des années 2005 à 2008 ; qu'à l'issue de ce contrôle, le service a rehaussé ses bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2006, sur le fondement des dispositions du 2. de l'article 38 du code général des impôts, à concurrence d'une somme de 529 456 euros correspondant à la valeur des titres de participation dans le capital de la SCI Les Cariatides et de la SCI SUD détenus par la SARL CARREAU que cette dernière n'avait pas inscrits à l'actif de son bilan ; qu'il a également réintégré dans les bénéfices imposables de la SARL CARREAU au titre de son exercice clos en 2008 une somme de 22 451 euros représentant la quote-part d'un rehaussement notifié à la SCI SUD dont la SARL CARREAU est l'associée ; que les impositions supplémentaires en résultant, assorties des intérêts de retard et des majorations de l'article 1729 du code général des impôts, ont été mises en recouvrement le
19 mars 2010 ; que par un jugement du 8 mars 2016, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de la société requérante tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et en 2008 et des pénalités correspondantes ; que la SARL CARREAU relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 172 bis du code général des impôts : " Un décret précise la nature et la teneur des documents qui doivent être produits ou présentés à l'administration par les sociétés immobilières non soumises à l'impôt sur les sociétés qui donnent leurs immeubles en location ou en confèrent la jouissance à leurs associés (...) " ; que les articles 46 B et 46 C de l'annexe III au même code soumettent les sociétés immobilières mentionnées à l'article 172 bis du code général des impôts à des obligations déclaratives particulières et qu'en vertu de l'article 46 D de la même annexe, ces sociétés " sont tenues de présenter à toute réquisition du service des impôts tous documents comptables ou sociaux, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des renseignements portés sur les déclarations prévues auxdits articles 46 B et 46 C. " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'afin d'examiner les documents comptables et autres pièces justificatives que l'article 46 D de l'annexe III au code général des impôts impose aux sociétés civiles immobilières qui donnent leurs immeubles en location ou en confèrent la jouissance à leurs associés de tenir, l'administration peut légalement procéder à un contrôle sur place de ces documents, dans le respect des garanties bénéficiant à l'ensemble des contribuables vérifiés ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers " ; que le contrôle fiscal mentionné par ces dispositions ne saurait être restreint à la seule vérification de comptabilité prévue par l'article
L. 13 du livre des procédures fiscales mais vise l'ensemble des contrôles sur place auxquels l'administration des impôts est en droit de procéder ; qu'il en résulte que les sociétés civiles immobilières qui donnent leurs immeubles en location ou en confèrent la jouissance à leurs associés peuvent faire l'objet d'un contrôle sur place qui constitue un contrôle fiscal au sens de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI Sud qui était astreinte à produire à l'administration les documents comptables et les autres pièces justificatives que l'article 46 D de l'annexe III au code général des impôts lui imposaient de tenir, pouvait légalement faire l'objet d'un contrôle sur place nonobstant les circonstances que ni ce texte, ni les articles 172 bis du code général des impôts et 46 B à D de l'annexe III audit code n'aient été mentionnés dans l'exemplaire de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié qui lui a été adressée et que l'avis de contrôle dont elle a été destinataire n'a pas été présenté à l'aide d'un formulaire approuvé par le Centre d'enregistrement et de révision des formulaires administratifs (CERFA) ; qu'ainsi, et dès lors qu'il n'est pas contesté que la SCI Sud n'a pas présenté au service les documents énoncés aux articles 172 bis et 46 D précités, c'est à bon droit que l'administration a procédé à l'évaluation d'office de ses revenus fonciers ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'exercice clos en 2006 :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés.(...) 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit. (...) " ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions que le principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, tel que défini au premier alinéa, est applicable pour le calcul du bénéfice imposable, sauf si le contribuable est en droit de se prévaloir de l'une des exceptions prévues par les deuxième et troisième alinéas ; qu'en effet, les seules exceptions à la règle à caractère objectif que fixent ainsi ces dispositions sont celles qu'elles prévoient ; que la société requérante qui n'établit pas ni d'ailleurs n'allègue pouvoir se prévaloir de ces exceptions, n'est pas fondée à soutenir que l'administration qui a rectifié au bilan de clôture de son exercice 2006 l'erreur à l'origine de la sous-estimation de son actif net, devait rectifier symétriquement le bilan d'ouverture de cet exercice qui était le premier exercice non prescrit ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que le bénéfice net étant constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, la circonstance que les titres de participation que la SARL CARREAU a négligé d'inscrire à l'actif de son bilan dès leur acquisition et que l'administration a réintégrés à ce dernier, n'aient pas été cédés par l'intéressée, est sans incidence sur la détermination de son résultat imposable ;
8. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les biens immobiliers apportés aux SCI Cariatides et Sud en échange des titres de participation que la
SARL CARREAU a négligé d'inscrire à l'actif de son bilan, n'étaient pas non plus inscrits à l'actif du bilan de cette société ; que la variation positive de l'actif net de la SARL CARREAU résultant de la réintégration à son actif de ces titres de participation n'a donc pas été neutralisée par cet apport qui ne s'est traduit par aucune sortie d'actif ; que la société requérante n'est pas fondée, à cet égard, à se prévaloir de ce que, compte tenu de son erreur comptable, l'administration aurait également dû procéder à l'inscription des biens apportés à l'actif de son bilan de clôture dès lors que la vente de ces biens est, en tout état de cause, intervenue avant la clôture dudit exercice ; que la SARL CARREAU n'est, par suite, pas fondée à contester la réintégration dans ses bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2006, sur le fondement des dispositions du 2. de l'article 38 du code général des impôts, d'une somme de 529 456 euros correspondant à la valeur des titres de participation dans le capital de la
SCI Les Cariatides et de la SCI SUD ;
En ce qui concerne l'exercice clos en 2008 :
9. Considérant, d'une part, qu'aux termes du II de l'article 15 du code général des impôts : " Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu (...) " ; qu'aux termes de l'article 28 du même code : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété. " ; que l'article 31 du même code fixe les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net ; qu'il résulte de ces dispositions que les charges afférentes aux logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne peuvent venir en déduction pour la détermination du revenu foncier compris dans le revenu global soumis à l'impôt sur le revenu ; qu'il appartient au propriétaire qui entend, pour déduire les charges afférentes à un logement resté vacant, se prévaloir de ce qu'il a entendu le louer et non s'en réserver la jouissance d'apporter la preuve des diligences qu'il a accomplies pour la location de ce logement ;
10. Considérant que l'administration a remis en cause la déduction opérée par la SCI Sud des charges d'eau, d'électricité, de gaz et de taxes foncières concernant un immeuble situé au Perray-en-Yvelines au motif que cet immeuble n'avait pas été mis en location et que la SCI Sud devait être regardée comme s'en étant réservée la jouissance ; que la SARL Carreau n'établit ni que ce bâtiment à usage d'habitation aurait fait, au cours de l'année 2007, l'objet de travaux qui auraient empêché sa mise en location, ni qu'il aurait été loué au cours de l'année 2006 puis au cours de la période postérieure à l'année 2007 ; que dès lors, la SARL Carreau n'est pas fondée à contester la réintégration de ces charges au bénéfice réalisé par la SCI Sud à laquelle l'administration a procédé ;
11. Considérant, d'autre part, que le moyen relatif à la plus-value résultant de la vente par la SCI Sud de l'immeuble situé à Dordives n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Sur les pénalités pour manquement délibéré :
12. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce qu'elle soutient, la société requérante a procédé à la minoration de son actif net au titre de l'exercice clos en 2006 ; que l'administration relève que la SARL CARREAU ne pouvait ignorer qu'elle détenait des parts dans les SCI Cariatides et Sud ; qu'elle établit de cette manière que les omissions relevées dans la déclaration de l'intéressée au titre de son exercice clos en 2006 présentaient un caractère délibéré ; que la société requérante ne conteste pas utilement la majoration dont elle a fait l'objet au titre de son exercice 2008 ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration lui a appliqué la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par les dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la SARL CARREAU n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL CARREAU est rejetée.
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N° 16VE01286