Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F...A...E...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 31 mai 2017 par lequel la PREFETE DE L'ESSONNE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre à ladite préfète de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Par un jugement n° 1704584 du 13 novembre 2017, le Tribunal administratif de Versailles a fait droit à cette demande et a annulé l'arrêté du 31 mai 2017 de la PREFETE de l'ESSONNE et a enjoint à ladite préfète de délivrer à Mme A...E...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois suivant la date de notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 décembre 2017 et 27 mars 2018, la PREFETE DE L'ESSONNE demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme F...A...E...devant le Tribunal administratif de Versailles.
Elle soutient que :
- le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité de l'enfant de Mme A... E... par M. C...est établi en tant que celui-ci a reconnu neuf enfants, dont deux de manière anticipée, de mères étrangères toutes nées à Kinshasa, sans avoir vécu avec elles, dans différents départements, qu'il a fait l'objet d'un signalement auprès du procureur de la République, et qu'il n'est pas établi qu'il participe à l'entretien et l'éducation de l'enfant. C'est donc à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté au motif qu'il avait méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
- les autres moyens invoqués en première instance par Mme A...E...ne sont pas fondés.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Besson-Ledey.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F...A...E..., ressortissante de la République Démocratique du Congo, née le 24 avril 1990, entrée irrégulièrement sur le territoire français en 2012, a sollicité le 24 mars 2017 le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 31 mai 2017, la PREFETE DE L'ESSONNE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 13 novembre 2017, dont la PREFETE DE L'ESSONNE relève appel, le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 31 mai 2017.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".
3. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.
4. Mme A...E...qui serait entrée en France en janvier 2012, a donné naissance le 28 février 2014 à un enfant prénommé Jason, lequel a fait l'objet, le 19 mai 2014, d'une reconnaissance de paternité par un ressortissant français, M.C.... Toutefois il ressort des pièces du dossier que M. C...a reconnu neuf autres enfants nés de mères étrangères, dont deux par anticipation, avec lesquelles il n'a jamais vécu, il n'a entretenu ni n'entretient aucune relation avec Mme A...E..., de trente ans sa cadette, hormis, selon les seules allégations de l'intéressée, lors de la conception de l'enfant, tous deux résident dans des départements différents, il ne participe ni à l'entretien ni à l'éducation de l'enfant qu'il a reconnu et a fait l'objet, le 22 février 2017, d'un signalement auprès du procureur de la République pour reconnaissances de paternité de complaisance. Dès lors, en l'absence de liens établis entre Mme A... E...et M.C..., ainsi qu'entre ce dernier et son enfant et la fréquence des reconnaissances de paternité par ce ressortissant français, la PREFETE DE L'ESSONNE doit, dans les circonstances particulières de l'espèce, et alors même que les enquêtes menées au titre du signalement auprès du procureur de la République seraient toujours en cours, être regardée comme établissant, par des éléments précis et concordants, de manière suffisamment probante que la reconnaissance de paternité souscrite par M. C...l'a été dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française au bénéfice de l'enfant de Mme A...E.... Par suite, la PREFETE DE L'ESSONNE, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude, a pu sans méconnaître les dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser à Mme A... E...la délivrance du titre de séjour sollicité. Dès lors, la PREFETE DE L'ESSONNE est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur le motif tiré de la violation de ces dispositions pour annuler son arrêté.
5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...E...devant le Tribunal administratif de Versailles et la Cour administrative d'appel.
Sur les moyens communs soulevés à l'encontre de l'arrêté du 31 mai 2017 portant refus d'admission au séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et un délai de départ volontaire :
6. L'arrêté attaqué a été signé par Mme D...B..., directrice de l'immigration et de l'intégration, qui justifie d'une délégation de signature à cet effet accordée par arrêté de la préfète du 6 septembre 2016, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de l'Etat. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté.
7. L'arrêté attaqué comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Il fait notamment état de la situation privée et familiale de Mme A... E..., permettant ainsi de s'assurer que la PREFETE DE L'ESSONNE a pris sa décision en considération de la situation particulière de celle-ci, la seule circonstance que l'arrêté ne mentionne pas le prénom de son premier enfant étant par ailleurs sans incidence. Par suite, les moyens tirés de ce que l'arrêté serait entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de la situation particulière de l'intéressée doivent être écartés.
Sur la légalité interne de la décision portant refus de titre de séjour :
8. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. Mme A...E...soutient qu'elle occupe un emploi, qu'elle est locataire d'un logement et que sa fille aînée est scolarisée. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elle est entrée irrégulièrement en France en 2012 et n'a bénéficié que d'un contrat de travail temporaire en 2017. Si sa fille aînée, âgée de 12 ans, est scolarisée depuis le mois d'octobre 2013, Mme A... E... n'apporte aucun élément de nature à démontrer que celle-ci ne pourrait pas poursuivre sa scolarité en République démocratique du Congo. En outre, Mme A...E..., célibataire, ne justifie pas, ni même n'allègue, qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel elle a habituellement vécu jusqu'à l'âge de 22 ans. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, elle n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précitées. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la PREFETE DE L'ESSONNE aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée doit être écarté.
10. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
11. Le refus de titre de séjour contesté n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer Mme A... E...de ses enfants mineurs et, en tout état de cause, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue en République Démocratique du Congo et que les enfants y poursuivent leur scolarité.
Sur la légalité interne de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le moyen invoqué par Mme A... E... à l'appui de sa contestation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de séjour, ne peut qu'être écarté.
13. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et reposerait sur une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
Sur la légalité interne de la décision fixant le pays de destination :
14. Il résulte de ce qui précède que Mme A...E...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui refusant un délai de départ volontaire.
15. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité interne de la décision refusant un délai de départ volontaire :
16. Aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire (...) / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux ". Ces dispositions ont été transposées en droit interne à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Aux termes du II de cet article : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...). L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. ".
17. La PREFETE DE L'ESSONNE a accordé à Mme A...E...le délai de trente jours habituellement dévolu aux étrangers pour procéder à leur éloignement volontaire en application du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ni le fait que la fille aînée de l'intéressée est scolarisée en France, alors qu'il n'est pas allégué qu'elle ne pourrait pas poursuivre sa scolarité en République Démocratique du Congo, ni la circonstance que l'intéressée soit titulaire d'un contrat de travail lequel n'est que temporaire ou qu'elle soit locataire de son logement, ne caractérisent l'existence d'une situation exceptionnelle imposant qu'un délai de départ supérieur à trente jours soit accordé à l'intéressée par la PREFETE DE L'ESSONNE. Par suite, en accordant un tel délai de départ à Mme A... E..., la PREFETE DE L'ESSONNE n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
18. Il résulte de tout ce qui précède que la PREFETE DE L'ESSONNE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 31 mai 2017.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
20. Les dispositions précitées font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme demandée par Mme A...E..., partie perdante, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1704584 du 13 novembre 2017 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A...E...devant le Tribunal administratif de Versailles est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de Mme A...E...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 17VE03717