La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/01/2019 | FRANCE | N°16VE01541

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 08 janvier 2019, 16VE01541


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Marvingil SAS Intermarché a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 24 février 2015 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France a mis à sa charge la somme de 17 458 euros en application des articles L. 6331-12, L. 6331-31, L. 6331-6 et L. 6331-28 du code du travail.

Par un jugement n° 1503487 du 22 mars 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoi

re complémentaire, enregistrés les 25 mai et 20 septembre 2016, le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'E...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Marvingil SAS Intermarché a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 24 février 2015 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France a mis à sa charge la somme de 17 458 euros en application des articles L. 6331-12, L. 6331-31, L. 6331-6 et L. 6331-28 du code du travail.

Par un jugement n° 1503487 du 22 mars 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mai et 20 septembre 2016, le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI, DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DU DIALOGUE SOCIAL demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande de la société Marvingil SAS Intermarché présentée devant le tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision du 24 février 2015 pour incompétence, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de l'Ile-de-France ayant valablement reçu délégation de signature par le préfet de la région Ile-de-France ;

- la société ne justifie pas avoir consulté le comité d'entreprise conformément aux dispositions des articles L. 2323-33 et suivants du code du travail.

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

- le décret n° 2009-1377 du 10 novembre 2009 ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Besson-Ledey,

- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Marvingil SAS Intermarché a, les 4 juin et 9 septembre 2013, fait l'objet d'un contrôle, en application des articles L. 6361-4 et L. 6362-2 du code du travail, sur le respect de son obligation de participation au développement de la formation professionnelle continue et de consultation du comité d'entreprise sur la formation professionnelle au titre des années 2010, 2011 et 2012. Par une décision du 2 décembre 2014, le préfet de la région Ile-de-France a mis à sa charge le versement d'une somme de 17 458 euros au Trésor public en application des articles L. 6331-12, L. 6331-31, L. 6331-6 et L. 6331-28 du code du travail. Par une décision du 24 février 2015, le préfet a rejeté le recours préalable formé par la société Marvingil SAS Intermarché. Par un jugement du 22 mars 2016 dont le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI, DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DU DIALOGUE SOCIAL relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 24 février 2015 du préfet de la région Ile-de-France.

2. Aux termes de l'article L. 6361-1 du code du travail : " L'Etat exerce un contrôle administratif et financier sur les dépenses de formation exposées par les employeurs au titre de leur obligation de participation au développement de la formation professionnelle continue instituée par l'article L. 6331-1 et sur les actions prévues aux articles L. 6313-1 et L. 6314-1 qu'ils conduisent (...) ".

3. Aux termes de l'article 1er du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements : " Le préfet de région dans la région, le préfet de département dans le département, est dépositaire de l'autorité de l'Etat. (...) / Ils représentent le Premier ministre et chacun des ministres. (...) / Ils dirigent, sous l'autorité des ministres et dans les conditions définies par le présent décret, les services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat ". Aux termes de l'article 15 du même décret : " Le préfet prend les décisions dans les matières relevant des attributions des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans la région ou dans le département. / Pour l'application du présent décret, l'expression : services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans la région désigne l'ensemble des services déconcentrés de l'Etat dont les compétences s'exercent à l'échelon d'une région ou dans plusieurs départements d'une même région (...) ". Aux termes de son article 38 : " Le préfet de région peut donner délégation de signature. Le préfet de région peut donner délégation de signature notamment en matière d'ordonnancement secondaire : (...) / 4° Pour les matières relevant de leurs attributions, aux chefs ou responsables des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans la région. (...) ".

4. Aux termes de l'article 1er du décret du 10 novembre 2009 relatif à l'organisation et aux missions des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi : " Les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi sont des services déconcentrés communs au ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et au ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. / Dans chaque région, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi exerce, sous l'autorité du préfet de région et, pour les missions relevant de sa compétence, sous l'autorité fonctionnelle du préfet de département, les missions définies à l'article 2, à l'exception de celles relatives aux actions d'inspection de la législation du travail mentionnées au 1° dudit article, d'une part, et, d'autre part, des pouvoirs d'enquête et d'investigation exercés sous le contrôle de l'autorité judiciaire. ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Sous réserve des compétences attribuées à d'autres services ou établissements publics de l'Etat, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi est chargée : (...) 2° Des actions de développement des entreprises et de l'emploi, notamment dans les domaines de l'innovation et de la compétitivité des entreprises, en France et à l'étranger, du marché du travail, de la formation professionnelle continue (...) ".

5. M.A..., directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de l'Ile-de-France a reçu délégation du préfet de la région Ile-de-France par arrêté n° 2013004-0009 du 4 janvier 2013, régulièrement publié, " à l'effet de signer au nom du préfet de la région d'Ile-de-France, tous arrêtés, décisions, pièces ou conventions relevant des attributions de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France ". Contrairement à ce que soutient la société Marvingil SAS Intermarché, le contrôle administratif et financier des activités de formation professionnelle continue exercé en vertu de l'article L. 6361-1 du code du travail relève des attributions visées par le 2° de l'article 2 du décret du 10 novembre 2009 précité. Il s'ensuit qu'en vertu de l'article 38 du décret du 29 avril 2004, le préfet de la région Ile-de-France pouvait légalement donner délégation de signature au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Ile-de-France à l'effet de signer la décision litigieuse.

6. Il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU TRAVAIL est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de l'incompétence du signataire pour annuler la décision du 24 février 2015 du préfet de la région Ile-de-France.

7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Marvingil SAS Intermarché devant le tribunal administratif de Montreuil et la cour administrative d'appel.

8. D'une part, aux termes de l'article L. 2323-6 du code du travail dans sa rédaction applicable du 1er mai 2008 au 1er janvier 2016 : " Le comité d'entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle. ". Aux termes de l'article L. 2323-33 du même code dans sa rédaction applicable du 17 juin 2013 au 1er janvier 2016 : " Chaque année, le comité d'entreprise est consulté sur les orientations de la formation professionnelle dans l'entreprise en fonction des perspectives économiques et de l'évolution de l'emploi, des investissements et des technologies dans l'entreprise (...) ". Aux termes de l'article L. 2323-34 du même code dans sa rédaction applicable du 7 mars 2014 au 1er janvier 2016 : " Chaque année, au cours de deux réunions spécifiques, le comité d'entreprise émet un avis sur l'exécution du plan de formation du personnel de l'entreprise de l'année précédente et sur le projet de plan pour l'année à venir. (...) ". Aux termes de l'article L. 2323-36 du même code dans sa rédaction applicable du 7 mars 2014 au 1er janvier 2016 : " Afin de permettre aux membres du comité d'entreprise et, le cas échéant, aux membres de la commission de la formation de participer à l'élaboration du plan de formation et de préparer les délibérations dont il fait l'objet, l'employeur leur communique, trois semaines au moins avant les réunions du comité ou de la commission précités, les documents d'information dont la liste est établie par décret. Cette liste peut être complétée par un accord d'entreprise. (...) ". Aux termes de l'article D. 2323-7 du même code dans sa rédaction applicable avant son abrogation le 1er juillet 2016 : " La consultation du comité d'entreprise en matière de formation professionnelle est réalisée au cours de deux réunions. / La première réunion porte sur la présentation et la discussion des documents prévus aux 1° à 7° de l'article D. 2323-5. / La seconde réunion est relative au plan de formation, aux conditions de mise en oeuvre des périodes et des contrats de professionnalisation et à la mise en oeuvre du droit individuel à la formation mentionné au 8° de l'article précité. / Sauf si un accord d'entreprise en dispose autrement, ces deux réunions doivent intervenir respectivement avant le 1er octobre et avant le 31 décembre de l'année en cours. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le comité d'entreprise doit être consulté à trois reprises en cours d'année afin de délibérer sur les orientations stratégiques de la formation professionnelle et, au cours de deux réunions spécifiques, sur l'exécution du plan de formation de l'année antérieure et de l'année en cours et sur le projet de plan de formation pour l'année suivante, ces deux réunions devant intervenir avant le 1er octobre et avant le 31 décembre de l'année en cours. L'employeur doit communiquer au comité d'entreprise, au moins trois semaines avant ces deux réunions, les documents d'information prévus à l'article D. 2323-5 du code du travail.

9. D'autre part, aux termes de l'article L. 6331-31 du code du travail dans sa rédaction alors applicable : " L'employeur de cinquante salariés et plus atteste sur l'honneur qu'il a satisfait à l'obligation de consultation du comité d'entreprise prévue à l'article L. 6331-12. A la demande de l'administration, il produit les procès-verbaux justifiant du respect de cette obligation. / A défaut, le montant des dépenses ou contributions auquel il est tenu par l'article L. 6331-19 est majoré de 50 %. / Cette majoration est versée dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 6331-28. / Le versement est opéré en même temps que le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 6331-32. / Ce versement est établi et recouvré selon les modalités ainsi que sous les sûretés, garanties et sanctions applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires. ". Aux termes de l'article L. 6331-12 du même code : " Les employeurs d'au moins cinquante salariés ne peuvent être regardés comme s'étant conformés aux dispositions du présent chapitre que si, ayant satisfait à l'obligation prévue à l'article L. 6331-9, ils justifient que le comité d'entreprise a délibéré sur les problèmes propres à l'entreprise, relatifs à la formation professionnelle continue dans les conditions prévues aux articles L. 2323-33 à L. 2323-39. / Les employeurs sont dispensés de cette justification lorsqu'ils produisent le procès-verbal de carence prévu à l'article L. 2324-8. ". Il résulte de ces dispositions qu'un employeur de cinquante salariés et plus, assujetti à l'obligation de participation au financement de la formation professionnelle continue, est tenu de justifier des délibérations annuelles du comité d'entreprise sur les problèmes de formation propres à l'entreprise dans les conditions prévues par les articles L. 2323-33 à L. 2323-29 du code du travail. Il ne peut être dispensé d'apporter une telle justification que s'il produit un procès-verbal de carence établi pour l'année au titre de laquelle il s'est acquitté de l'obligation de participation. A défaut d'une telle production, il encourt la majoration de sa contribution prévue à l'article L. 6331-31 du code du travail.

10. Le préfet de la région Ile-de-France a, dans la décision attaquée par laquelle il a fait application de la majoration de 50% prévue par les dispositions précitées de l'article L. 6331-31 du code du travail, considéré que la société Marvingil SAS Intermarché n'avait, au cours des années 2010, 2011 et 2012, pas consulté le comité d'entreprise sur les orientations de la formation professionnelle de la société comme le prévoit l'article L. 2323-33 du code du travail, ni démontré que les documents énumérés à l'article D. 2323-5 du code du travail avaient été remis au comité d'entreprise dans le délai imparti et, enfin, que la plupart des réunions avaient été effectuées après les dates limites fixées par l'article D. 2323-7 du code du travail.

11. Si la société Marvingil SAS Intermarché soutient qu'elle a satisfait à son obligation de consultation du comité d'entreprise sur la formation professionnelle, elle se borne à fournir un procès-verbal d'une réunion du comité d'entreprise du 19 décembre 2011, des convocations à des réunions mensuelles du comité d'entreprise au cours de l'année 2012 et des documents rapportant les questions du comité d'entreprise au cours de la même année. Aucun de ces documents n'est de nature à justifier que le comité d'entreprise aurait effectivement été consulté sur les orientations de la formation professionnelle, ni qu'il se serait réuni, lors de deux réunions spécifiques, sur l'exécution du plan de formation de l'année antérieure et de l'année en cours et sur le projet de plan de formation pour l'année suivante. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la société aurait communiqué au comité d'entreprise, au moins trois semaines avant les deux réunions, les documents d'information visés à l'article D. 2323-5 du code du travail. Par suite, la société Marvingil SAS Intermarché n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait respecté ses obligations en matière de participation à la formation professionnelle continue pour les années 2010 à 2012.

12. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 24 février 2015 du préfet de la région Ile-de-France.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du MINISTRE DU TRAVAIL, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Marvingil SAS Intermarché demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1503487 du 22 mars 2016 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Marvingil SAS Intermarché devant le Tribunal administratif de Montreuil ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

N° 16VE01541


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE01541
Date de la décision : 08/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-09 Travail et emploi. Formation professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: Mme Laurence BESSON-LEDEY
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : SELARL LAFARGE ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-01-08;16ve01541 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award