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29/01/2019 | FRANCE | N°16VE00277

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 29 janvier 2019, 16VE00277


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS NURUN a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la restitution d'un crédit d'impôt pour dépenses de recherche au titre des années 2008, pour un montant de 179 026 euros, 2009, pour un montant de 156 103 euros, et 2010, pour un montant de 84 720 euros, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et de condamner l'État aux entiers dépens.

Par un jugement n° 1210151 et 1302966 du 26 nove

mbre 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé un non lieu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS NURUN a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la restitution d'un crédit d'impôt pour dépenses de recherche au titre des années 2008, pour un montant de 179 026 euros, 2009, pour un montant de 156 103 euros, et 2010, pour un montant de 84 720 euros, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et de condamner l'État aux entiers dépens.

Par un jugement n° 1210151 et 1302966 du 26 novembre 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé un non lieu à statuer sur les conclusions à fin de restitution des demandes à concurrence des dégrèvements de 91 180 euros, au titre de l'année 2008, et 374 808 euros, au titre des années 2009 et 2010, et rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 janvier 2016 et 27 octobre 2017, la SAS NURUN, représentée par Me Bonin, avocat, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer la restitution de la fraction non restituée du crédit d'impôt recherche au titre des années 2008, pour un montant de 176 676 euros, 2009 pour un montant de 154 399 euros, et 2010 pour un montant de 79 954 euros ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 6 440 euros au titre des dépens.

Elle soutient que :

- les dépenses de recherche qu'elle a exposées pour le développement du projet " Landscape Analytics " est entièrement éligible au crédit d'impôt en litige dès lors qu'il constitue une opération de développement expérimental ;

- l'interprétation administrative de la loi fiscale contenue dans la documentation administrative du 12 septembre 2012 référencée BOI-BIC-RICI-10-10-10-20 et dans l'instruction publiée le 22 avril 1991 au bulletin officiel des impôts, référencée 4 A-4-91, confirment l'éligibilité du projet " Landscape Analytics " au crédit d'impôt en litige ;

- eu égard aux qualifications et aux tâches réalisées par certains salariés ayant participé au projet " NuWad " les dépenses de personnel correspondantes sont entièrement éligibles au crédit d'impôt en litige.

Vu le jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dibie,

- les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public,

- et les observations de Me Bonin, pour la SAS NURUN.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée NURUN est la mère d'un groupe fiscal intégré auquel appartient la société Nurun France (devenue Razorfish France), qui exerce une activité de conception et de mise au point de sites internet de haut niveau technologique. Elle a présenté des réclamations tendant à la restitution de crédits d'impôt au titre des dépenses exposées en 2008, 2009 et 2010 pour la réalisation des projets intitulés " NuWad " et " Landscape Analytics " dont l'objet est, respectivement, de permettre à des personnes de réaliser des applications Web sans connaissance particulière en informatique et de collecter des données pour les rendre facilement accessibles au plus grand nombre. Par décisions des 9 octobre 2012 et 19 février 2013, le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine a rejeté ces réclamations, puis, par deux avis des 25 et 26 août 2015, a prononcé la restitution partielle des crédits d'impôt en litige au titre des années 2008, 2009 et 2010. Par la présente requête, la SAS NURUN relève appel du jugement en date du 26 novembre 2015 en tant que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'a pas prononcé la restitution de la totalité des sommes en litige.

Sur les conclusions à fin de restitution :

2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises (...) commerciales (...) imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés [aux] opérations [de recherche scientifique et technique] (...) c) Les autres dépenses de fonctionnement exposées dans les mêmes opérations (...) VI. Un décret fixe les conditions d'application du présent article (...) ". Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par ces dispositions.

En ce qui concerne le projet " Landscape Analytics " :

3. Aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts, pris pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du même code : " (...) sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : (...) c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté. ".

4. Pour apprécier la déductibilité des dépenses en cause au titre du crédit d'impôt recherche, il y a lieu d'examiner si les dépenses ont été exposées pour le développement de logiciels dont la conception ne pouvait être envisagée, eu égard à l'état des connaissances techniques à l'époque considérée, que par un professionnel averti, autrement que par simple développement ou adaptation de ces techniques.

5. Il résulte de l'instruction que le projet " Landscape Analytics " consiste à développer un outil analytique visant à agréger des données hétérogènes " online " et " offline " accessible à tous par une interface fluide et permettant de manipuler les données en temps réel. Dès lors, ces opérations qui se bornent à agréger des données issues de techniques existantes consistent en l'espèce en un simple développement ou adaptation de techniques existantes, et ne contribuent pas, en outre, à dissiper une incertitude scientifique ou technique. Ainsi, les dépenses exposées pour le développement de ce projet ne sauraient être regardées comme des dépenses de recherche au sens des b) et c) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a refusé de restituer à la société NURUN les crédits d'impôt en litige à raison de ce projet par application de la loi fiscale.

6. Selon les dispositions du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. ".

7. La décision refusant de rembourser un crédit d'impôt ne constituant ni un rehaussement d'imposition ni un redressement, la SAS NURUN ne peut utilement invoquer le bénéfice des dispositions précitées du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le projet " NuWad " :

8. Aux termes de l'article 49 septies G de l'annexe III au code général des impôts, pris pour l'application des dispositions du b) du II de l'article 244 quater B du même code : " Le personnel de recherche comprend : / 1. Les chercheurs qui sont les scientifiques ou les ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux. Sont assimilés aux ingénieurs les salariés qui, sans posséder un diplôme, ont acquis cette qualification au sein de leur entreprise. / 2. Les techniciens, qui sont les personnels travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs, pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement expérimental. / Notamment : / Ils préparent les substances, les matériaux et les appareils pour la réalisation d'expériences ; / Ils prêtent leur concours aux chercheurs pendant le déroulement des expériences ou les effectuent sous le contrôle de ceux-ci ; / Ils ont la charge de l'entretien et du fonctionnement des appareils et des équipements nécessaires à la recherche et au développement expérimental (...) ".

9. Il résulte de l'instruction que, pour le projet " NuWad " qui a été regardé comme éligible au crédit d'impôt recherche, l'administration a exclu du montant des dépenses ouvrant droit au bénéfice de ce dispositif une partie des dépenses de personnel exposées dans le cadre de ce projet en considérant notamment que MM. F..., B..., C..., D..., E...et A...ne pouvaient être regardés comme exerçant des fonctions de recherche et développement. La société requérante soutient que ces salariés ont exercé en 2008, 2009 ou 2010 des fonctions de techniciens dans le cadre du projet " NuWad " et produit des états faisant apparaître le nom des salariés, leur qualification, la nature des travaux de recherche auxquels ils ont été employés et le nombre d'heures de travail consacré par chaque agent à ces travaux. Toutefois, la société requérante n'établit pas ni même soutient qu'il existerait un lien de collaboration entre chacun des salariés dont elle demande la reconnaissance de la qualification de technicien au sens des dispositions précitées de l'article 49 septies G de l'annexe III au code général des impôts, et un chercheur " en vue d'assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche ". Faute de pouvoir établir une relation avec des travaux de chercheurs, la qualification de personnel éligible au titre du crédit recherche ne peut pas être reconnue à ces techniciens pour leur participation au projet " NuWad ". il s'ensuit que les dépenses de personnel découlant de l'activité de ces personnels n'ouvrent pas droit au crédit d'impôt recherche.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS NURUN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que celles tendant au remboursement des dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS NURUN est rejetée.

2

N° 16VE00277


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16VE00277
Date de la décision : 29/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Alice DIBIE
Rapporteur public ?: M. CHAYVIALLE
Avocat(s) : SELARL ERIC BONIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-01-29;16ve00277 ?
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