Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B...A...ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis, en droits et pénalités, au titre des années 2008 et 2009, ainsi que de l'amende qui leur a été infligée sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts.
Par un jugement n° 1404956 du 13 avril 2015 et un jugement n° 1410094 du 17 mars 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ces demandes.
Par un arrêt n° 15VE01869, 16VE01215 du 9 février 2017, la Cour administrative d'appel de Versailles, après avoir joint les deux requêtes, a déchargé M. et Mme A...de l'amende qui leur a été infligée sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts, au titre tant de l'année 2008 que de l'année 2009, réformé le jugement du Tribunal administratif de Montreuil n° 1410094 en ce qu'il a de contraire à son arrêt et rejeté le surplus des requêtes.
Par une décision n° 409358 du 12 juillet 2018, le Conseil d'État a annulé les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à cette cour.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et des mémoires enregistrés, sous le n° 15VE01869, le 12 juin 2015 et le 31 mars 2016, et après cassation le 17 juillet 2018, sous le n° 18VE02419, M. et MmeA..., représentés par Me Lafitan, avocat, demandent à la Cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires en litige ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme A...soutiennent que :
- ils ont leur domicile fiscal au Luxembourg au regard de la loi française ;
- ils justifient de charges, notamment fiscales, afférentes à leur domicile au
Luxembourg ;
- M. A...est salarié pour l'audit-sécurité d'une entreprise qui a son siège au Luxembourg et y a un bureau, même s'il effectue des déplacements et des missions pour des entreprises françaises et dans d'autres pays ;
- les impôts locaux acquittés en France au titre de leur propriété de Heucqueville sont référencés " résidence secondaire " ;
- l'activité de M. A...est également imposable au Luxembourg en matière d'impôt sur le revenu en vertu, soit de l'article 14, soit de l'article 15 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise ;
- l'administration ne démontre pas qu'il exerce en France une mission supérieure à 183 jours au regard de l'instruction du BOI-Int-CVB-LUX-20§610 ;
- c'est au Luxembourg qu'il a un point fixe d'attache.
II. Par une requête et des mémoires, enregistrés, sous le n° 16VE01215 le 25 avril, le 27 mai et le 14 octobre 2016, et après cassation le 17 juillet 2018, sous le n° 18VE02419, M. et MmeA..., représentés par Me Lafitan, avocat, demandent à la Cour, par les mêmes moyens que ceux soulevés sous la requête n° 15VE01869 :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la décharge de l'amende en litige ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme A...soutiennent en outre que :
- ayant leur domicile fiscal au Luxembourg, ils n'étaient pas tenus par l'article 1649 A du code général des impôts de déclarer à l'administration française leur compte bancaire ouvert dans cet Etat ;
- le montant de l'amende est par lui-même contraire au principe de proportionnalité des peines aux manquements réprimés et au principe d'individualisation des peines consacrés par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- le montant de cette sanction pénale est manifestement disproportionné, au sens de l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de l'absence d'intention frauduleuse démontrée, et du montant des sommes ayant transité sur le compte non déclaré au Luxembourg ;
- ce montant, qui est supérieur au montant retenu pour les mêmes faits par l'article L. 152 -5 du code monétaire et financier, contrevient par là même au principe constitutionnel d'égalité devant la loi ;
- il introduit également, pour cette même raison, un traitement discriminatoire au sens de l'article 14 de la convention mentionnée ci-dessus ;
- toujours, pour la même raison, il constitue un traitement discriminatoire au regard des articles 14 et 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention du 1er avril 1958 entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;
- le pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont la ratification a été autorisée par la loi du 25 juin 1980 et qui a été publié au Journal officiel par le décret du
29 janvier 1981 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code monétaire et financier, notamment son article L. 152-5 ;
- la décision n° 2015-481 du 17 septembre 2015 du Conseil constitutionnel ;
- la décision du 22 décembre 2017 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et MmeA... ;
- la décision n° 2017-692 QPC du 16 février 2018 du Conseil constitutionnel statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et MmeA... ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dibie,
- et les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A...ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2008 et 2009, au terme duquel l'administration les a assujettis à des compléments d'impôt sur le revenu au titre de ces années et leur a infligé l'amende prévue au IV de l'article 1736 du code général des impôts. Saisie de deux requêtes par lesquelles M. et Mme A...relèvent appel du jugement n° 1404956 du 13 avril 2015 et du jugement n° 1410094 du 17 mars 2016 par lesquels le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités, la Cour administrative d'appel de Versailles, par un arrêt n° 15VE01869, 16VE01215 du 9 février 2017, a joint les deux requêtes, déchargé M. et Mme A...de l'amende qui leur a été infligée sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts, au titre tant de l'année 2008 que de l'année 2009, réformé le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 1410094 en ce qu'il a de contraire à son arrêt et rejeté le surplus des requêtes. Par une décision n° 409358 du 12 juillet 2018, le Conseil d'État a annulé les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à cette cour.
Sur l'étendue du litige soumis à la juridiction de renvoi :
2. La censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
3. Par l'arrêt du 9 février 2017, la Cour administrative de Versailles a, d'une part, déchargé M. et Mme A...de l'amende qui leur a été infligée sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts, au titre tant de l'année 2008 que de l'année 2009, et réformé le jugement du Tribunal administratif de Montreuil n° 1410094 en ce qu'il a de contraire à son arrêt, d'autre part, rejeté le surplus des requêtes. Le ministre de l'action et des comptes publics, auteur du pourvoi en cassation, a contesté la décharge de M. et Mme A... par l'arrêt susvisé de la cour de l'amende qui leur a été a infligée sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts, au titre tant de l'année 2008 que de l'année 2009. Par suite, la juridiction de renvoi n'est saisie que des conclusions d'appel de M. et Mme A...tendant à la décharge des pénalités afférentes aux cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009, et des moyens exposés à leur soutien.
Sur l'amende prévue au IV de l'article 1736 du code général des impôts :
4. En premier lieu, la Cour administrative d'appel de Versailles, dans son arrêt du 9 février 2017 a, dans son article 4, rejeté le surplus des requêtes de M. et Mme A...tendant notamment à ce que soit jugée leur qualité de résidents fiscaux luxembourgeois au titre des années 2008 et 2009. Leur qualité de résidents fiscaux français au titre de ces années ayant autorité de la chose jugée, le moyen tiré de ce qu'ils n'étaient pas tenus en vertu des dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts de déclarer à l'administration française leur compte bancaire ouvert au Luxembourg, ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, il résulte des motifs et du dispositif de la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-481 QPC du 17 septembre 2015 que les dispositions du IV de l'article 1736 du code général des impôts dans leur rédaction issue de la loi du 30 décembre 2008, en tant qu'elles sanctionnent d'une amende de 1 500 euros ou de 10 000 euros par compte non déclaré les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts ne méconnaissaient pas le principe de proportionnalité et d'individualisation des peines, et ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté garanti par la Constitution. M. et Mme A...ne peuvent, par suite, se prévaloir en tout état de cause des dispositions de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
6. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que le montant de l'amende prévu par les dispositions du IV de l'article 1736 du code général des impôts dans leur rédaction issue de la loi du 30 décembre 2008, qui est supérieur au montant retenu pour les mêmes faits par l'article L. 152-5 du code monétaire et financier, contreviendrait au principe constitutionnel d'égalité devant la loi, n'étant pas soulevé dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité et dans les conditions prévues par l'article R. 771-3 du code de justice administrative, est irrecevable.
7. En quatrième lieu, M. et Mme A...soutiennent que cette amende, ayant un caractère forfaitaire, méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ressort des dispositions de l'article 1736 du code général des impôts précitées que la loi elle-même a assuré, dans une certaine mesure, la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements que le législateur a entendu réprimer dès lors que le montant de l'amende que peut prononcer l'administration est fonction du nombre de comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger et non déclarés aux services fiscaux. Ainsi, le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, pour chaque sanction prononcée, soit de maintenir l'amende, soit d'en dispenser le contribuable si ce dernier n'a pas manqué à l'obligation de déclaration de l'existence d'un compte bancaire à l'étranger. Le juge de l'impôt, qui dispose ainsi d'un pouvoir de pleine juridiction conforme aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales lesquelles n'impliquent pas, alors même que le législateur a retenu un montant unique par infraction constatée, que le juge puisse moduler l'application de ce montant, peut proportionner les pénalités selon la gravité des agissements commis par le contribuable. Il suit de là que le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 1736 ne sont pas compatibles avec les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'écarter le moyen tiré de l'incompatibilité de cet article avec les stipulations de l'article 14 de la même convention.
8. En dernier lieu, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2017-692 QPC du 16 février 2018 a jugé, en premier lieu, que l'article L. 152-5 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au présent litige, est contraire à la Constitution à compter du 1er janvier 2009, date à laquelle la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificatives pour 2008 est entrée en vigueur, en deuxième lieu, que la prise d'effet de cette déclaration d'inconstitutionnalité intervient à compter de la date de publication de sa décision et en troisième et dernier lieu, que la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la même date. Il s'ensuit qu'en l'absence désormais de deux dispositions concurrentes dans l'ordonnancement juridique fixant deux amendes de montants très inégaux pour sanctionner le même manquement, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi, tel que protégé par les articles 14 et 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de
Montreuil a rejeté leur demande de décharge de l'amende qui leur a été infligée sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts. Il s'ensuit que leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions de M. et Mme A...tendant à la décharge de l'amende qui leur a été infligée sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts, et à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 18VE02419