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16/05/2019 | FRANCE | N°16VE03896

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 16 mai 2019, 16VE03896


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune d'Aubervilliers a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle, de condamner la commune d'Aubervilliers à lui verser la somme de 84 950 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, assortie des intérêts au taux légal, d'enjoindre à la commune d'Aubervilliers de lui octroyer la protection fonctionnelle dans toutes les affaires pendantes devant la juridiction

administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notificatio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune d'Aubervilliers a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle, de condamner la commune d'Aubervilliers à lui verser la somme de 84 950 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, assortie des intérêts au taux légal, d'enjoindre à la commune d'Aubervilliers de lui octroyer la protection fonctionnelle dans toutes les affaires pendantes devant la juridiction administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 300 euros par jour de retard et de mettre à la charge de la commune d'Aubervilliers une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1506565 du 28 octobre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision implicite par laquelle le maire de la commune d'Aubervilliers a refusé d'accorder la protection fonctionnelle à M.B..., a condamné la commune d'Aubervilliers à verser à M. B...une somme de 500 euros au titre de son préjudice moral et a mis à la charge de la commune d'Aubervilliers le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 29 décembre 2016 et le 20 février 2017, M.B..., représenté par Me Arvis, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement du 28 octobre 2016, en tant qu'il a limité la condamnation de la commune d'Aubervilliers à lui verser la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral ;

2° de condamner la commune d'Aubervilliers à lui verser la somme de 84 950 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la demande préalable et de la capitalisation desdits intérêts ;

3° de mettre à la charge de la commune d'Aubervilliers la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors que les premiers juges n'ont pas visé et analysé l'ensemble des écritures des parties, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative ;

- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en estimant que la commune d'Aubervilliers n'avait pas manqué à son obligation de loyauté et d'impartialité ;

- ils ont commis une erreur de droit en estimant que le maintien de la suspension conservatoire au-delà du 24 octobre 2014, date du rapport d'enquête, voire du 13 janvier 2015, date du classement sans suite, n'était pas de nature à engager la responsabilité de la commune d'Aubervilliers ;

- en n'exigeant pas de la commune qu'elle prouve que son maire n'avait pas eu connaissance des conclusions du rapport d'enquête interne à la date à laquelle il a été rédigé, les premiers juges ont violé les règles relatives à la répartition de la charge de la preuve ;

- ils ont commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en considérant qu'il n'était pas fondé à soutenir qu'il n'avait pas été réellement réintégré ; l'absence d'information à son droit à retrouver son poste dès le 24 octobre 2014 ou à tout le moins dès le 13 janvier 2015 est fautive ; la proposition d'affectation faite à M. B...était inadaptée et irrégulière et engage la responsabilité de l'administration ; ayant sollicité sa reprise dès le 24 octobre 2014, la commune a adopté une attitude fautive consistant à " le mettre au placard " ;

- ils ont également commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en estimant qu'il ne pouvait être indemnisé des préjudices résultant des accusations portées contre lui et des mesures vexatoires prises à son encontre qu'à hauteur de 500 euros, cette somme étant particulièrement faible ;

- il est entaché d'une contradiction de motifs entre les points 9 et 15 du jugement attaqué ;

- il a en effet subi un préjudice financier, résultant du retrait de son indemnité d'exercices des missions, de son indemnité d'administration et de technicité, de sa nouvelle bonification indiciaire et de son ITH mensuelle de 550 euros par mois sur neuf mois à parfaire ;

- il a par ailleurs subi un préjudice de carrière et des troubles dans les conditions d'existence du fait des accusations publiques portées contre lui, de son éviction pendant plus d'un an et de l'impossibilité de poursuivre des formations qu'il avait engagées, pouvant être évalués à 30 000 euros ;

- il a enfin subi un préjudice moral qui peut être évalué à 50 000 euros.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°83-634 du 13 janvier 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ablard,

- les conclusions de Mme Bonfils, rapporteur public,

- les observations de Me Arvis, pour M.B..., et celles de MeA..., substituant MeC..., pour la commune d'Aubervilliers.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., adjoint technique de 2ème classe titulaire, a exercé les fonctions de responsable des équipements sportifs de la commune d'Aubervilliers. Un adjoint au maire de la commune ayant accusé M. B...de l'avoir physiquement agressé dans son bureau le 1er octobre 2014, ce dernier a été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire pour une durée de quatre mois par un arrêté du 3 octobre 2014. La commune a mis fin à cette mesure de suspension le 4 février 2015. Par un jugement n° 1502770 du 25 mars 2016, devenu définitif, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté les conclusions présentées par M. B...tendant à l'annulation de cette décision. Par un courrier du 26 mars 2015, M. B...a demandé à la commune d'Aubervilliers l'octroi de la protection fonctionnelle et la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'arrêté du 3 octobre 2014. Cette demande a été implicitement rejetée par la commune d'Aubervilliers. M. B...relève appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 28 octobre 2016, en tant qu'il a limité la condamnation de la commune d'Aubervilliers à lui verser la somme de 500 euros en réparation de ses préjudices, et demande à la Cour de condamner la commune d'Aubervilliers à lui verser la somme de 84 950 euros en réparation desdits préjudices. La commune d'Aubervilliers, par la voie de l'appel incident, demande à la Cour de réformer ce jugement en tant qu'il a fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. B...et l'a condamnée à lui verser la somme de 500 euros.

Sur la recevabilité des conclusions incidentes de la commune d'Aubervilliers tendant à la réformation du jugement attaqué annulant la décision implicite refusant d'accorder la protection fonctionnelle à M.B... :

2. Par sa requête, M. B...sollicite l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a condamné la commune d'Aubervilliers à lui verser seulement la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral. Les conclusions incidentes de la commune d'Aubervilliers tendant à la réformation du jugement attaqué annulant la décision implicite refusant d'accorder la protection fonctionnelle à M. B...soulèvent un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel principal. Par suite, elles doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M.B..., le jugement attaqué vise et analyse les conclusions des mémoires des parties, en application de l'article R. 741-2 du code de justice administrative. Il vise également le mémoire produit le 7 octobre 2016 par M.B..., postérieurement à la clôture de l'instruction fixée au 3 août 2016, ainsi que les notes en délibéré produites par les parties après l'audience.

4. En deuxième lieu, si M. B...soutient que le tribunal administratif a entaché son jugement d'erreurs de droit, d'erreurs d'appréciation et d'une contradiction de motifs, ces moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par les premiers juges, ne sont, en tout état de cause, pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué.

5. En dernier lieu, contrairement à ce que soutient M.B..., le tribunal n'a pas méconnu son office en ne faisant pas usage de son pouvoir d'instruction pour juger que la commune d'Aubervilliers n'avait commis aucune faute en maintenant sa suspension conservatoire au-delà du 24 octobre 2014.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne les fautes :

6. En premier lieu, le requérant fait valoir que la commune d'Aubervilliers a manqué à son égard à son obligation de loyauté et d'impartialité. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, notamment de courriels du 2 octobre 2014, que le directeur général des services de la commune aurait, le lendemain de l'altercation survenue dans le bureau d'un élu, pris parti en défaveur de M.B.... Il s'est d'ailleurs borné à solliciter un rapport circonstancié à son supérieur hiérarchique qui était présent lors de l'entretien. Si un courriel et un communiqué de presse d'un groupe d'élus au conseil municipal mettant en cause M. B...ont été diffusés le 4 octobre 2014 sans susciter de réaction de la part du maire de la commune, cette circonstance n'est pas de nature à établir la partialité de l'administration, le maire ayant informé M. B...dans un courrier du 3 octobre 2014 de son intention de prononcer sa suspension à titre conservatoire dans l'intérêt du service et de la mise en oeuvre d'une enquête administrative contradictoire pour établir objectivement la matérialité et la qualification des faits. Enfin, il ne ressort pas du courrier adressé le 5 mars 2015 au président du conseil de discipline du centre interdépartemental de gestion de la Petite Couronne que le maire de la commune d'Aubervilliers aurait " cherché à influencer le conseil de discipline par la communication d'informations parcellaires et erronées ". Par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que la commune d'Aubervilliers aurait manqué d'impartialité à son égard et commis, par suite, une faute de nature à engager sa responsabilité.

7. En deuxième lieu, M. B...soutient que la suspension conservatoire dont il a fait l'objet aurait dû prendre fin dès le 24 octobre 2014, date à laquelle le directeur général des services a remis son rapport d'enquête au maire de la commune d'Aubervilliers. Toutefois, à supposer même que le maire de la commune d'Aubervilliers ait eu connaissance de ce rapport dès le 24 octobre 2014 comme l'affirme le requérant, ce rapport, qui conclut " qu'aucun élément, et encore moins de preuve matérielle, ne peut en l'état actuel des choses accréditer la version de l'une ou l'autre des parties ", ne met pas l'intéressé hors de cause. Dès lors, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le maire devait mettre fin à la mesure de suspension en prenant connaissance de ce rapport. Enfin, si la plainte dont M. B...a fait l'objet a été classée sans suite le 13 janvier 2015, il n'est, en tout état de cause, pas établi que la commune en aurait été informée avant le 4 février 2015, date à laquelle il a été mis fin à la mesure de suspension. Dans ces conditions, M. B...n'est pas fondé à soutenir que la prolongation de cette mesure jusqu'à cette date présente un caractère fautif.

8. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point ci-dessus, la commune d'Aubervilliers n'étant pas tenue de mettre fin à la suspension conservatoire de M. B...le 24 octobre 2014 ou au plus tard le 13 janvier 2015, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'elle aurait commis une faute en ne l'informant pas d'un prétendu droit à réintégration à ces dates. En outre, il résulte de l'instruction que M.B..., qui a bénéficié de trois jours de congés exceptionnels à l'issue de sa période de suspension de quatre mois le 4 février 2015, s'est alors vu proposer le poste de responsable du magasin central au sein du service achats de la direction des achats et de la commande publique de la commune d'Aubervilliers. Il n'est pas établi que le poste qui lui a été proposé ne constituait pas une affectation équivalente à celle précédemment occupée par l'intéressé. Cette proposition, visant à mettre un terme aux tensions existant dans le service dans lequel M. B...était affecté jusqu'alors, a été faite dans l'intérêt du service et n'a pas entraîné, comme le prétend le requérant, une modification substantielle de sa situation ou sa " mise au placard ". M. B...ayant refusé cette nouvelle affectation, n'est pas fondé à soutenir que la commune aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en refusant de le réintégrer dans ses fonctions antérieures.

En ce qui concerne les préjudices :

9. En premier lieu, si M. B...sollicite la réparation de son préjudice financier correspondant aux diverses indemnités dont il aurait été privé pendant neuf mois, il résulte de l'instruction, en particulier des bulletins de paie produits par la commune, que ces indemnités lui ont constamment été versées. Ainsi, il ne justifie d'aucun préjudice financier.

10. En deuxième lieu, M. B...ne justifie d'aucun préjudice de carrière du fait des accusations et de la mesure de suspension dont il a fait l'objet. Il a d'ailleurs pu poursuivre avec succès une formation professionnelle contrairement à ce qu'il soutient.

11. Enfin, M. B...se prévaut d'un préjudice moral et de troubles dans les conditions d'existence du fait des accusations publiques vexatoires dont il a fait l'objet et du refus de protection fonctionnelle opposé à tort par la commune. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ces préjudices en les évaluant à la somme de 3 000 euros.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a seulement condamné la commune d'Aubervilliers à lui verser la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M.B..., qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser à la commune d'Aubervilliers la somme qu'elle sollicite au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune d'Aubervilliers le versement à M. B...de la somme de 2 000 euros à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité de 500 euros que la commune d'Aubervilliers a été condamnée à verser à M. B...par l'article 2 du jugement n° 1506565 du Tribunal administratif de Montreuil du 28 octobre 2016 est portée à la somme de 3 000 (trois mille) euros, tous intérêts compris au jour du présent arrêt.

Article 2 : L'article 2 du jugement n° 1506565 du Tribunal administratif de Montreuil du 28 octobre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune d'Aubervilliers versera la somme de 2 000 (deux mille) euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions d'appel incident présentées par la commune d'Aubervilliers, ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 16VE03896 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE03896
Date de la décision : 16/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: Mme BONFILS
Avocat(s) : SELARL OFFICIO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-05-16;16ve03896 ?
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