Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...E...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 13 mars 2013 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en tant qu'elle a autorisé la société agence IDF Transports publics Securitas à procéder à son licenciement.
Par un jugement n° 1303510 du 4 avril 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 juin 2016, M.E..., représenté par Me Mesbahi, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement et la décision du 13 mars 2013 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;
2° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision est entachée d'un défaut de motivation ;
- la décision est entachée d'incompétence ;
- le licenciement n'est pas fondé sur un motif réel et sérieux dès lors qu'il a effectué les démarches nécessaires pour obtenir une carte professionnelle ; le contrôle de l'inspecteur du travail ne pouvait porter uniquement sur le fait de savoir s'il était titulaire ou non d'une carte professionnelle dès lors qu'il incombe seulement au salarié de solliciter la délivrance d'une carte professionnelle auprès de l'administration ; l'administration a réceptionné le dossier de demande de carte et il a envoyé les pièces manquantes ; il ne peut être tenu responsable de la tardiveté de la délivrance de sa carte par l'administration, alors qu'il remplit les conditions légales de délivrance de cette carte ; le retard pris par l'administration constitue un cas de force majeure ; le ministre a ainsi commis une erreur de fait, une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en autorisant son licenciement ;
- la société a méconnu le délai prévu par l'alinéa 4 de l'article L. 1332-2 du code du travail applicable dès lors que si une faute devait lui être imputable, il s'agirait d'un licenciement disciplinaire ;
- il existe un lien entre son mandat de délégué syndical et le licenciement.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité modifiée ;
- le décret n° 2009-137 du 9 février 2009 relatif à la carte professionnelle, à l'autorisation préalable et à l'autorisation provisoire des salariés participant aux activités privées de sécurité définies à l'article 1er de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Besson-Ledey, président assesseur,
- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public ;
- et les observations de Me D...pour la société Sécuritas France.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...E...a été engagé par contrat à durée indéterminée le 18 janvier 2005 par la société Sécuritas, en qualité d'agent de sécurité et détenait un mandat de délégué du personnel. Par courrier du 24 mai 2012, la société Sécuritas a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de le licencier pour défaut de carte professionnelle et impossibilité d'exercer son emploi. Par une décision du 17 juillet 2012, l'inspecteur du travail de la 12ème section du Val-de-Marne a autorisé son licenciement. M. E...a été licencié le 26 juillet suivant. Le recours hiérarchique formé par celui-ci a été rejeté pour irrecevabilité par une décision du 31 janvier 2013 du ministre chargé du travail. Par une nouvelle décision du 13 mars 2013, ce ministre a retiré sa décision du 31 janvier 2013, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 17 juillet 2012 au motif tiré de l'incompétence territoriale de ce dernier et a autorisé le licenciement de M. E.... Par un jugement du 4 avril 2016, dont M. E... relève appel, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 mars 2013 en tant qu'elle a autorisé son licenciement.
2. En vertu du code du travail, les salariés investis de fonctions représentatives ou de mandats syndicaux bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par la circonstance que le salarié ne remplit pas les conditions légalement exigées pour l'exercice de l'emploi pour lequel il a été embauché, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant, au ministre, de vérifier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la demande d'autorisation de licencier est sans lien avec les mandats détenus et que le motif avancé est établi et justifie le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des caractéristiques de l'emploi exercé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
3. En premier lieu, la décision du 13 mars 2013 a été signée par M. C...A..., directeur adjoint du travail, chef du bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridiques à la direction générale du travail, qui bénéficiait, en vertu d'une décision du 18 janvier 2012 régulièrement publiée au Journal officiel de la République française du 5 février suivant, d'une délégation à l'effet de signer notamment la décision en litige au nom du ministre chargé du travail. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté.
4. En deuxième lieu, la décision litigieuse vise les dispositions législatives et réglementaires applicables et indique, après avoir rappelé les conditions relatives à la poursuite régulière de l'activité professionnelle d'agent de sécurité, notamment d'être titulaire d'une carte professionnelle ou, au moins, d'un récépissé de demande d'une telle carte, que M. E...ne justifie ni d'une carte professionnelle, ni d'un récépissé de demande d'une telle carte, ni même de l'aptitude professionnelle indispensable à l'exercice de ses fonctions ou de l'obtention d'une autorisation préalable ou provisoire à l'exercice de son emploi et mentionne également l'absence de lien entre la demande d'autorisation de licenciement du salarié et le mandat exercé par lui. Il s'ensuit que le moyen tiré d'un défaut de motivation de la décision litigieuse doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure dans sa rédaction alors applicable : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : 1° S'il a fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire (...), pour des motifs incompatibles avec l'exercice des fonctions ; 2° S'il résulte de l'enquête administrative, (....) que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées ; (...) ; 5° S'il ne justifie pas de son aptitude professionnelle selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. Le respect de ces conditions est attesté par la détention d'une carte professionnelle délivrée selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 13 du décret n° 2009-137 du 9 février 2009 précité alors applicable : " Les salariés participant(...) à l'exercice des activités privées de sécurité définies à l'article Ier de la loi du 12 juillet 1983 susvisée sont réputés satisfaire, jusqu'à la date du 31 décembre 2009, aux conditions fixées par l'article 6 de la même loi.Ils présentent, au plus tard à cette dernière date, une demande de carte professionnelle dans les conditions prévues au chapitre Ier du présent décret, à l'exception, pour les ressortissants étrangers, de la production du document prévu au 3° de l'article 4. Lorsque la demande est complète, le préfet en délivre récépissé. Ce récépissé permet, jusqu'à l'intervention d'une décision expresse, une poursuite régulière de l'activité professionnelle ". En vertu de ces dispositions les agents de sécurité en poste au 11 février 2009 sont tenus de solliciter la délivrance d'une carte professionnelle dont la demande complète auprès du préfet donne lieu à la délivrance d'un récépissé permettant, jusqu'à l'intervention d'une décision expresse, la poursuite régulière de l'activité professionnelle.
6. Il ressort des pièces du dossier que si M. E...a effectivement sollicité la délivrance d'une carte professionnelle le 31 mars 2009, cette demande étant incomplète, le préfet de police l'a, par un courrier du 19 septembre 2011, invité à produire des pièces complémentaires dans un délai de 30 jours, notamment les justificatifs d'aptitude professionnelle et son titre de formation. Si M. E...soutient avoir fourni à l'administration les pièces complémentaires demandées dans le délai requis, il ne le justifie pas par la seule production d'un avis de réception daté du 13 octobre 2011, alors qu'aucun récépissé de demande de carte professionnelle, attestant du caractère complet de sa demande, n'est versé au dossier. Alors que l'intéressé ne justifie pas du caractère complet de sa demande de carte professionnelle, il n'est pas fondé à soutenir que le retard pris par l'administration pour lui délivrer cette carte ou même le récépissé de dépôt de sa demande serait constitutif d'un cas de force majeure qui l'aurait dispensé de fournir le justificatif de dépôt de sa demande. N'ayant justifié ni de la délivrance d'une carte professionnelle ni de l'obtention d'un récépissé de demande d'une telle carte, en raison du caractère incomplet de sa demande, M. E...ne remplissait pas les conditions lui permettant de poursuivre son activité d'agent de sécurité. Par suite, la décision en litige autorisant le licenciement de M. E...n'est entachée d'aucune erreur de fait, de droit ou d'erreur d'appréciation.
7. En quatrième lieu, M. E...ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'alinéa 4 de l'article L. 1332-2 du code du travail dès lors que le motif de son licenciement n'était pas disciplinaire mais reposait sur le non-respect des conditions légalement exigées pour l'exercice de son emploi d'agent de sécurité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté comme étant inopérant.
8. En dernier lieu, si M. E...soutient que la société Sécuritas aurait engagé des procédures de licenciement à l'encontre de représentants ou d'adhérents du syndicat UNSA, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations. S'il prétend par ailleurs que son employeur ne s'est, durant trois ans, nullement inquiété de la délivrance de sa carte professionnelle, il ressort des pièces du dossier que la société Sécuritas lui a au contraire transmis entre 2009 et 2012 plusieurs courriers pour lui demander de justifier de la délivrance d'une carte professionnelle ou d'un récépissé de dépôt de demande de cette carte. Ainsi, il ne ressort pas des éléments allégués par le requérant ni d'aucune autre pièce du dossier que la demande de licenciement aurait eu un lien avec le mandat de délégué syndical du salarié.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 mars 2013. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. E...la somme de 1 500 euros à verser à la société Sécuritas au titre de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.
Article 2 : M. E...versera à la société Sécuritas une somme de 1 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
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N° 16VE01675