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19/12/2019 | FRANCE | N°16VE01114

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 19 décembre 2019, 16VE01114


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La caisse régionale maladie d'Ile-de-France (CRAMIF) a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de déclarer le centre hospitalier intercommunal André Grégoire entièrement responsable des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale du 15 septembre 2009, de fixer le préjudice à la somme minimum de 60 089 euros et de dire que la créance devra s'imputer sur les indemnités réparant les postes de perte de gains professionnels, d'incidence professionnelle et de déficit fonctionnel temporair

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La caisse régionale maladie d'Ile-de-France (CRAMIF) a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de déclarer le centre hospitalier intercommunal André Grégoire entièrement responsable des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale du 15 septembre 2009, de fixer le préjudice à la somme minimum de 60 089 euros et de dire que la créance devra s'imputer sur les indemnités réparant les postes de perte de gains professionnels, d'incidence professionnelle et de déficit fonctionnel temporaire et permanent, et de condamner le centre hospitalier intercommunal André Grégoire à lui régler la somme de 42 420,52 euros assortie des intérêts de droit à compter de la première réclamation soit le 12 juillet 2013 pour les arrérages échus antérieurement et à compter de chaque échéance pour les arrérages échus postérieurement, ainsi qu'aux intérêts des intérêts en application de l'article 1154 du code civil, plus d'une année d'intérêts étant due depuis le 12 juillet 2013.

Par un jugement n°1506920 en date du 18 février 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a condamné le centre hospitalier intercommunal André Grégoire à verser à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France une somme de 21 210, 25 euros assortie des intérêts à compter du 4 avril 2014 et de la capitalisation des intérêts à compter du 5 août 2015 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif enregistrés les 18 avril et 13 mai 2016, le centre hospitalier intercommunal André Grégoire, représenté par Me B..., demande à la cour :

1° d'annuler ledit jugement ;

2° de rejeter la demande de la caisse régionale maladie d'Ile-de-France (CRAMIF).

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- le juge administratif n'est pas lié par la décision d'un organisme social d'allouer une pension ; le seul fait pour une victime de bénéficier d'une pension d'invalidité ne suffit pas à établir qu'elle souffre effectivement d'une invalidité susceptible d'être indemnisée ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il existait un lien de causalité direct et certain entre l'infection et la mise en invalidité de M. A... et donc un lien de causalité entre l'infection dont M. A... a été victime et le versement à ce dernier d'une rentre d'invalidité ;

- c'est à tort que le tribunal administratif l'a condamné à verser à la CRAMIF une somme de 21 210, 25 euros alors que M. A... n'a subi aucune perte de revenus ni incidence professionnelle.

- à titre subsidiaire, en l'absence de pertes de revenus et de préjudice d'incidence professionnelle, la CRAMIF n'était pas fondée à demander le remboursement de sa créance.

............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 3 décembre 2019 :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Le 15 septembre 2009, M. A... a été opéré pour une néphrectomie gauche au centre hospitalier intercommunal André Grégoire. A la suite de cette intervention, il a contracté une infection nosocomiale et a subi plusieurs autres interventions chirurgicales jusqu'au 31 mai 2010. Il a accepté, par courrier du 22 juillet 2013, l'offre d'indemnisation proposée par la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM) pour un montant total de 29 917,02 euros et s'est vu attribuer une rente d'invalidité de 2ème catégorie par la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France (CRAMIF) à compter du 1er décembre 2011. La caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner le centre hospitalier intercommunal André Grégoire à lui rembourser les sommes versées à M. A... au titre de la pension d'invalidité à compter du 1er décembre 2011 jusqu'à la date de son décès survenu le 25 juin 2014. Par un jugement n°1506920 du 18 février 2016, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier intercommunal André Grégoire à verser à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France une somme de 21 210,25 euros, assortie des intérêts à compter du 4 avril 2014 et de la capitalisation des intérêts à compter du 5 août 2015 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Le centre hospitalier relève appel de ce jugement. La CRAMIF formule quant à elle un appel incident tendant au relèvement des sommes qui lui ont été attribuées.

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne tendant à ce que soit déclarée recevable son intervention volontaire :

2. Si la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne demande à la cour d'admettre son intervention volontaire au présent litige, il résulte de l'instruction qu'en vertu de l'article 1er d'une " convention relative au transfert de l'activité recours contre tiers " conclue le 30 mars 2018 entre la CRAMIF et la caisse, la caisse primaire d'assurance maladie " prend en charge le recours contre tiers relatif aux assurés de son département auxquels ont été versées des pensions d'invalidité par la CRAMIF " moyennant une opération financière et comptable décrite à l'article 4 de cette même convention. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'accueillir ses conclusions à fin d'intervention, il y a lieu de prendre acte de ce que la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne vient dans la présente instance aux droits de la CRAMIF.

Sur la régularité du jugement :

3. Si, dans sa requête sommaire, le centre hospitalier soutenait que le jugement du Tribunal administratif de Montreuil est insuffisamment motivé, ce grief, qui n'a pas été repris ni précisé dans son mémoire ampliatif ou ses écritures complémentaires, n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien fondé.

Sur l'étendue du litige :

4. Il n'est plus contesté en appel que la responsabilité du centre hospitalier intercommunal André Grégoire doit être engagée sur le double fondement d'une infection nosocomiale provoquée par une infection du site opératoire lors de la néphrectomie compliquée subie le 15 septembre 2009 par M. A... et de la faute dans le suivi post opératoire du patient.

Sur le remboursement des débours de la CRAMIF aux droits de laquelle est venue la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne exposés dans le cadre de la pension d'invalidité servie à M. A... :

5. Le centre hospitalier intercommunal conteste le principe même de sa condamnation par les premiers juges à rembourser à la CRAMIF, aux droits de laquelle est venue la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne ainsi qu'il a été dit, une partie des arrérages de la pension d'invalidité de deuxième catégorie servie à M. A... à compter du 1er décembre 2011 en soutenant que ce préjudice professionnel ne serait pas établi et, à supposer qu'il le soit, ne serait pas imputable aux fautes commises par l'hôpital. Dans le cadre de son appel incident, la CRAMIF sollicite la réformation du jugement en tant qu'il a limité son droit à indemnisation à ce titre.

6. Eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par ces dispositions législatives et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du code de la sécurité sociale, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité. Dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une pension d'invalidité ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice et ne saurait s'imputer sur le déficit fonctionnel permanent.

7. D'une part, ainsi que le soutient le centre hospitalier, les premiers juges ne pouvaient le condamner à supporter, même partiellement, la charge financière liée à la rente d'invalidité servie à la victime, sans déterminer au préalable l'ampleur des préjudices subis par M. A... et donc identifier et évaluer les postes de préjudices sur lesquels imputer ces sommes. La CRAMIF demandant l'imputation de ces sommes sur les postes de pertes de revenus de la victime, et de déficit fonctionnel permanent, il appartenait aux premiers juges de vérifier l'existence du chef de préjudice de pertes de revenus subies par la victime après consolidation, seul poste réellement invoqué par la CRAMIF et sur lequel peuvent être imputés les arrérages de la pension d'invalidité servie à M. A... avant de chiffrer les débours au remboursement desquels la caisse pouvait prétendre à ce titre le cas échéant.

8. Or, d'autre part, il résulte de l'instruction, et notamment des deux rapports d'expertise rédigés par le Professeur Desrousseaux et le Docteur Sollet à la demande de la CRCI, qu'aucune perte d'aptitude à l'activité professionnelle exercée par M. A... avant les faits n'a été retenue, les experts ayant relevé que ce dernier était apte à reprendre son activité professionnelle telle qu'il l'exerçait avant le 15 septembre 2009 à la date de la consolidation de son état de santé le 23 novembre 2011. Si les experts ont également admis l'existence d'un déficit fonctionnel permanent de 5% en lien avec l'infection, ils ont estimé que ce déficit n'avait cependant laissé aucune séquelle qui puisse retentir sur l'exercice de cette activité professionnelle par M. A... qui pouvait ainsi la poursuivre dans les conditions antérieures à son intervention chirurgicale. Les experts ont enfin relevé que la prolongation de l'arrêt de travail après la date de consolidation n'avait aucun lien avec l'infection et indiqué que cette prolongation résultait de la conjonction de plusieurs facteurs indépendants de celle-ci, M. A... souffrant, antérieurement à l'intervention, de polykystose hépatorénale responsable d'une insuffisance rénale le contraignant à suivre des séances hebdomadaires d'hémodialyse. Dans ces circonstances, le licenciement pour motif économique de M. A..., intervenu en 2010, ne peut être regardé comme la conséquence des séquelles de son infection nosocomiale. Dès lors, nonobstant l'attestation rédige par le médecin conseil de la CRAMIF, il ne peut, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme existant de préjudice professionnel de la victime en lien avec les séquelles de l'infection nosocomiale contractée par M. A... lors de l'intervention chirurgicale du 15 septembre 2009. Dès lors, le centre hospitalier André Grégoire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n°1506920 en date du 18 février 2016, le Tribunal administratif de Montreuil l'a condamné à verser à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France une somme de 21 210, 25 euros assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts au titre de la pension d'invalidité servie à M. A.... La CRAMIF n'est en revanche pas fondée à se plaindre du rejet du surplus des conclusions de sa demande portant sur le remboursement de ces mêmes débours. Ses conclusions d'appel incident tendant au relèvement de la somme au versement de laquelle le centre hospitalier avait été condamné au même titre ne peuvent donc, par conséquent, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier intercommunal André Grégoire, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne venue aux droits de la CRAMIF demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement n°1506920 du 18 février 2016 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne venue aux droits de la CRAMIF tendant à la condamnation du centre hospitalier intercommunal André Grégoire à lui rembourser les sommes versées au titre de la pension d'invalidité servies à M. A... sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne venue aux droits de la CRAMIF et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le jugement n°1506920 du 18 février 2016 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE01114
Date de la décision : 19/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé.

Responsabilité de la puissance publique - Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité - aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale - Droits des caisses de sécurité sociale.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Hélène LEPETIT-COLLIN
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : CABINET INTER-BARREAUX JRF AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-12-19;16ve01114 ?
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