Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 21 septembre 2018 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé son transfert aux autorités slovènes, pour l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n°1809315 du 3 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 décembre 2018 et le 25 avril 2019, M. B... C..., représenté par Me Kwahou, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement ;
2° d'annuler la décision du 21 septembre 2018 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé son transfert aux autorités slovènes, pour l'examen de sa demande d'asile ;
3° d'enjoindre au préfet de l'admettre au séjour en France au titre du droit d'sile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'arrêt a été pris par une personne incompétente et est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté méconnaît l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors qu'il n'a été entendu en entretien individuel ni par les autorités slovènes ni par les autorités italiennes dans des conditions de confidentialité, en présence d'un interprète et qu'aucun résumé de l'entretien ne lui a été remis ;
- il méconnait l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 car ni les autorités slovènes ni les autorités allemandes ne lui ont remis les informations prévues par cet article dans une langue qu'il comprend ;
-il méconnait l'article 29 du règlement (UE) 603/2013.
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- sa vie est menacée en cas de retour au Pakistan, de sorte que l'arrêté attaqué méconnait l'article 3-2 et l'article 4 de la charte européenne des droits fondamentaux, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 17 du règlement 604/2013.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant pakistanais né le 7 août 1982 à Gujrat (Pakistan), est entré sur le territoire français le 26 avril 2018, afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. La consultation des données de l'unité centrale Eurodac lors de l'instruction de cette demande a révélé que ses empreintes avaient préalablement été relevées le 7 février 2018 par les autorités slovènes. Ces autorités, saisies par le préfet de la Seine-Saint-Denis d'une demande de reprise en charge du requérant le 31 mai 2018, ont donné leur accord pour sa réadmission le 14 juin 2018. Par un arrêté du 21 septembre 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé de remettre M. C... aux autorités slovènes. Par un jugement n°1809315 du 3 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 septembre 2018.
2. En premier lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de son article 3 du chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement.
3. En application de l'article L.742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
4. L'arrêté de transfert en litige, qui vise le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et le règlement n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 modifié, indique que M. C..., entré irrégulièrement sur le territoire français le 26 avril 2018, a sollicité l'asile le 9 mai 2018. Il précise, en particulier, que les autorités slovènes, saisies le 31 mai 2018 sur le fondement du b du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ont accepté de le reprendre en charge le 14 juin 2018, et que la situation de l'intéressé ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 et 17 du règlement n° 604/2013. S'agissant d'une décision de transfert intervenant dans le cadre d'une reprise en charge par un autre État membre, la décision devait faire apparaître les éléments de fait au vu desquels l'État de destination a été déterminé. Les éléments de fait relevés par l'arrêté en litige cités précédemment et les éléments de droit qu'il mentionne permettent de comprendre quel est le critère appliqué. Enfin, l'arrêté en litige indique qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect à la vie privée et familiale de M. C... et que ce dernier n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de transfert aux autorités responsables de cette demande. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré du défaut motivation sera écarté.
5. En second lieu, par arrêté n° 2018-2183 du 17 septembre 2019, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation à M. A... D..., adjoint au chef du bureau de l'éloignement et du contentieux, pour exercer la délégation de signature consentie à la directrice des migrations et de l'intégration, en cas d'absence ou d'empêchement de l'intéressée et du chef du bureau de l'éloignement et du contentieux pour l'ensemble des attributions relevant de ce bureau, au nombre desquelles figure la décision attaquée. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré que ce que le signataire de l'arrêté attaqué aurait été incompétent doit être écarté.
6. La circonstance que M. C... n'aurait pas bénéficié d'un entretien individuel dans un État membre autre que la France, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué. Au demeurant, le requérant a bénéficié le 9 mai 2018 d'un entretien individuel mené à la préfecture de la Seine-Saint-Denis avec le concours d'un interprète en ourdou. Le compte-rendu de cet entretien a été communiqué en temps utile à M. C... et au plus tard le
13 novembre 2018, date de la communication du mémoire en défense. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'entretien n'aurait pas eu lieu dans les conditions de confidentialité requises. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
7.En deuxième lieu, la circonstance que le requérant ne se serait pas vu remettre les informations prévues par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 par les autorités d'un État membre de l'Union européenne autre que la France est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué. Au demeurant, le préfet produit en défense les premières pages des brochures figurant en annexe X du règlement n° 118/2014 du 30 janvier 2014 " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande d'asile ' " (brochure A) et " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B) rédigées en ourdou. Ces documents sont revêtus de l'indication de la date de remise, le 9 mai 2018, et de la signature de l'intéressé. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
8. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 29 du règlement (UE) 603/2013 sera écarté pour les mêmes motifs.
9. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par ces dispositions, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, est discrétionnaire et ne constitue pas un droit.
10. En quatrième lieu, la Slovénie est membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à celles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsqu'il y a lieu de craindre l'existence de défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre requis, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de l'Etat membre requis répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.
11. En l'espèce, M. C... ne produit aucun document de nature à établir que la situation générale en Slovénie ne permettrait pas d'y assurer un niveau de protection suffisant aux demandeurs d'asile et que sa remise aux autorités de ce pays l'exposerait à un risque personnel de traitement inhumain ou dégradant. Il ne fournit d'ailleurs ni précision ni élément concret sur son séjour dans ce pays avant son arrivée en France ou les difficultés qu'il y aurait rencontrées, notamment en termes d'accueil ou de traitement de sa demande d'asile. Par suite, il n'établit pas que sa demande de protection internationale ne serait pas traitée par les autorités de ce pays dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. M. C... n'est donc pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaitrait l'article 3-2 et l'article 4 de la charte européenne des droits fondamentaux et l'article 17 du règlement 604/2013.
12. En cinquième lieu, le requérant soutient qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter des observations avant l'exécution de l'arrêté de transfert. Toutefois, l'article 20 de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile a abrogé le premier alinéa de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui rendait applicables les dispositions de l'article L. 531-1 du code aux demandeurs d'asile susceptibles de faire l'objet d'une décision de transfert à destination de l'État responsable de l'examen de leur demande d'asile. Il s'ensuit que ce moyen est inopérant.
13. En dernier lieu, l'arrêté attaqué n'implique pas, par lui-même, le retour de M. C... au Pakistan. Dès lors, il ne peut utilement se prévaloir de craintes en cas de retour dans son pays d'origine pour en contester la légalité.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. C... doit être rejetée, et ce, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par le préfet de la Seine-Saint-Denis. Ses conclusions à fins d'injonctions et ses conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent par voie de conséquence être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
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N°18VE04173