Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... épouse D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dès la notification du jugement.
Par un jugement n° 1901230 du 3 octobre 2019, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2019, Mme C... épouse D..., représentée par Me Berrebi-Wizman, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler cet arrêté ;
3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa fille, née le 11 janvier 2015, souffre d'une maladie rénale rare, dont l'arrêt des traitements pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- la prise en charge médicale requise par son état de santé n'existe pas au Maroc ;
- sa fille bénéficie actuellement d'un traitement expérimental qui justifie sa présence en France ;
- son époux, qui a régulièrement résidé en France entre 2016 et 2019 en qualité d'accompagnant d'enfant malade, et ses deux autres enfants, nés en 2011 et 2018, sont également présents sur le territoire national ;
- ses enfants sont scolarisés et elle dispose d'un logement.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... épouse D..., ressortissante marocaine née le 16 mai 1992, relève appel du jugement du 3 octobre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 16 janvier 2019 lui refusant la délivrance d'une carte de séjour temporaire, l'obligeant à quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger (...), qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... épouse D... a présenté le 7 septembre 2017 une demande de carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant valoir que sa fille, née le 11 janvier 2015, souffre d'une maladie rénale rare nécessitant une prise en charge médicale en France. Pour rejeter cette demande, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 4 janvier 2018 indiquant que si l'état de santé de l'enfant de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée n'allègue pas de circonstances exceptionnelles empêchant l'accès aux soins de son enfant au Maroc et que, par ailleurs l'état de santé de sa fille lui permet de voyager. Toutefois, outre un certificat médical établi le 19 février 2019 par le service de néphrologie du pôle de pédiatrie médicale de l'hôpital Robert Debré, indiquant que le suivi médical de cette enfant doit être assuré en France, Mme C... épouse D... produit, pour la première fois en appel, un certificat médical établi le 30 juillet 2019 par le même service de néphrologie, un courrier du 14 juin 2019 du centre d'investigation clinique de l'hôpital Robert Debré, ainsi qu'un certificat établi le 6 février 2020 par le professeur Deschênes, chef du service de néphrologie susmentionné, dont il ressort que sa fille bénéficie d'un traitement expérimental dans le cadre d'un essai clinique mené uniquement en France. Dans ces conditions, un retour de l'intéressée dans son pays d'origine entraînerait une rupture de ce traitement débuté en juillet 2019 et priverait ainsi sa fille de la possibilité de bénéficier d'un traitement possiblement efficace. Par suite, et compte tenu de la gravité de la pathologie dont est atteinte sa fille, Mme C... épouse D... est fondée à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... épouse D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. ".
6. Eu égard au moyen d'annulation retenu au point 3, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme C... épouse D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme C... épouse D... de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1901230 du Tribunal administratif de Montreuil du 3 octobre 2019 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 16 janvier 2019 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme C... épouse D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'État versera à Mme C... épouse D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
N° 19VE03516 2