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12/11/2020 | FRANCE | N°19VE03957

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 12 novembre 2020, 19VE03957


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 du préfet de l'Essonne lui refusant une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 312-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui faisant obligation de quitter le territoire français sous trente jours et fixant le pays de destination, d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale

" ou à défaut une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un moi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 du préfet de l'Essonne lui refusant une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 312-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui faisant obligation de quitter le territoire français sous trente jours et fixant le pays de destination, d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou à défaut une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 160 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'État une somme de 1 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1906546 du 22 octobre 2019, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2019 et un mémoire en réplique enregistré le 1er octobre 2020, Mme E..., représentée par Me A..., avocate, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2° d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou à défaut une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 160 euros par jour de retard ;

3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 600 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- " la décision du 26 avril 2012 ne satisfait pas à l'exigence légale d'après laquelle les actes administratifs individuels doivent être motivés " ;

- la décision refusant une autorisation provisoire de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant en tant que son fils serait exposé à " des conséquences dramatiques ainsi que l'ont souligné les médecins qui le suivent et un pédiatre qui exerce au Cameroun " ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation familiale ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale pour se fonder sur le refus d'autorisation provisoire de séjour qui est lui-même illégal ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en tant que son fils ne peut pas bénéficier des soins appropriés au Cameroun.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les observations de Mme E..., présente et non représentée.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... E..., ressortissante camerounaise née le 4 septembre 1987 à Douala, a été munie, le 21 septembre 2017 puis le 24 janvier 2018, d'une autorisation provisoire de séjour en qualité de parent accompagnant d'enfant malade sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 juillet 2019, le préfet de l'Essonne a refusé de renouveler cette autorisation, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme E... relève appel du jugement du 22 octobre 2019 du Tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions en litige :

2. Mme E... soulève le moyen tiré de ce que " contrairement à ce que prétend le préfet (...) la décision du 26 avril 2012 ne satisfait pas à l'exigence légale d'après laquelle les actes administratifs individuels doivent être motivés ". Il est toutefois constant que le présent litige ne concerne pas une décision du 26 avril 2012, mais l'arrêté préfectoral du 16 juillet 2019. Dès lors, la requérante peut être regardée comme soulevant le moyen tiré du défaut de motivation à l'encontre des décisions contenues dans cet arrêté. Dans ces conditions, elle n'apporte pas d'élément permettant de remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges au point 3. du jugement attaqué, qui ont notamment relevé que l'arrêté attaqué vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles il est fondé, expose sa situation privée et familiale et les éléments de droit et de fait qui fondent le rejet de sa demande de renouvellement d'une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 312-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, son obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination. Cet arrêté précise encore sa nationalité camerounaise et son état civil, ainsi que la nationalité camerounaise de l'enfant C..., le fait qu'elle est mère de deux enfants, dont un né en France en 2017, qu'elle a formulé sa demande en vue d'accompagner son fils C... F..., né le 22 mars 2013 en Espagne et mentionne l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 10 mai 2019. Il suit de là que le moyen susanalysé doit être écarté dans toutes ses branches.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)/ 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. (...) ".

4. Le préfet, pour rejeter la demande de renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour en litige, s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 10 mai 2019 qui a retenu que si l'état de santé du jeune C... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge n'entrainerait toutefois pas pour lui de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Mme E... produit en appel deux pièces nouvelles, à savoir un courrier du Dr Mezghiche, pédopsychiatre exercant au CMP de Grigny (Essonne), daté du 13 novembre 2019, et une attestation du Dr Hott, pédiatre exerçant à Yaoundé, datée du 27 novembre 2019. Toutefois ces deux pièces, d'ailleurs postérieures à la décision litigieuse et au jugement attaqué, n'apportent pas d'élément susceptible de remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges, qui ont notamment relevé que les certificats déjà produits, émanant du Dr Mezghiche et du Dr Gilbert, pédopsychiatres, ne sont pas suffisamment circonstanciés sur le plan médical pour remettre en question l'avis du collège de médecins de l'OFII et que le préfet n'avait pas, dans ces conditions, à rechercher si un traitement approprié à l'enfant était effectivement disponible dans son pays d'origine. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les articles L. 311-11 11° et L. 312-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de parent accompagnant un enfant malade.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

6. Ainsi qu'il a été dit, les éléments produits par la requérante ne suffisent pas pour contredire l'avis du collège de médecins de l'OFII du 10 mai 2019, précisant que si l'état de santé du jeune C... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner, pour lui, de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, l'intéressée n'établit pas que la décision litigieuse aurait été prise en violation des stipulations précitées. En tout état de cause, la décision en litige n'a ni pour objet, ni pour effet, de séparer les enfants de leur mère. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Mme E..., célibataire, soutient être arrivée en France en mars 2016 à l'âge de 29 ans, que sa soeur y réside et qu'elle y a développé des liens d'amitié. Toutefois, domiciliée au CCAS de la ville de Grigny, elle n'établit pas ces allégations en se bornant à produire en première instance, le titre de séjour d'une personne portant un patronyme différent, non accompagné d'un livret de famille et en l'absence de toute pièce relative à sa vie privée et familiale ou ses relations en France. Dans ces conditions, le préfet de l'Essonne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée et n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En quatrième et dernier lieu, et au regard de tout ce qui précède, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle et familiale de Mme E... en refusant de renouveler son autorisation provisoire de séjour en qualité de parent accompagnant un enfant malade.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. Il résulte de ce qui précède que le refus d'autorisation provisoire de séjour n'est pas entaché d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale pour se fonder sur le refus d'autorisation provisoire de séjour, doit être écarté.

En ce qui concerne le pays de destination :

11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. Pour les mêmes motifs que précédemment, le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en tant qu'il n'existerait pas un traitement approprié pour le jeune C... dans son pays d'origine, doit être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

N° 19VE03957 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE03957
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : MBENOUN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-11-12;19ve03957 ?
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