Vu la procédure suivante :
Première procédure contentieuse devant la Cour :
La société CECIAA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.
Par un jugement n° 1409686 du 19 octobre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a partiellement accueilli sa demande en prononçant la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents à la vente de télé-agrandisseurs, de logiciels parlants de grossissement d'écran, d'appareils de signalétique braille, de poinçons et de GPS parlants contrôlés à la voix et de télécommandes d'aide au déplacement, mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Par un arrêt n° 15VE03887 du 25 avril 2017, la Cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la société CECIAA, annulé ce jugement en tant qu'il n'avait pas fait droit à sa demande de décharge des rappels de taxe afférents à la vente de lecteurs-dictaphones numériques, de lecteurs d'étiquettes parlants, de décodeurs TNT vocaux, de mètres-enrouleurs parlants avec niveau à bulle, de détecteurs de couleurs parlants, de lecteurs parlants de billets de banque, de calculatrices parlantes et de jeux pédagogiques adaptés, de manuels d'aide à l'apprentissage du braille et du livre Cécimédia, et rejeté le surplus de sa demande.
Par une décision n° 411740 du 21 juin 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des comptes publics tendant à l'annulation de cet arrêt en tant qu'il a partiellement déchargé la société des impositions en litige, sans toutefois contester la décharge de la taxe concernant la vente de lecteurs-dictaphones numériques, a annulé cet arrêt en tant qu'il a déchargé la société CECIAA des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 à raison de la vente de décodeurs TNT, de mètre-enrouleurs, de calculatrices, de lecteurs d'étiquettes, de détecteurs de couleurs, de lecteurs de billets de banque, de jeux pédagogiques adaptés, de livres électroniques destinés aux malvoyants et du dispositif " Cécimédia ", et renvoyé l'affaire à la Cour administrative d'appel de Versailles.
Seconde procédure devant la Cour :
Par un mémoire enregistré le 9 septembre 2019, la société CECIAA, représentée par Me Bourdeau, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification, qui comporte une erreur sur le texte en vigueur au cours de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, est insuffisamment motivée en droit ;
- les équipements qu'elle commercialise, conçus exclusivement pour les personnes handicapées en vue de la compensation d'incapacités graves, sont éligibles au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée, dès lors qu'ils sont visés par les dispositions de l'article 30-0 B de l'annexe IV du code général des impôts interprétées à la lumière du point 4 de l'annexe III de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006,
- l'interprétation restrictive des dispositions de l'article 98 et de l'annexe III de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 porte atteinte au principe de neutralité du système commun de taxe sur la valeur ajoutée.
................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006,
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique,
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS CECIAA, qui exerce une activité de vente de matériels adaptés aux déficients visuels, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité relative à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause l'application du taux réduit de TVA à la vente de divers produits. Par un jugement n° 1409686 du 19 octobre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a partiellement fait droit à sa demande de décharge de ces rappels de taxe. Sur l'appel formé par la société CECIAA contestant le rejet du surplus de ses demandes, la Cour a annulé ce jugement en tant qu'il n'avait pas fait droit à sa demande de décharge des rappels de taxe afférents à la vente de plusieurs autres produits, et rejeté le surplus de sa demande. Saisi par le ministre de l'action et des comptes publics d'un pourvoi tendant à l'annulation de cet arrêt en tant qu'il a partiellement déchargé la société des impositions en litige, à l'exception de la décharge non contestée de la taxe concernant la vente de lecteurs-dictaphones numériques, le Conseil d'État a, par une décision n° 402070, du 21 juin 2019, annulé cet arrêt en tant qu'il a déchargé la société Ceciaa des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 à raison de la vente de décodeurs TNT, de mètre-enrouleurs, de calculatrices, de lecteurs d'étiquettes, de détecteurs de couleurs, de lecteurs de billets de banque, de jeux pédagogiques adaptés, de livres électroniques destinés aux malvoyants et du dispositif " Cécimédia ", et renvoyé l'affaire devant la cour.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. La SAS CECIAA fait valoir que la proposition de rectification du 6 août 2013 est insuffisamment motivée en droit, en ce qui concerne la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011. Toutefois, l'article 278-0 bis du code général des impôts applicable à compter du 1er janvier 2012 reprend sans changement les dispositions de l'article 278 quinquies du même code en vigueur jusqu'au 31 décembre 2011. La SAS CECIAA ayant été en mesure de discuter du bien-fondé de la rectification, le moyen doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
3. En premier lieu, en vertu du c du I de l'article 278 quinquies du code général des impôts, en vigueur au cours de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, puis du c du 2° du A de l'article 278-0 bis de ce code, applicable à compter du 1er janvier 2012, la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,5% en ce qui concerne les opérations de vente " d'équipements spéciaux, dénommés aides techniques et autres appareillages, dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé du budget et qui sont conçus exclusivement pour les personnes handicapées en vue de la compensation d'incapacités graves ". Le point 2 de l'article 30-0-B de l'annexe IV au code général des impôts établit la liste des équipements conçus pour les personnes aveugles et malvoyantes bénéficiant du taux réduit, qui est composée des " appareils ou objets à lecture, écriture ou reproduction de caractères ou signes en relief (braille) ", des " téléagrandisseurs et systèmes optiques télescopiques " et des " cartes électroniques et logiciels spécialisés ".
4. Il résulte de ces dispositions que sont éligibles au taux réduit de TVA les équipements spéciaux conçus exclusivement pour les personnes handicapées en vue de la compensation d'incapacités graves mentionnés à l'article 30-0-B de l'annexe IV au code général des impôts.
5. Alors même qu'ils ont été conçus exclusivement pour les personnes aveugles ou malvoyantes, les matériels commercialisés par la société CECIAA ne constituent ni des appareils ou objets à lecture, écriture ou reproduction de caractères ou signes en relief, ni des cartes électroniques et logiciels spécialisés, seuls équipements figurant sur la liste définie au point 2 de l'article 30-0-B de l'annexe IV au code général des impôts. Ces produits ne sont, par suite, pas éligibles au taux réduit de TVA.
6. En second lieu, aux termes de l'article 98 de la directive du 28 novembre 2006 :
" 1. Les Etats membres peuvent appliquer soit un, soit deux taux réduits. / 2. Les taux réduits s'appliquent uniquement aux livraisons de biens et aux prestations de services des catégories figurant à l'annexe III. (...) ". Aux termes du point 4 de l'annexe III à cette directive, figurent sur la liste des livraisons de biens pouvant faire l'objet des taux réduits, les " équipements médicaux, le matériel auxiliaire et les autres appareils normalement destinés à soulager ou traiter des handicaps, à l'usage personnel et exclusif des handicapés, (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions que, si la directive 2006/112/CE autorise les Etats membres à appliquer un taux réduit plutôt que le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée aux catégories générales de livraisons de biens ou de prestations de services qu'elle énumère, il appartient aux États membres, qui ne sont pas tenus d'octroyer le taux réduit de TVA à tous les produits répondant aux caractéristiques énoncées au point 4 de l'annexe III, de préciser, dans le cadre de leurs législations nationales, les produits et appareils normalement destinés à soulager ou traiter des handicaps, à l'usage personnel et exclusif des personnes handicapées, auxquels s'applique le taux réduit. Par ailleurs, l'instauration par l'Etat français, par dérogation, d'un taux réduit sur certains de ces produits, qui constitue une faculté ouverte par le droit de l'Union européenne, ne porte pas atteinte au principe de neutralité fiscale du seul fait que d'autres Etats membres ne l'ont pas mise en oeuvre dans les mêmes conditions. Il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article 98 et de l'annexe III de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ont été méconnues. Enfin, la circonstance que l'article 30-0-B de l'annexe IV au code général des impôts vise les " cartes électroniques ", dont la définition ne serait ni claire ni précise, est sans incidence sur le litige dès lors qu'ainsi qu'il a été dit, la seule circonstance que les produits commercialisés par la société CECIAA comportent une fonctionnalité parlante ne saurait les faire regarder comme des cartes électroniques ou des logiciels spécialisés.
8. Il résulte de ce qui précède que la SAS CECIAA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus de sa demande. Le surplus des conclusions de la requête restant en litige doit par suite être rejeté.
DECIDE :
Article 1er : Le surplus des conclusions de la requête de la SA CECIAA dont le jugement a été renvoyé à la Cour administrative d'appel de Versailles par la décision du Conseil d'Etat n° 411740 du 21 juin 2019 est rejeté.
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N° 19VE02350