Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté en date du 13 mars 2020 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit.
Par un jugement n° 2004816 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2020, M. A..., représenté par Me Mouberi, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 2004816 du 18 juin 2020 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
2° d'annuler l'arrêté en date du 13 mars 2020 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit ;
3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision d'éloignement méconnait les stipulations de l'article 21 de la convention d'application de l'accord Schengen, dès lors qu'il est entré sur le territoire français, moins de deux mois avant l'édiction de l'arrêté en litige, muni d'un passeport marocain et d'un titre de séjour permanent délivré par les autorités italiennes ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale car elle méconnaît l'article 12 de la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 qui prescrit qu'un Etat membre ne peut prendre une décision d'éloignement du territoire de l'Union européenne à l'encontre d'un étranger résident de longue durée dans un autre Etat membre que lorsque l'intéressé représente une menace réelle et suffisamment grave pour l'ordre public ou la sécurité publique ; tel n'est pas le cas en l'espèce.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention d'application des accords de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990 et modifiée par le règlement (UE) n° 610/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 abrogeant le règlement (CE) n° 562/2006 établissant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant marocain, est entré en France pour la dernière fois le 8 janvier 2020. Par l'arrêté contesté du 13 mars 2020, le préfet de police de Paris a obligé M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit. M. A... a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Cergy-Pontoise dont le magistrat désigné, par jugement n°2004816 en date du 18 juin 2020, a rejeté la demande. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la mesure d'éloignement :
2. D'une part, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;".
3. L'article L. 531-1 du même code dispose que : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-2 à L. 512-5, L. 513-1 et L. 513-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 212-1, L. 212-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne ". Aux termes de l'article L. 531-2 du même code : " L'article L. 531-1 est applicable à l'étranger qui, en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, ou 21, paragraphe 1 ou 2, de cette convention ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité. / Il en est de même de l'étranger détenteur d'un titre de résident de longue durée-UE en cours de validité accordé par un autre Etat membre qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent alinéa. ".
4. Il ressort de ces dispositions que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou des deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1.
5. D'autre part, aux termes de l'article 21 de la convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990 et modifiée en dernier lieu par l'article 2 du règlement (UE) n° 610/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Les étrangers titulaires d'un titre de séjour délivré par une des Parties contractantes peuvent, sous le couvert de ce titre ainsi que d'un document de voyage, ces documents étant en cours de validité, circuler librement pendant une période de trois mois au maximum sur le territoire des autres Parties contractantes, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a, c et e, et qu'ils ne figurent pas sur la liste de signalement nationale de la Partie contractante concernée. (...) ". Aux termes de l'article 5 de cette même convention : " 1. Pour un séjour n'excédant pas trois mois, l'entrée sur les territoires des Parties contractantes peut être accordée à l'étranger qui remplit les conditions ci-après : a) Posséder un document ou des documents valables permettant le franchissement de la frontière, déterminés par le Comité exécutif;
b) Etre en possession d'un visa valable si celui-ci est requis ; c) Présenter, le cas échéant, les documents justifiant de l'objet et des conditions du séjour envisagé et disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays de provenance ou le transit vers un Etat tiers dans lequel son admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens; d) Ne pas être signalé aux fins de non-admission ; e) Ne pas être considéré comme pouvant compromettre l'ordre public, la sécurité nationale ou les relations internationales de l'une des Parties contractantes. "
6. En l'espèce, le préfet de police a pris à l'encontre de M. A... une obligation de quitter le territoire français, sur le fondement des dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que l'intéressé ne pouvait justifier être entré régulièrement sur le territoire français et était dépourvu de titre de séjour en cours de validité. Or, il ressort des pièces versées au dossier d'appel, que M. A... est titulaire d'un titre de résident de longue durée-UE en cours de validité délivré par les autorités italiennes. Son passeport fait par ailleurs état d'une dernière entrée en France le 8 janvier 2020, datant donc de moins de trois mois à la date de la décision attaquée, circonstance qui n'est pas contestée par le préfet en appel. Par suite, le préfet de police ne pouvait légalement prendre à l'encontre de M. A... une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'il n'était pas en possession d'un titre de séjour et d'un document de voyage en cours de validité.
7. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de la décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'intéressé de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas l'intéressé d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
8. Pour établir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est légale, le préfet de police invoque, dans son mémoire en défense d'appel communiqué à M. A..., le motif tiré de ce que l'intéressé ne justifiait pas disposer de moyens de subsistance suffisants ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens et ne remplissait pas, par suite, la condition d'entrée visée au point c) du 1 de l'article 5 de la Convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990 précité et rappelle que M. A... a attiré défavorablement l'attention des services de police pour des faits de vol à l'étalage, d'infraction aux conditions générales d'entrée et de séjour et d'usage de stupéfiants entre le 1er septembre 2010 et le 2 juillet 2011, faits pour lesquels il a fait l'objet de deux rappels à la loi et d'une mise en demeure de quitter le territoire français.
9. M. A... étant entré le 8 janvier 2020 sur le territoire français depuis l'Italie et étant titulaire d'un titre de résident de longue durée-UE en cours de validité délivré par les autorités italiennes, les stipulations de l'article 21 de la convention d'application de l'accord de Schengen citées au point 4 du présent arrêt l'autorisaient à circuler librement en France pendant une période de 90 jours pour autant qu'il remplisse les conditions d'entrée visées aux points a), c) et e) de l'article 5 de ladite convention. Si, lors de son audition le 13 mars 2020 par les services de police, M. A... a déclaré être entré en France pour y travailler, être titulaire d'un contrat de travail et disposer de ressources à hauteur de 1 400 euros, ces éléments ne sont établis par aucune pièce du dossier. Dès lors et alors que l'intéressé a déclaré ne pas souhaiter quitter le territoire français et envisager d'introduire une procédure de regroupement familial afin de faire venir sa famille en France et régulariser situation, M. A... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il serait en mesure d'acquérir légalement les moyens de subsistance suffisants pour la durée et les modalités du séjour envisagé en France. Il ne remplit donc pas la condition d'entrée visée au point c) de l'article 5 de la convention d'application des accords de Schengen précité. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement serait intervenue en méconnaissance des stipulations de l'article 21 de la Convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
10. Lorsqu'un étranger est résident de longue durée dans un Etat membre de l'Union européenne, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de le reconduire en priorité vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat. Dans le cas où le préfet décide, comme il lui est loisible, d'obliger un tel étranger à quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne peut désigner comme pays de destination un ou des pays n'appartenant pas à l'Union européenne qu'à la condition que l'intéressé représente une menace réelle et suffisamment grave pour l'ordre public ou la sécurité publique, à moins que l'intéressé renonce expressément sur ce point au bénéfice du statut de résident de longue durée en demandant son renvoi vers le pays dont il a la nationalité ou vers un autre pays dans lequel il serait légalement admissible.
11. En l'espèce, le préfet de police a fixé comme pays de destination, le pays d'origine de M. A..., c'est-à-dire le Maroc, ou tout autre pays ayant délivré un titre de séjour en cours de validité à M. A..., pays au nombre desquels figure en particulier l'Italie, ou encore tout pays dans lequel l'étranger établit être légalement admissible. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait entachée d'illégalité.
12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, sur leur fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
N°20VE01647 2