Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté n° 1183-2018 du 23 janvier 2018 par lequel la présidente du conseil régional d'Ile-de-France l'a suspendu de ses fonctions à compter du 1er février 2018 pour une durée maximale de quatre mois, d'enjoindre la présidente du conseil régional d'Ile-de-France de retirer cet arrêté dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de la région Ile-de-France la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La demande de M. E... a été renvoyée au tribunal administratif de Montreuil par une ordonnance du 16 août 2018.
Par un jugement n° 1807801 du 19 juin 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 août 2020, M. E..., représenté par Me François, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la présidente du conseil régional d'Ile-de-France de retirer cet arrêté de son dossier dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard en application des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de la région Ile-de-France la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le jugement attaqué a accueilli la fin de non-recevoir soulevée par la région Ile-de-France et tirée de ce que sa requête était tardive, dès lors qu'en l'absence de notification de l'arrêté attaqué, le délai contentieux de deux mois n'a pas pu commencer à courir à son égard ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il ne lui a jamais été notifié ;
- il est également entaché d'un vice de procédure en ce qu'il n'a pas été soumis au principe du contradictoire ;
- il est également entaché d'une insuffisance de motivation ;
- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les manquements professionnels qui lui sont reprochés ne sont pas établis, notamment au regard de ses conditions de travail.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,
- et les observations de Me D... substituant Me A..., pour la région Ile-de-France.
Une note en délibéré, présentée pour la région Ile-de-France, a été enregistrée le 8 janvier 2021.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., adjoint technique territorial principal de 2ème classe des établissements d'enseignement, exerce les fonctions de chef de cuisine au lycée Plaine Commune situé sur la commune de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) depuis le 29 septembre 2017. Par un arrêté n° 1183-2018 en date du 23 janvier 2018, la présidente du conseil régional d'Ile-de-France l'a suspendu de ses fonctions pour une durée maximale de quatre mois à compter du 1er février 2018, avant de le réintégrer dans ses fonctions à compter du 1er juin 2018. M. E... relève appel du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 19 juin 2020 en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " (...) La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 de ce même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
3. Le jugement attaqué rejette la demande de M. E... aux motifs d'une part que l'arrêté contesté du 23 janvier 2018 lui a été notifié à son adresse connue de l'administration, l'intéressé n'ayant pas signalé son changement d'adresse, et, d'autre part, qu'il doit être regardé comme ayant eu connaissance de cet arrêté au plus tard le 1er février 2018, date à laquelle il lui a été notifié oralement.
4. Toutefois, si M. E... a été informé oralement de la décision de suspension le 1er février 2018, il n'a cependant pas reçu notification de cette décision avec mention des voies et délais de recours.
5. En outre, l'arrêté contesté a été notifié à M. E... par un courrier du 29 janvier 2018 envoyé à l'adresse de son ancien logement de fonctions à Sartrouville. Le pli a été retourné à l'administration le 6 février 2018 avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse ". Toutefois, l'administration a nécessairement eu connaissance du changement d'adresse de M. E... avant cette date, dès lors qu'elle a notamment informé l'intéressé par trois courriers des 17 juillet 2017, 26 juillet 2017 et 18 août 2017 de sa nouvelle affectation au poste de chef de cuisine du lycée de Plaine Commune à Saint-Denis le 29 septembre 2017, cette affectation s'accompagnant de la concession d'un logement par nécessités de service ainsi qu'il résulte du courrier du 17 juillet 2017. Le courrier de M. E... du 4 février 2018 adressé au proviseur de l'établissement ou le récépissé de déclaration de main courante en date du 13 février 2018 sont d'ailleurs de nature à établir que M. E... était alors domicilié dans son logement de service du lycée Plaine Commune à Saint-Denis. Le courrier du proviseur du lycée Plaine Commune du 16 mars 2018 portant notification à M. E... de l'arrêté contesté ne comporte aucun élément permettant de déterminer avec certitude la date de cette notification. La circonstance qu'un courrier du 13 avril 2018 informant l'intéressé de l'engagement d'une procédure disciplinaire envoyé à l'ancienne adresse de M. E... à Sartrouville ait été reçu par ce dernier ne suffit pas à établir l'existence d'une notification régulière de l'arrêté contesté. Cette preuve n'est pas davantage apportée par la circonstance que M. E... a fourni à l'administration une adresse personnelle à Cergy le 25 avril 2018.
6. Ainsi, en l'absence de notification régulière de l'arrêté contesté, le délai de recours contentieux de deux mois résultant des dispositions précitées de l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'a pas couru et la demande de M. E... enregistrée au greffe du tribunal le 14 juillet 2018 n'était pas tardive.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête comme tardive. Par suite, ce jugement doit être annulé. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Montreuil pour qu'il statue sur la demande de M. E....
Sur les frais liés à l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de M. E..., qui n'est pas la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la région Ile-de-France la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1807801 du 19 juin 2020 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : Le dossier de la demande de M. E... est renvoyé au tribunal administratif de Montreuil.
Article 3 : La région Ile-de-France versera la somme de 1 000 euros à M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la région Ile-de-France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 20VE02183