Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'EURL Joint Isolation Lumière (JIL) a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 12 septembre 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 82531 du code du travail, pour un montant de 7 040 euros, et la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant de 2 398 euros, à raison de l'emploi d'un salarié étranger en situation irrégulière et dépourvu d'autorisation de travail.
Par un jugement n° 1708956 du 23 décembre 2019, le tribunal administratif de Versailles, à qui le tribunal administratif de Melun a transmis le dossier de l'EURL JIL en application des articles R. 221-3, R. 312-16 et R. 351-3 du code de justice administrative, a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 février 2020, l'EURL JIL, représentée par Me A..., avocat, demande à la cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler la décision du 12 septembre 2017 par laquelle le directeur général de l'OFII a décidé de lui appliquer les contributions spéciale et forfaitaire pour la somme totale de 9 438 euros ;
3° de condamner l'OFII au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les droits de la défense ont été méconnus par la décision attaquée, dès lors que l'OFII ne lui a pas transmis le procès-verbal de constatation des infractions ;
- la décision du 12 septembre 2017 est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'une erreur dans la qualification juridique et l'exactitude matérielle des faits, dès lors qu'elle a embauché de bonne foi le salarié contrôlé en tant que ressortissant roumain, et n'était par ailleurs pas en mesure de détecter le caractère frauduleux de la pièce d'identité qui lui a été présentée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2020, l'OFII, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'EURL JIL sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique,
- et les observations de Me F..., substituant Me A..., pour l'EURL Joint Isolation Lumière.
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'un contrôle effectué le 31 mai 2016 sur un chantier de construction situé à Evry (Essonne), au sein duquel l'EURL JIL intervenait en qualité de sous-traitant, les services de la direction départementale de la police aux frontières de l'Essonne ont constaté la présence en action de travail d'un individu pour le compte de la société, M. B... E..., ressortissant moldave dépourvu d'un titre l'autorisant à travailler et à séjourner sur le territoire national. Par décision du 12 septembre 2017, le directeur général de l'OFII a mis à la charge de la société JIL la somme de 7 040 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, et la somme de 2 398 euros au titre de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'EURL JIL relève appel du jugement du 23 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 septembre 2017.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la régularité de la sanction :
2. La société JIL reprend en appel, sans apporter d'argumentation ou d'élément nouveau, les moyens invoqués en première instance, tirés de ce que la décision attaquée du 12 septembre 2017 serait insuffisamment motivée et de ce que les droits de la défense auraient été méconnus. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'une part, aux points 3 et 4 et, d'autre part, aux points 5 à 7 du jugement attaqué.
En ce qui concerne le bien-fondé de la sanction :
3. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux (...) ". Aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine ". Enfin, aux termes de l'article L. 5221-8 du code du travail : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1. ".
4. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire prévue par les dispositions également précitées de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient, également, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur. Ces contributions ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement en France, ou démuni d'un titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel ne soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Néanmoins, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions lorsque, tout à la fois, il s'est acquitté des vérifications qui lui incombent, relatives à l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail, et n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité. En outre, lorsqu'un salarié s'est prévalu lors de son embauche de la nationalité française ou de sa qualité de ressortissant d'un Etat pour lequel une autorisation de travail n'est pas exigée, l'employeur ne peut être sanctionné s'il s'est assuré que ce salarié disposait d'un document d'identité de nature à en justifier et s'il n'était pas en mesure de savoir que ce document revêtait un caractère frauduleux ou procédait d'une usurpation d'identité.
5. En l'espèce, la société requérante ne conteste pas que M. E... était employé par elle et se trouvait, lors du contrôle, en action de travail pour son compte, comme il ressort des procès-verbaux d'infraction et d'auditions du gérant et du travailleur. En revanche, l'EURL JIL soutient avoir embauché le 16 septembre 2015 ce salarié de nationalité moldave en pensant de bonne foi qu'il était un ressortissant roumain, l'intéressé lui ayant présenté une carte d'identité roumaine dont elle ne pouvait détecter le caractère frauduleux. Néanmoins, il résulte de l'instruction que le salarié concerné a déclaré lors de son audition par les services de police n'avoir présenté à son employeur qu'une photocopie de la carte d'identité en question. En outre le gérant de la société JIL, après avoir déclaré aux services de police qu'il avait vu l'original de ce document d'identité, a toutefois reconnu qu'il n'était pas en mesure de l'affirmer avec certitude, précisant au surplus que M. E... était " moldave d'origine roumaine ". Au regard de l'ensemble de ces éléments, la société requérante ne peut être regardée comme s'étant acquittée des diligences nécessaires pour s'assurer que le salarié en question disposait d'un document d'identité de nature à justifier de sa qualité de ressortissant d'un Etat pour lequel une autorisation de travail n'est pas exigée. La circonstance alléguée par la société qu'elle n'était pas en mesure de détecter le caractère frauduleux de la carte d'identité présentée ne peut être, dans ces conditions, utilement invoquée. Il résulte de ce qui précède que l'EURL JIL n'est pas fondée à soutenir que la décision du 12 septembre 2017 serait entachée d'une inexactitude matérielle des faits et d'une erreur de qualification juridique.
6. Il résulte de ce qui précède, et dès lors que les infractions prévues aux articles L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et L. 8251-1 du code du travail sont constituées du seul fait de l'emploi de travailleurs étrangers en situation de séjour irrégulier et démunis de titre les autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français, que l'EURL JIL ne peut utilement invoquer ni l'absence d'élément intentionnel, ni sa prétendue bonne foi, ces circonstances étant sans effet sur la matérialité de l'infraction.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL JIL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. L'OFII n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par l'EURL JIL au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EURL JIL une somme de 1 500 euros à verser à l'OFII, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EURL JIL est rejetée.
Article 2 : L'EURL JIL versera la somme de 1 500 euros à l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Joint Isolation Lumière et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2021, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président,
M. C..., premier conseiller,
Mme G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2021.
Le rapporteur,
B. C...Le président,
S. BROTONSLa greffière,
S. de SOUSA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
N° 20VE00524 2