Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... veuve D... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 29 avril 2019 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2001011 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 29 avril 2019 et a enjoint au préfet de l'Essonne de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 juillet 2020, le préfet de l'Essonne demande à la cour d'annuler ce jugement.
Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les moyens soulevés en première instance par Mme A... ne sont pas fondés.
La procédure a été communiquée à Mme A..., qui n'a pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les observations de Me E... pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A... veuve D..., ressortissante marocaine née en 1940, est entrée en France le 4 mai 2011 munie d'un passeport revêtu d'un visa Schengen de court séjour. Elle a bénéficié de la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 16 juillet 2014 au 15 juillet 2015 sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 29 février 2016, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour. Par décisions des 26 septembre 2017 et 7 juin 2018, le tribunal administratif de Paris puis la cour administrative d'appel de Paris ont rejeté le recours contentieux présenté par Mme A... à l'encontre de cet arrêté. Mme A... a présenté, le 15 mai 2018, une nouvelle demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de 1'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, au vu de l'avis émis le 29 octobre 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui relevait notamment que l'intéressée pourrait bénéficier d'un traitement approprié au Maroc, le préfet de l'Essonne a, par un arrêté du 29 avril 2019, refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par jugement du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté et a enjoint à l'autorité administrative de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Le préfet de l'Essonne relève appel de ce jugement.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Versailles :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Par ailleurs, en vertu des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit " à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
3. Mme A... fait valoir qu'elle réside continument en France depuis mai 2011 où demeurent trois de ses enfants, dont deux ont la nationalité française. Elle relève également qu'elle est hébergée en France par l'un de ses enfants, qui prend également en charge les frais médicaux que son état de santé nécessite. Il ressort toutefois des pièces du dossier, ainsi que le soutient le préfet de l'Essonne, que Mme A... a vécu au Maroc jusqu'à l'âge de 71 ans et qu'elle n'y est pas dépourvue de toute attache familiale puisque trois de ses enfants y résident. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet de l'Essonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler son arrêté du 29 avril 2019, le tribunal administratif de Versailles a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme A... devant le tribunal administratif à l'encontre de l'arrêté du 29 avril 2019.
Sur l'autre moyen soulevé par Mme A... en première instance :
5. En vertu du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit " à l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé [...] ".
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est suivie pour un diabète de type II insulino-requérant et une neuropathie périphérique. Pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicitée par Mme A... sur le fondement de ces dispositions, le préfet de l'Essonne a relevé que, conformément à l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII rendu le 29 octobre 2018, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, Mme A... peut effectivement bénéficier au Maroc d'un traitement approprié. Les éléments produits par le préfet permettent d'établir que des traitements appropriés aux pathologies dont souffre l'intimée sont disponibles au Maroc. Ni les certificats médicaux, ni le document de l'organisation mondiale de la santé communiqués en première instance par Mme A... ne permettent de remettre en cause cette appréciation quant à la disponibilité des soins au Maroc. La circonstance alléguée que l'intéressée résiderait loin des principaux centres de traitement existants dans son pays d'origine est sans incidence sur la possibilité pour elle d'y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il suit de là que le préfet de l'Essonne n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A....
7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Essonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 29 avril 2019. Les conclusions à fin d'annulation de Mme A... doivent par suite être rejetées, de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2001011 du 25 juin 2020 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... A... veuve D....
Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2021, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président,
M. C..., premier conseiller,
Mme F..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2021.
Le rapporteur,
B. C...Le président,
S. BROTONSLa greffière,
S. de SOUSA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
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N° 20VE01645