Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société City Development a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 28 mai 2018 par lequel le maire de la commune de Franconville-la-Garenne a refusé de lui délivrer un permis de construire, d'enjoindre au maire de lui délivrer le permis de construire demandé dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et de mettre à la charge de la commune de Franconville-la-Garenne le versement de la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par un jugement n° 1807302 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté attaqué, enjoint au maire de délivrer à la société City Development le permis de construire litigieux dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de la commune le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société City Development et non compris dans les dépens.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 août 2019 et 10 juin 2020, la commune de Franconville-la-Garenne, représentée par Me Corneloup, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
2°) de mettre à la charge de la société City Development le versement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) de rejeter les conclusions présentées au titre de l'amende pour recours abusif.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont censuré à tort le motif de refus de délivrance du permis de construire, fondé sur l'article UP11 du plan local d'urbanisme ;
- ils ont aussi rejeté, à tort, la demande de substitution de motifs fondée sur la méconnaissance des articles UP 4-3 et 4 du plan local d'urbanisme et 77 du règlement sanitaire départemental.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fremont,
- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,
- et les observations de Me Tupigny pour la commune de Franconville-la-Garenne et de Me Taithe pour la société City Development.
Considérant ce qui suit :
1. Le 10 juillet 2017, la société City Development a déposé une demande de permis de construire tendant à l'édification d'un immeuble de cinquante-six logements sur un terrain situé 37 à 41 chaussée Jules César, à Franconville-la-Garenne. Par un premier arrêté du 6 décembre 2017, le maire de cette commune a refusé de délivrer le permis sollicité. Le 17 janvier 2018 le pétitionnaire a formé un recours gracieux, qui était rejeté par une décision du 9 mars 2018 du maire de Franconville-la-Garenne. Parallèlement, le 23 janvier 2018 la société City Development a déposé une nouvelle demande de permis de construire concernant un projet très partiellement modifié, tendant toujours à l'édification d'un immeuble de cinquante-six logements. Par un second arrêté, du 28 mai 2018, le maire de la commune de Franconville-la-Garenne a refusé de délivrer ce permis de construire à la société City Development. La commune de Franconville-la-Garenne interjette appel du jugement n° 1807302 du 25 juin 2019, par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 28 mai 2018, enjoint au maire de délivrer à la société City Development le permis de construire litigieux dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de la commune le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société City Development et non compris dans les dépens.
2. En application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement annulant un acte en matière d'urbanisme, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui.
Sur le bien-fondé du jugement :
S'agissant du motif de refus opposé par l'arrêté du 28 mai 2018 :
3. Aux termes de l'article UP 11 du règlement du plan local d'urbanisme, " la conception, la volumétrie et l'aspect extérieur des constructions doivent tenir compte de la situation du projet dans son environnement et plus particulièrement de la nature et de la volumétrie des constructions environnantes destinées à être maintenues ".
4. Il ressort des pièces du dossier que le projet, qui prévoyait notamment la démolition de constructions existantes, s'implante sur une parcelle située en zone urbaine dédiée au renouvèlement urbain. Il ressort des éléments produits tant par le pétitionnaire que par la commune, que l'environnement existant ne présente aucune homogénéité des constructions, ni aucun intérêt architectural ou environnemental spécifique. En particulier, si la zone est majoritairement à caractère pavillonnaire, elle comporte au moins deux immeubles en R+3 et R+4 de gabarit analogue au projet litigieux à proximité immédiate de celui-ci. Si la commune fait valoir que le projet méconnaîtrait des orientations du projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme et, notamment, une orientation tendant à assurer les conditions nécessaires à un renouvèlement urbain de qualité de la Chaussée Jules César, ces objectifs ne sont pas directement opposables au permis de construire. En outre, si le projet présente une volumétrie importante, dès lors qu'il s'organise en quatre bâtiments collectifs, en R+4 ou R+3+duplex, pour 3 519 m² de surface et 15 mètres de hauteur et qu'il s'implante sur un terrain de faible largeur, la construction est sobre tant en ce qui concerne sa conception architecturale, que sur le plan de sa colorimétrie. En outre, son emprise au sol n'excède pas 60 % de la superficie du terrain. Dans ces conditions, nonobstant son aspect massif, le projet en litige ne comporte aucune dysharmonie au regard de la nature et de la volumétrie des constructions environnantes destinées à être maintenues et en particulier compte tenu des caractéristiques du quartier " Noyer Mulot " alléguées par la commune, lequel constituerait une " entrée de ville " nécessitant la sauvegarde d'une certaine cohérence urbaine. Dans ces conditions, la commune de Franconville-la-Garenne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont censuré ce motif, dès lors qu'il était entaché d'erreur d'appréciation.
S'agissant de la substitution de motif :
5. Nonobstant les dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué. La commune de Franconville-la-Garenne a sollicité une substitution de motifs en faisant valoir qu'elle pouvait légalement rejeter la demande de permis de construire, dès lors qu'il méconnaissait les articles UP 4-3 et 4 du plan local d'urbanisme et 77 du règlement sanitaire départemental.
6. En premier lieu, l'article UP 4-4 relatif au " local encombrant " du plan local d'urbanisme dispose que : " (...) toute opération de 10 logements et plus devra comporter un local encombrant de capacité suffisante. La création d'une aire de présentation des encombrants d'une capacité suffisante et accessible depuis la voie publique est obligatoire ". La commune de Franconville-la-Garenne ne peut utilement soutenir, sans autre précision, que l'espace de 12,06 mètres carrés du projet dédié spécifiquement aux encombrants serait insuffisant pour recueillir les ordures ménagères, lesquelles sont régies par les seules dispositions de l'article UP 4-3 relatives aux espaces de stockage des déchets et font l'objet, dans le projet litigieux, de trois bornes enterrées à proximité de la voie publique.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article UP 4-3 du règlement du plan local d'urbanisme : " Conformément aux règlementations en vigueur, pour les constructions de toute nature un ou plusieurs emplacements doivent être prévus pour assurer le stockage des déchets. La surface et la localisation de ces emplacements doivent être adaptées à la nature et l'importance de la construction. Pour les constructions comprenant plus de dix logements, un local ou plusieurs locaux destinés au stockage des ordures ménagères et de la collecte sélective doivent être aménagés. Les locaux de stockage doivent avoir une capacité suffisante pour le remisage des contenants. L'opération doit également prévoir une aire de présentation de collecte directement accessible depuis la voie publique et de capacité suffisante. Pour les constructions réalisées dans le cadre d'un permis d'aménager ou d'un permis valant division, des aires de présentation à la collecte des déchets et des ordures ménagères facilement accessibles depuis la voie publique doivent être aménagées. Pour toute opération de 30 logements ou plus, il est prescrit la réalisation de bornes enterrées sauf en cas d'impossibilité technique justifiée ".
8. La commune de Franconville-la-Garenne se prévaut d'un avis défavorable du syndicat intercommunal chargé de la gestion du service de collecte des ordures ménagères émis le 9 avril 2018, qui a considéré que les bornes enterrées prévues par le pétitionnaire ne respectaient pas certaines prescriptions techniques et que le projet devait comporter quatre bornes enterrées au lieu de trois. Toutefois, d'une part, les prescriptions techniques ne sont pas imposées par des normes d'urbanisme et, d'autre part, aucune pièce du dossier n'est de nature à démontrer que le nombre de bornes serait insuffisant. En outre et en tout état de cause, le maire pouvait subordonner la délivrance du permis de construire sollicité à une prescription spéciale tendant à l'ajout d'une quatrième borne.
9. En troisième lieu, l'article 77 du règlement sanitaire du Val-d'Oise dispose que : " dans les immeubles collectifs, les récipients mis à la disposition des occupants pour recevoir leurs ordures ménagères, doivent être placés à l'intérieur de locaux spéciaux, clos, ventilés. Le sol et les parois de ces locaux doivent être constitués par des matériaux imperméables et imputrescibles ou revêtus de tels matériaux ou enduits ; toutes dispositions doivent être prises pour empêcher l'intrusion des rongeurs, insectes ou tous autres animaux. Les portes de ces locaux doivent fermer hermétiquement. Un poste de lavage et un système d'évacuation des eaux doivent être établis dans chacun de ces locaux pour faciliter l'entretien dans des conditions telles que ni odeur, ni émanation gênante ne puissent pénétrer à l'intérieur des habitations. Ces locaux ne doivent pas avoir de communications directes avec les locaux affectés à l'habitation, au travail ou au remisage de voitures d'enfants, à la restauration et à la vente de produits alimentaires ".
10. Les dispositions des règlements sanitaires départementaux ne peuvent être utilement invoquées au soutien d'un refus de permis de construire que lorsqu'elles concernent l'implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur architecture, leurs dimensions, leur assainissement et l'aménagement de leurs abords au sens des dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme alors applicable. Par suite, la commune ne peut utilement faire valoir que le projet ne comporterait aucun poste de lavage et de système d'évacuation des eaux au niveau des espaces de stockage des déchets qui relèvent de l'aménagement interne des locaux.
11. Il résulte de ce qui précède qu'aucun des motifs invoqués par la commune n'est de nature à justifier le refus de permis de construire. Par suite, la commune de Franconville-la-Garenne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande de substitution des motifs de l'arrêté litigieux. Par suite, les conclusions en annulation du jugement attaqué présentées par la commune de Franconville-la-Garenne doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à la condamnation de la commune pour recours abusif :
12. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ". La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de la société City Development tendant à ce que la requérante soit condamnée à une telle amende ne sont pas recevables.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
14. La société City Development n'étant pas la partie perdante, les conclusions présentées par la commune de Franconville-la Garenne tendant à mettre à sa charge une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Franconville-la-Garenne une somme de 3 000 euros à verser à la société City Development, en application de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Franconville-la-Garenne est rejetée.
Article 2 : La commune de Franconville-la-Garenne versera une somme de 3 000 euros à la société City Development sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société City Development au titre de l'amende pour recours abusif sont rejetées.
N° 19VE02946