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21/10/2021 | FRANCE | N°20VE03033

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 21 octobre 2021, 20VE03033


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande, enregistrée sous le n° 1306320 le 31 juillet 2013, Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 4 juin 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la 4ème section de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine a autorisé la société par actions simplifiées Papillon à procéder à son licenciement pour inaptitude.

Par un jugement du 1er février 2016, le tribunal administratif a annulé la décision du 4 juin 2013.

Par un arrêt

n° 16VE00805 du 20 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande, enregistrée sous le n° 1306320 le 31 juillet 2013, Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 4 juin 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la 4ème section de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine a autorisé la société par actions simplifiées Papillon à procéder à son licenciement pour inaptitude.

Par un jugement du 1er février 2016, le tribunal administratif a annulé la décision du 4 juin 2013.

Par un arrêt n° 16VE00805 du 20 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Papillon contre ce jugement.

Par une décision n° 427234 du 18 novembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Versailles.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 16VE00805 les 21 et 30 mars 2016 et le 13 avril 2017 et sous le n° 20VE03033 les 22 février et 9 juin 2021, la société Papillon, représentée par Me Nizou-Lesaffre, avocat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Cergy- Pontoise ;

2°) de rejeter la demande de Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car entaché d'une insuffisance de motivation en l'absence de réponse à sa demande de substitution de motif ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur dans la qualification juridique des faits car les premiers juges ont estimé à tort que l'inspecteur du travail ne s'était pas trompé en relevant qu'elle n'avait pas rempli ses obligations en matière de reclassement ;

- le tribunal aurait dû procéder à une substitution de motifs, l'inspecteur du travail ayant retenu, à tort, qu'elle n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement ;

- après annulation du jugement, la cour devra accueillir la demande de substitution de motif et juger que les moyens soulevés par Mme A... dans sa demande ne sont pas fondés.

....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mauny,

- et les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... est employée depuis le 1er octobre 2006 par la SAS Papillon, société de peinture en bâtiment et vitrerie, en qualité d'aide comptable puis de comptable à compter de 2008. Elle y exerçait le mandat de délégué du personnel. Placée en arrêt de travail du 26 juin 2012 au 5 juillet 2012 puis du 10 juillet au 20 février 2013, elle a été déclarée inapte à tout emploi dans la société par le médecin du travail, le 21 février 2013. Après que Mme A... ait refusé les propositions de reclassement de la société le 15 mars 2013, la société a demandé l'autorisation de la licencier le 29 mars 2013, laquelle a été donnée par une décision de l'inspecteur du travail de la 4ème section de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine. Par un jugement du 1er février 2016, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette décision. Par un arrêt du 20 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté la requête de la SAS Papillon tendant à l'annulation de ce jugement. Par une décision du 18 novembre 2020, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif a relevé que l'appréciation portée par l'inspecteur du travail sur les efforts de reclassement de la société Papillon ne pouvait pas relever d'une erreur de plume et que la société ne pouvait pas utilement faire valoir qu'il conviendrait de procéder à une substitution de motifs. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'une insuffisance de motivation ou d'une omission à statuer sur sa demande de substitution de motifs.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. ". Selon l'article R. 4624-31 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu'un examen de pré reprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen. ".

4. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si l'inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé et si, dans l'affirmative, l'employeur a cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en œuvre, dans l'entreprise ou au sein du groupe, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. La circonstance que l'avis du médecin du travail déclare le salarié protégé " inapte à tout emploi dans l'entreprise " ne dispense pas l'employeur, qui connaît les possibilités d'aménagement de l'entreprise et peut solliciter le groupe auquel il appartient, le cas échéant, de rechercher toute possibilité de reclassement dans l'entreprise ou au sein du groupe. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que, le cas échéant, au sein du groupe auquel elle appartient.

5. Lorsque le juge administratif est saisi d'un litige portant sur la légalité de la décision par laquelle l'autorité administrative a autorisé le licenciement d'un salarié protégé pour inaptitude physique et qu'il se prononce sur le moyen tiré de ce que l'administration a inexactement apprécié le sérieux des recherches de reclassement réalisées par l'employeur, il lui appartient de contrôler le bien-fondé de cette appréciation.

6. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 4 juin 2013 au motif qu'il existait une contradiction manifeste entre l'appréciation portée par l'inspecteur du travail sur l'obligation de reclassement pesant sur la société Papillon, qu'il a jugé méconnue pour plusieurs motifs, et la décision qu'il a rendue autorisant le licenciement de Mme A.... Toutefois, en se bornant à constater cette contradiction dans la motivation de la décision litigieuse sans vérifier le bien-fondé de l'appréciation de l'inspecteur du travail sur la satisfaction de la société Papillon à son obligation de reclassement, ce que la société contestait, le tribunal administratif a entaché son jugement d'erreur de droit. Il doit par suite être annulé.

7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés à l'encontre de la décision du 4 juin 2013.

8. Il résulte de ce qui a été exposé au point 4 du présent arrêt que le licenciement d'un salarié protégé déclaré " inapte à tout emploi dans l'entreprise " ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que, le cas échéant, au sein du groupe auquel elle appartient. Il ressort des pièces du dossier que la société Papillon, qui emploie 13 salariés dans le domaine de la peinture et de l'aménagement intérieur et n'appartient à aucun groupe, a proposé à la requérante par courrier daté du 27 février 2013 un aménagement de son poste, avec une possible extension de son activité à d'autres domaines de la gestion administrative de la société, ainsi qu'un emploi de peintre décorateur à l'issue d'une formation, en écartant d'autres emplois qui étaient d'ores et déjà pourvus. Il est constant que Mme A..., par un courrier du 15 mars 2013, a rejeté cette proposition non au regard de l'inadéquation des postes proposés mais de ses relations avec le dirigeant de la société. Il en ressort également que la société a sollicité l'avis du médecin du travail sur les postes offerts à Mme A... par un courrier du 27 février 2013 et que ledit médecin lui a répondu dès le lendemain en se refusant à donner un conseil sur ces postes en raison de l'inaptitude de la salariée à occuper tout poste dans la société. Il suit de là, à supposer même qu'elle n'ait pas apporté ces éléments lors de l'enquête contradictoire menée par l'inspecteur du travail, que la société Papillon a procédé à une recherche sérieuse de postes pouvant permettre le reclassement de Mme A..., y compris après une formation professionnelle répondant à la possibilité de suspension du contrat de travail pour suivre un stage de reclassement professionnel prévue à l'article L. 1226-3 du code du travail. Il suit de là que l'inspecteur du travail a commis une erreur d'appréciation en considérant que la société n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement, une telle erreur étant toutefois sans incidence sur la légalité de la décision en litige par laquelle il a autorisé le licenciement de Mme A.... Mme A... ne peut donc pas utilement se prévaloir de la contradiction entre les motifs et le dispositif de la décision du 4 juin 2013.

9. Par ailleurs, Mme A... ne peut pas non plus utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision en litige, d'une situation de harcèlement, laquelle ne ressort pas en tout état de cause des pièces qu'elle a produites et n'a pas été reconnue par le juge pénal, qui a classé sa plainte sans suite, ou d'une méconnaissance du devoir de protection de son employeur.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 4 juin 2013 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme A..., qui succombe dans la présente instance.

12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société Papillon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sur le même fondement, tant en appel qu'en première instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 1er février 2016 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme A... présentée devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ainsi que ses conclusions devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la société Papillon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 20VE03033 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE03033
Date de la décision : 21/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Olivier MAUNY
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : BITTON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-10-21;20ve03033 ?
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