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28/10/2021 | FRANCE | N°18VE03195

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 28 octobre 2021, 18VE03195


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

- d'annuler la décision du directeur de CentraleSupélec du 23 juin 2015 l'informant du non renouvellement de son contrat à compter du 31 août 2015, d'annuler la décision de cette autorité du 24 juillet 2015 refusant la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée, d'annuler la décision de cette même autorité du 16 décembre 2015 en tant qu'elle met fin à son contrat au 31 août 2015 et fixe son in

demnité de licenciement à la somme de 7 677,80 euros,

- de condamner CentraleSupéle...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

- d'annuler la décision du directeur de CentraleSupélec du 23 juin 2015 l'informant du non renouvellement de son contrat à compter du 31 août 2015, d'annuler la décision de cette autorité du 24 juillet 2015 refusant la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée, d'annuler la décision de cette même autorité du 16 décembre 2015 en tant qu'elle met fin à son contrat au 31 août 2015 et fixe son indemnité de licenciement à la somme de 7 677,80 euros,

- de condamner CentraleSupélec à lui verser la somme de 475 000 euros au titre de la perte de revenus, la somme de 40 000 euros en réparation des désagréments, atteintes et préjudices de toute nature, l'indemnité de licenciement due en application du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 après vingt ans de service, ces sommes étant assorties des intérêts capitalisés,

- d'enjoindre à CentraleSupélec de le réintégrer dans son poste et de lui proposer un nouveau contrat à durée indéterminée ou à défaut, de procéder à une nouvelle instruction de sa demande de contrat à durée indéterminée, d'enjoindre à l'école CentraleSupélec de procéder à la reconstitution de sa carrière et de ses droits à pension en prenant à sa charge les parts patronales et salariales de la régularisation de ses droits sociaux,

- et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1509481 du 13 juillet 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 12 septembre 2018 et 14 juin 2021, M. B..., représenté par Me Rochefort, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) de condamner CentraleSupélec à lui verser la somme de 475 000 euros au titre de la perte de revenus, la somme de 40 000 euros en réparation des désagréments et atteintes, préjudices de toute nature, l'indemnité de licenciement calculée en application du décret du 17 janvier 1986 pour vingt ans de service, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal capitalisés ;

4°) d'enjoindre à CentraleSupélec de le réintégrer sur son poste et de lui proposer un nouveau contrat à durée indéterminée ou, à défaut, de procéder à une nouvelle instruction de sa demande de contrat à durée indéterminée ;

5°) d'enjoindre à CentraleSupélec de procéder à la reconstitution de sa carrière et des droits à pension qu'il aurait acquis, en prenant à sa charge les parts patronales et salariales de la régularisation de ses droits sociaux ;

6°) de mettre à la charge de CentraleSupélec la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande de première instance était recevable ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré du caractère abusif de la conclusion de six contrats à durée déterminée successifs ;

- il ne doit pas être assimilé à un chargé d'enseignement au sens des dispositions de l'article L. 952-1 du code de l'éducation mais à un agent contractuel occupant un emploi permanent et entrant dans le champ d'application des articles 4 et 6 de la loi du 11 janvier 1984 ; il pouvait donc prétendre à la transformation de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, en application des lois du 26 juillet 2005 et du 12 mars 2012 et l'école CentraleSupélec a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en refusant de transformer son contrat en contrat à durée indéterminée ;

- dès lors que son contrat aurait dû être transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 10 août 2007, le non-renouvellement de son contrat constitue en réalité un licenciement ; l'école CentraleSupélec aurait alors dû respecter la procédure de licenciement prévue aux articles 45 et suivants du décret du 17 janvier 1986 ;

- même s'il fallait considérer que la décision du 23 juin 2015 ne constituait pas un licenciement, la procédure de non-renouvellement du contrat n'a pas été respectée dès lors que ce non-renouvellement n'a pas été notifié dans les trois mois du terme de l'engagement et qu'il n'a pas été mis à même de demander la communication de l'intégralité de son dossier ;

- la décision du 23 juin 2015 est intervenue pour des motifs étrangers à l'intérêt du service ; les cours qu'il a dispensés existent toujours et sont assurés par d'autres enseignants ;

- dès lors qu'il a été engagé par trois contrats à durée déterminée successifs sur une période de quinze ans, l'école CentraleSupélec a fait un usage abusif de ces contrats et a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- son préjudice matériel s'élève à la somme de 475 000 euros et son préjudice moral ainsi que les troubles dans les conditions d'existence à la somme de 40 000 euros ;

- il est fondé à demander une indemnité de licenciement en application du décret du 17 janvier 1986.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ;

- la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;

- le décret n° 63-933 du 10 septembre 1963 ;

- le décret n° 86-33 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n° 2014-1679 du 30 décembre 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Rochefort, pour M. B....

Une note en délibéré, présentée pour M. B..., a été enregistrée le 19 octobre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., recruté en qualité de professeur chargé de cours par Centrale Paris, aujourd'hui CentraleSupélec, par contrats à durée déterminée depuis le 1er septembre 2000, a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler la décision du directeur de l'école du 23 juin 2015 l'informant du non-renouvellement de son contrat, la décision de cette autorité du 24 juillet 2015 refusant de requalifier son contrat de travail en contrat à durée indéterminée et la décision du 16 décembre 2015 en tant que le directeur de l'école, après avoir requalifié son contrat en contrat à durée indéterminée, a fixé son indemnité de licenciement à la seule somme de 7 677,80 euros et a confirmé son éviction du service au 31 août 2015, et, d'autre part, de condamner CentraleSupélec à l'indemniser des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait des fautes commises par cet établissement. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 13 juillet 2018 rejetant sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, M. B... soutient que le tribunal administratif n'a pas précisé les raisons pour lesquelles il a considéré que ses contrats successifs ne pouvaient être que des contrats à durée déterminée. Il résulte toutefois de l'examen du jugement attaqué que le tribunal a suffisamment motivé sa réponse à ce moyen aux points 2, 3 et surtout 4 de sa décision, qui indique que M. B... était chargé d'enseignement et que, par conséquent, lui étaient applicables les dispositions de l'article L. 952-1 du code de l'éducation qui prévoient que de tels agents ne peuvent être engagés que par contrat à durée déterminée, ces dispositions n'ayant été abrogées ni par la loi du 26 juillet 2005 ni par celle du 10 août 2007.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'enregistrement de la demande de première instance, par une décision du 16 décembre 2015, le directeur de CentraleSupélec a accepté la requalification du contrat de M. B... en contrat à durée indéterminée à compter du 10 août 2007 en se fondant sur l'intervention des dispositions de la loi du 10 août 2007 et sur le constat que, M. B... étant en fonction depuis six ans au moins de façon continue à la date du 10 août 2007, son contrat ne pouvait être renouvelé que pour une durée indéterminée. M. B... n'a pas contesté cette décision favorable qui est devenue définitive. Dans ces conditions, les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du directeur de CentraleSupélec du 24 juillet 2015 refusant de requalifier son contrat étaient devenues sans objet. Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 13 juillet 2018, qui a statué sur cette demande, doit, dès lors, être annulé dans cette mesure.

4. Enfin, il ressort du mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif le 15 juin 2018 que M. B... a invoqué la responsabilité pour faute de son employeur à l'avoir maintenu en situation de précarité en raison d'une utilisation abusive des contrats à durée déterminée. Le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de l'existence d'une telle faute. Par suite, le jugement est irrégulier en tant qu'il statue sur ce chef de demande.

5. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement, par voie d'évocation, sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 24 juillet 2015 et sur ses conclusions indemnitaires fondées sur l'utilisation abusive de contrats à durée déterminée et, pour le surplus, de statuer par la voie de l'effet dévolutif de l'appel.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la décision du 24 juillet 2015 :

6. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 24 juillet 2015 sont devenues sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.

En ce qui concerne les décisions du 23 juin 2015 et du 16 décembre 2015 :

S'agissant de la recevabilité de la demande de première instance :

7. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) " Aux termes de l'article R. 421-5 de ce même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ".

8. CentraleSupélec soutient que la demande tendant à l'annulation de la décision du 23 juin 2015 était irrecevable dès lors qu'elle a été enregistrée plus de deux mois après la décision du 24 juillet 2015 rejetant le recours gracieux de M. B.... Toutefois, ni la décision du 23 juin 2015, ni celle du 24 juillet 2015 ne comportaient la mention des voies et délais de recours conformément aux dispositions précitées de l'article R. 421-5 du code de justice administrative. Dans ces conditions, et alors que CentraleSupélec ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 112-7 du code des relations entre le public et l'administration qui ne sont relatives qu'aux échanges par voie électronique, les conclusions à fin d'annulation de M. B..., enregistrées au greffe du tribunal administratif le 31 octobre 2015, étaient recevables, de même que, par voie de conséquence, ses conclusions indemnitaires. Par suite, le moyen tiré de ce que la demande de M. B... était tardive doit être écarté.

S'agissant de la légalité des décisions attaquées :

9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été recruté, à compter du 1er septembre 2000, en qualité de professeur chargé de cours à temps partiel par un contrat d'une durée de cinq ans, en application des dispositions de l'article 1er du décret du 10 septembre 1963, et que ce contrat a été renouvelé en 2005 et en 2010. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 3, par une décision du 16 décembre 2015 devenue définitive sur ce point, le directeur de CentraleSupélec a accepté la requalification du contrat de M. B... en contrat à durée indéterminée à compter du 10 août 2007 aux motifs qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 10 août 2007, le recrutement des agents non titulaires de l'école était régi par les dispositions des articles 4 et 6 de la loi du 11 janvier 1984, et que, M. B... étant en fonction depuis six ans au moins de façon continue à la date du 10 août 2007, son contrat ne pouvait être renouvelé que pour une durée indéterminée. Cette décision n'ayant pas été retirée, CentraleSupélec ne peut utilement soutenir que les dispositions législatives et réglementaires applicables à M. B... ne lui ouvraient aucun droit à l'obtention d'un contrat à durée indéterminée. Par suite, la décision du 23 juin 2015 qui met fin aux fonctions de M. B... constitue en réalité une décision de licenciement, ultérieurement confirmée par la décision du 16 décembre 2015. Ces décisions étant intervenues en méconnaissance de la procédure fixée par les dispositions du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application des articles 7 et 7 bis de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, M. B... est fondé à en demander l'annulation.

10. Il résulte de ce qui précède que les décisions du 23 juin 2015 et 16 décembre 2015 mettant fin aux fonctions de M. B... à compter du 31 août 2015 doivent être annulées ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant son indemnité de licenciement à la somme de 7 677,80 euros.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne les fautes :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que l'école a commis une faute en mettant fin au contrat de M. B... en méconnaissance de la procédure de licenciement fixée par les dispositions du décret du 17 janvier 1986 susvisé.

12. En second lieu, aux termes de l'article L. 951-2 du code de l'éducation dans sa rédaction issue de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités : " Les dispositions de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, définissant les conditions dans lesquelles doivent être pourvus les emplois civils permanents de l'Etat et de ses établissements publics et autorisant l'intégration des agents non titulaires occupant de tels emplois, sont applicables aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel. / Le régime des contrats à durée déterminée est fixé par les articles 4 et 6 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée (...) ". Aux termes de l'article L. 952-1 du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 951-2, le personnel enseignant comprend des enseignants-chercheurs appartenant à l'enseignement supérieur, d'autres enseignants ayant également la qualité de fonctionnaires, des enseignants associés ou invités et des chargés d'enseignement. / Les enseignants associés ou invités assurent leur service à temps plein ou à temps partiel. Ils sont recrutés pour une durée limitée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Les chargés d'enseignement apportent aux étudiants la contribution de leur expérience ; ils exercent une activité professionnelle principale en dehors de leur activité d'enseignement. Ils sont nommés pour une durée limitée par le président de l'université, sur proposition de l'unité intéressée, ou le directeur de l'établissement. En cas de perte d'emploi, les chargés d'enseignement désignés précédemment peuvent voir leurs fonctions d'enseignement reconduites pour une durée maximale d'un an. / Le recrutement de chercheurs pour des tâches d'enseignement est organisé dans des conditions fixées par décret. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 10 septembre 1963 fixant les dispositions applicables au personnel contractuel de direction et d'enseignement de l'école centrale des arts et manufactures : " Les personnels contractuels d'enseignement et de direction de l'école centrale des arts et manufactures, à l'exception du directeur adjoint, sont recrutés par le directeur de l'école. Dans tous les cas, les recrutements sont décidés après avis du conseil d'administration et conformément aux dispositions des articles ci-après. / Les contrats sont conclus pour une durée de cinq ans. Ils sont renouvelables à l'issue de cette période. (...) ". Aux termes de l'article 6 de ce décret : " Le personnel enseignant de l'école centrale des arts et manufactures qui dispense un enseignement supérieur comprend : (...) Des professeurs chargés de cours sur les applications industrielles ou l'administration des entreprises (...) Le directeur de l'école recrute sur les divers emplois ci-dessus indiqués dans les conditions fixées à l'article 1er du présent décret, après examen des titres des candidats. (...) " Et aux termes de son article 8 : " Les professeurs de sciences générales ou de sciences industrielles, les professeurs chargés de cours et les professeurs adjoints sont recrutés parmi les personnalités scientifiques ou industrielles n'ayant pas la qualité de fonctionnaire et qualifiées par leur activité professionnelle. (...) ".

13. M. B... fait valoir qu'il a été engagé par trois contrats à durée déterminée successifs sur une période de quinze ans et soutient que CentraleSupélec a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité en méconnaissant les dispositions de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités en vertu desquelles il aurait dû bénéficier d'un contrat à durée indéterminée dès le 10 août 2007 et en faisant un usage abusif des contrats à durée déterminée. Toutefois, son recrutement en qualité d'agent non titulaire pour exercer des fonctions d'enseignement était régi par les dispositions précitées de l'article L. 952-1 du code de l'éducation et de l'article 1er du décret du 10 septembre 1963 fixant les dispositions applicables au personnel contractuel de direction et d'enseignement de l'école centrale des arts et manufactures, selon lesquelles les contrats passés en vue de recruter des agents chargés d'enseignement ne peuvent être conclus que pour une durée déterminée. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'école a commis une faute en renouvelant successivement ses contrats en 2005 et 2010 pour des périodes de cinq ans et en ne l'employant pas sous couvert d'un contrat à durée indéterminée. En outre, il ne ressort pas des circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la nature et aux conditions d'exercice des fonctions d'enseignement de l'intéressé, que le renouvellement des contrats de M. B... présenterait un caractère abusif.

En ce qui concerne les préjudices :

14. En premier lieu, en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Toutefois, si l'intervention d'une décision illégale peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise.

15. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en ne respectant pas la procédure de licenciement, CentraleSupélec a irrégulièrement évincé M. B.... Cependant, il résulte de l'instruction que la décision de licenciement s'inscrivait dans le cadre de la fusion des écoles Centrale Paris et Supélec. Si les enseignements assurés par M. B... ont continué à être dispensés après son départ, CentraleSupélec fait valoir, sans être sérieusement contestée, que la fusion des écoles a fait disparaître le besoin auquel répondait le recrutement de M. B..., ses cours ayant été répartis entre des enseignants ayant des compétences équivalentes présents dans les effectifs de Supélec. Dans ces conditions, les décisions des 23 juin 2015 et 16 décembre 2015 prononçant le licenciement de M. B... étant justifiées par la suppression du besoin ayant justifié son recrutement, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'elles n'ont pas été prises dans l'intérêt du service et dans le but d'éviter la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée. Ainsi, la même décision de licenciement aurait pu légalement être prise dans le cadre d'une procédure régulière et les pertes de revenus dont se prévaut M. B... ne présentent pas un lien de causalité direct avec l'illégalité entachant les décisions des 23 juin 2015 et 16 décembre 2015.

16. En deuxième lieu, si l'école a commis une faute en prononçant le licenciement de M. B... sans respecter la procédure de licenciement fixée par les dispositions du décret du 17 janvier 1986 susvisé, la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée et l'existence d'une décision de licenciement ne résultent que de la décision susvisée du 16 décembre 2015 prise postérieurement à son éviction du service et alors que M. B..., ainsi qu'il a été dit au point 13, n'avait aucun droit à la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée. Dans ces conditions, alors même que la décision de licenciement est illégale et fautive, elle ne peut être l'origine d'un quelconque préjudice, notamment moral, pour M. B....

17. Enfin, si M. B... sollicite le versement d'une indemnité de licenciement, l'annulation des décisions mettant fin à son contrat et la réintégration qu'elle implique font obstacle à qu'il soit fait droit à ses conclusions sur ce point.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté les conclusions de sa demande aux fins d'annulation des décisions du directeur de CentraleSupélec du 23 juin 2015 et du 16 décembre 2015 mettant fin à ses fonctions et fixant son indemnité de licenciement.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

19. L'annulation des décisions du 23 juin 2015 et du 16 décembre 2015 mettant fin aux fonctions de M. B... implique nécessairement la réintégration de M. B... à la date de son éviction le 31 août 2015, ainsi que la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux.

20. En revanche, il n'y a pas lieu d'enjoindre à Centrale Supélec de proposer à M. B... un nouveau contrat et de procéder à une nouvelle instruction de sa demande de contrat à durée indéterminée, celle-ci ayant été acceptée par la décision précitée du 16 décembre 2015, devenue définitive sur ce point.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de CentraleSupélec le versement à M. B... A... la somme de 2 000 euros sur ce fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1509481 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 13 juillet 2018 est annulé en tant, d'une part, qu'il a omis de constater qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du directeur de l'école CentraleSupélec du 24 juillet 2015 et, d'autre part, qu'il a omis de statuer sur ses conclusions indemnitaires fondées sur l'utilisation abusive de contrats à durée déterminée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 24 juillet 2015.

Article 3 : Les décisions du directeur de CentraleSupélec du 23 juin 2015 et du 16 décembre 2015 mettant fin aux fonctions de M. B... à compter du 31 août 2015 et fixant son indemnité de licenciement à la somme de 7 677,80 euros sont annulées.

Article 4 : Il est enjoint à l'établissement public CentraleSupélec de réintégrer M. B... à compter du 31 août 2015 et de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux à compter de cette date, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : Le jugement n°1509481 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 13 juillet 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : CentraleSupélec versera la somme de 2 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête M. B... est rejeté.

Article 8 : Les conclusions de CentraleSupélec tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 18VE03195 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03195
Date de la décision : 28/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03 Fonctionnaires et agents publics. - Agents contractuels et temporaires. - Fin du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : ROCHEFORT

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-10-28;18ve03195 ?
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