Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Texabri a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Fontenay-aux-Roses à lui verser la somme de 15 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices résultant de son éviction illégale du marché de construction d'un préau dans l'école maternelle Scarron et de mettre à la charge de la commune la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1706779 du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 juillet 2019 et un mémoire en réplique enregistré le 25 mai 2020, la société Texabri, représentée par Me Hourcabie, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la commune de Fontenay-aux-Roses à lui verser la somme de 14 973,55 euros, augmentée des intérêts au taux légal, au titre de l'indemnisation de son préjudice résultant de son éviction illégale du marché de construction d'un préau dans l'école maternelle Scarron ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Fontenay-aux-Roses la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, le tribunal n'ayant pas répondu à son moyen tiré de ce que l'offre retenue méconnaît les règles de l'art et les normes techniques de la consultation ;
- l'offre retenue et l'exécution du marché méconnaissent les normes de référence et les règles de l'art, en particulier la norme NV65, auxquelles renvoient les documents de consultation ; la sécurité des usagers est en cause ; le cas échéant, une mesure d'expertise peut être prononcée ;
- l'offre retenue et l'exécution du marché méconnaissent les prescriptions de la consultation s'agissant des jonctions de portes ; ces jonctions ont été réalisées avec un retard significatif de dix-sept jours au moins ; le planning proposé était irréaliste ;
- elle disposait d'une chance sérieuse de remporter le marché, l'offre retenue étant irrégulière et sa propre offre étant régulière ; elle doit être indemnisée de son préjudice résultant de son éviction illégale ; son manque à gagner s'établit à la somme de 14 973,55 euros.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Camenen,
- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,
- les observations de Me Hourcabie, pour la société Texabri, et celles de Me Brière, pour la commune de Fontenay-aux-Roses.
Considérant ce qui suit :
1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 1er juillet 2016, la commune de Fontenay-aux-Roses a lancé une consultation pour la construction d'un préau dans l'école maternelle Scarron. La société Texabri a présenté une offre qui a été rejetée par un courrier du 4 août 2016, la commune de Fontenay-aux-Roses ayant retenu celle de sa concurrente. La société Texabri relève appel du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 4 juin 2019 rejetant sa demande tendant à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice résultant de son éviction irrégulière de ce marché.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La société Texabri soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé au motif que le tribunal administratif aurait omis de répondre au moyen tiré de l'absence de conformité de l'offre technique retenue aux règles de l'art et aux normes techniques applicables.
3. Toutefois, en indiquant au point 5 du jugement attaqué qu'il " ne ressort ni du rapport d'analyse des offres ni d'aucun autre élément que l'offre technique proposée par la société Feba Construction méconnaissait les règles de l'art et les prescriptions de la norme NV 65, dont le respect était exigé par les documents du marché ", le tribunal a suffisamment motivé sa décision sur ce point. Le moyen doit, par suite, être écarté.
Sur les irrégularités de l'offre retenue :
4. Aux termes de l'article 59 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics alors en vigueur : " (...) Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation notamment parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale (...) ".
5. La société Texabri soutient que la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en attribuant le marché à une entreprise dont l'offre était affectée de plusieurs irrégularités.
6. En premier lieu, les parties ne contestent pas en appel les motifs du jugement attaqué, dans ses points 7 à 9, selon lesquels l'offre retenue ne respectait pas les stipulations de l'article 01-5 du cahier des clauses techniques particulières du marché (CCTP) relatives aux luminaires et qu'elle devait être écartée comme irrégulière pour ce premier motif.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 01.5 du CCTP : " Le titulaire du présent lot devra présenter au maître d'ouvrage : une étude de conception du préau avec calcul de résistance suivant le cahier des règles de l'art, des réglementations neige et vent NV 65 (...) ".
8. La société Texabri soutient que la société attributaire du marché a méconnu les règles de l'art et les normes techniques contractuellement prévues par les stipulations précitées de l'article 01.5 du CCTP, l'ouvrage n'étant pas conforme à la norme NV 65.
9. Si la commune de Fontenay-aux-Roses soutient que la société Texabri ne peut utilement se prévaloir de la non-conformité des conditions d'exécution du marché pour contester la légalité de ce marché, cette dernière indique cependant que l'irrégularité de l'offre s'est traduite, en phase d'exécution, par la réalisation d'un ouvrage ne respectant pas les prescriptions du marché. Ainsi, son moyen est opérant.
10. Il résulte de l'instruction, en particulier de la note de calculs établie par le cabinet JNC produite par la requérante, que l'ouvrage réalisé par la société attributaire présente plusieurs coefficients excédant la valeur maximale autorisée par la norme NV 65. Ces résultats ne sont pas remis en cause par le rapport de vérifications réglementaires après travaux produit en première instance par la commune, dont il n'est pas établi qu'il portait sur le respect de cette norme. Ils ne sont pas davantage remis en cause par le courrier de l'entreprise retenue en date du 17 novembre 2017. Dans ces conditions, alors même que la note de calculs précitée n'a pas été établie de manière contradictoire, la commune pouvant apporter tout élément de nature à remettre en cause ses conclusions devant le juge, la société Texabri est fondée à soutenir que l'offre retenue ne respectait pas la norme NV 65 et qu'elle devait être écartée comme irrégulière pour ce second motif.
11. Enfin, aux termes de l'article 01.5 du CCTP : " (...) Il est rappelé que le préau ne sera pas nécessairement solidaire et attenant aux façades, par conséquent il est prévu des jonctions de protection au droit des portes pour garantir une protection complète des sorties du bâtiment principal et du réfectoire. / Il sera mis en œuvre des jonctions au-dessus des deux portes du préau intérieur et de la cantine de telle façon à ce que les eaux pluviales puissent être déviées sur les côtés des jonctions (...) ".
12. Si la société requérante soutient que l'offre retenue méconnaissait les stipulations précitées de l'article 01.5 du CCTP relatives aux jonctions, il résulte de l'instruction, en particulier du mémoire technique de la société attributaire, dont il n'est pas établi qu'il n'était pas joint à l'offre, et des photographies de l'ouvrage, que ces jonctions ont été prévues dans son offre et qu'elles ont été réalisées. Alors même que ces travaux auraient été effectués avec un retard de 17 jours, cette circonstance ne suffit pas à établir que l'offre de la société attributaire était irrégulière au motif que son planning était irréaliste. Par suite, ce moyen doit être écarté.
13. Il résulte de ce qui précède que la société Texabri est fondée à soutenir que la commune de Fontenay-aux-Roses devait écarter l'offre retenue comme irrégulière non seulement au motif qu'elle n'était pas conforme aux stipulations de l'article 01.5 du CCTP relatives aux luminaires, mais aussi qu'elle ne respectait pas la norme NV 65 prévue par ces mêmes stipulations.
Sur la responsabilité de la commune :
14. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre, lesquels n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique. En revanche, le candidat ne peut prétendre à une indemnisation de ce manque à gagner si la personne publique renonce à conclure le contrat pour un motif d'intérêt général.
15. En premier lieu, pour rejeter les conclusions indemnitaires de la société Texabri, le tribunal administratif a estimé que son offre était irrégulière en raison du nombre d'éclairages proposés et que, par suite, son préjudice était sans lien de causalité avec l'irrégularité affectant l'attribution du marché.
16. Aux termes de l'article 01.5 du CCTP : " (...) Eclairage en sous-face des modules : Par module, il sera mis en œuvre 4 luminaires ayant les caractéristiques suivantes (12 pour l'ensemble des trois préaux) : (...) Source lumineuse : LED (...) Le luminaire sera de marque Thorn type Aquaforce 2 à LED ou équivalent (...) ".
17. Il ressort du mémoire technique de la société Texabri que cette dernière a proposé de mettre en place un système d'éclairage avec LED de marque Switch Made, soit " 3 éclairages composés chacun de 4 réglettes LED ". Si la décomposition du prix global et forfaitaire indique trois luminaires, il n'est pas contesté que chacun de ces trois luminaires était composé de 4 réglettes LED, soit 12 réglettes au total. Ainsi, par leur nombre et leur caractéristiques techniques, les luminaires proposés par la société Texabri étaient conformes aux stipulations du marché. Par suite, la société Texabri est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que son offre étant irrégulière, elle était dépourvue de toute chance d'emporter le marché.
18. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que seules deux sociétés ont candidaté à ce marché. L'offre de la société Texabri a été classée en deuxième position avec la note de 80,53/100 et celle retenue a obtenu la note de 96/100. Cette offre étant irrégulière ainsi qu'il a été dit, la société Texabri avait une chance sérieuse d'emporter le marché. Par suite, cette dernière doit être indemnisée de son manque à gagner.
19. Enfin, la société Texabri a notamment produit une attestation de son expert-comptable faisant apparaître que sa marge nette attendue pour le marché en litige s'élevait à la somme de 8 460,55 euros, soit environ 23 % du montant de son offre HT. Ce taux n'est pas contesté en défense et aucun élément ne permet de le remettre en cause. Dans ces conditions, la commune doit être condamnée à verser cette somme à la société Texabri, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa réclamation préalable.
20. Il résulte de tout ce qui précède que la société Texabri est fondée à soutenir que c'est à tort que, par leur jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
21. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Texabri, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à verser une quelconque somme à la commune de Fontenay-aux-Roses. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Fontenay-aux-Roses la somme de 2 000 euros au titre de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1706779 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 4 juin 2019 est annulé.
Article 2 : La commune de Fontenay-aux-Roses est condamnée à verser à la société Texabri la somme de 8 460,55 euros, cette somme étant assortie des intérêts aux taux légal à compter de la réception de sa réclamation préalable.
Article 3 : La commune de Fontenay-aux-Roses versera à la société Texabri la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Texabri est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Fontenay-aux-Roses au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 19VE02748