Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 26 février 2020 par lequel la préfète d'Indre-et-Loire l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, d'enjoindre à la préfète d'Indre-et-Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 152,45 euros par jour de retard et de procéder à un nouvel examen de sa situation.
Par un jugement n° 2001336 du 30 décembre 2020, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 26 février 2020, a enjoint cette dernière de réexaminer la situation de Mme B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et de la munir d'une autorisation provisoire de séjour.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 janvier 2021, la préfète d'Indre-et-Loire demande à la cour :
1° d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 30 décembre 2020 ;
2° de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif d'Orléans.
La préfète d'Indre-et-Loire soutient que l'arrêté du 26 février 2020 n'a pas été pris par une autorité incompétente.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Even a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante arménienne, née le 22 février 1982, est entrée sur le territoire français le 27 décembre 2016 et a sollicité le 13 février 2017 son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande de protection internationale a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides, puis par la Cour nationale du droit d'asile. Elle a alors fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français à laquelle elle n'a pas déféré. L'intéressée a ensuite été interpellée le 25 février 2020 par les services de police d'Indre-et-Loire. Par un arrêté du 26 février 2020, la préfète d'Indre-et-Loire a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter sans délai le territoire français, avec fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. La préfète du d'Indre-et-Loire fait appel du jugement du 30 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 26 février 2020, lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme B..., dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement, et de la munir d'une autorisation provisoire de séjour.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. L'article L.212-1 alinéa 1er du code des relations entre le public et l'administration précise que : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. ".
3. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 26 février 2020, les premiers juges ont estimé que la décision par laquelle la préfète d'Indre-et-Loire a prononcé une obligation de quitter sans délai le territoire français, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans était signée par une autorité incompétente, en raison de l'impossibilité d'établir qu'à la date de l'arrêté litigieux, la direction de la citoyenneté et de la légalité et le bureau de l'immigration étaient placés sous l'autorité de M. C... A..., directeur de cabinet de la préfète, l'arrêté contesté ayant été édicté le mercredi 26 février 2020, ce qui ne correspond ni à un jour férié, ni à un jour non travaillé.
4. Il ressort toutefois des pièces versées au dossier que l'arrêté portant délégation de signature à Mme Nadia Seghier, secrétaire générale de la préfecture d'Indre-et-Loire, daté du 4 décembre 2019, qui a été régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 6 décembre 2019, produit pour la première fois en appel, fait apparaître qu'en cas d'absence ou d'empêchement, la délégation de signature qui lui est consentie pour prendre les actes pris sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, peut être notamment exercée par M. C... A..., directeur de cabinet, et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que n'aurait pas été remplie la condition d'absence ou d'empêchement mentionnée par cette délégation de signature.
5. Il résulte de ce qui précède que la préfète d'Indre-et-Loire est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler son arrêté du 26 février 2020, le tribunal administratif d'Orléans a accueilli le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif d'Orléans, qui n'ont pas été abandonnés en appel.
Sur les moyens communs aux décisions attaquées :
7. En premier lieu, l'arrêté litigieux comporte l'énoncé des considérations de droit et fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'existence d'une insuffisance de motivation doit donc être écarté.
8. En second lieu, si Mme B... soutient que ses craintes sont réelles et sérieuses en cas de retour en Arménie et que ses problèmes psychiatriques nécessitent un traitement et un suivi quotidien, elle ne produit aucun élément nouveau permettant d'étayer la réalité de ces allégations. Par ailleurs, si Mme B..., qui est entrée en France en 2016 à l'âge de 34 ans, et se maintient irrégulièrement sur le territoire français alors qu'elle a été destinataire d'une obligation de quitter le territoire français à laquelle elle n'a pas déféré, est mère de deux enfants à charge, elle n'allègue pas avoir l'intégralité de ses attaches familiales en France. Il en résulte que le moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions attaquées sur la situation personnelle de la requérante doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai :
9. En premier lieu, le principe général du droit d'être entendu énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne implique que l'autorité préfectorales, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
10. Mme B..., qui a été entendue dans le cadre de son interpellation par les services de police d'Indre-et-Loire, ne précise pas les éléments pertinents qu'elle aurait été empêchée de faire valoir préalablement à la décision portant obligation de quitter le territoire français et qui auraient été susceptibles d'influer sur le contenu de la décision. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris en méconnaissance du droit être entendu doit ainsi être écarté.
11. En second lieu, Mme B... est entrée en France le 27 décembre 2016 et est mère de deux enfants majeurs à charge. Il est constant que son époux se trouve également en situation irrégulière sur le territoire français. Il n'est ni établi ni même allégué que ses enfants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité dans le pays d'origine de leur mère et que rien n'empêche la prolongation de la vie familiale en Arménie. Ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision par laquelle la préfète d'Indre-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire est entachée d'illégalité. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi serait illégale en conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement dont elle a fait l'objet.
13. En second lieu, si Mme B..., dont la demande de protection internationale a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, soutient qu'elle est soumise à de graves menaces en cas de retour dans son pays d'origine, elle n'apporte aucune précision ni justification à l'appui de cette allégation. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et doit, par suite, être écarté.
Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
14. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
15. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. / (...) ".
16. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que pour refuser à Mme B... un délai de départ volontaire, la préfète d'Indre-et-Loire s'est fondée sur les circonstances, non contestées, que l'intéressée est entrée irrégulièrement en France, représente une menace pour l'ordre public, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, est démunie de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et est sans domicile fixe. Elle entrait donc dans les dispositions énoncées par le a) et le f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La circonstance qu'elle avait déclaré une adresse en hébergement d'urgence à la Croix Rouge française n'est pas de nature à établir que la préfète aurait, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, commis une erreur dans l'appréciation du risque de fuite.
Sur la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français :
17. Aux termes de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). ". Et aux termes de l'article 42 du règlement (CE) nº 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 : " Les ressortissants de pays tiers qui font l'objet d'un signalement introduit en vertu du présent règlement sont informés conformément aux articles 10 et 11 de la directive 95/46/CE. Cette information est fournie par écrit, avec une copie de la décision nationale, visée à l'article 24, paragraphe 1, qui est à l'origine du signalement, ou une référence à ladite décision ".
18. Il ressort de l'arrêté du 26 février 2020 et plus particulièrement de son article 4 que Mme B... a été informée de ce qu'elle faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de son interdiction de retour. Par suite, le moyen tiré du défaut d'information du signalement dans le système d'information Schengen doit être écarté comme manquant en fait.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de l'Indre-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 30 décembre 2020, le tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 26 février 2020, et que les demandes présentées par Mme B... devant ce tribunal doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans n° 2001336 du 30 décembre 2020 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par Mme B... devant le tribunal administratif d'Orléans sont rejetées.
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N° 20VE00206