Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société AB Optic a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014.
Par un jugement n° 1702562 du 28 février 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 mai 2020, la société AB Optic, représentée par Me Azoulay, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la procédure d'imposition est irrégulière car ne respectant pas les dispositions de l'article L. 13-0 du livre des procédures fiscales, dès lors que, d'une part, le vérificateur a, lors du contrôle inopiné, consulté et placé sous scellés des données informatiques comprenant des informations couvertes par le secret médical, que, d'autre part, le service a fondé les rectifications litigieuses sur des documents comportant des informations sur l'identité des clients ainsi que sur la nature des prestations réalisées et que, de troisième part, le vérificateur a demandé la communication d'un document couvert par le secret professionnel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pham, première conseillère,
- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société AB Optic, qui exerce une activité d'opticien-lunetier, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle ont été mis à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014. Par un jugement n° 1702562 du 28 février 2020, dont la société AB Optic relève appel, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de la société AB Optic tendant à la décharge de ces suppléments d'impôt.
2. Aux termes de l'article 226-13 du code pénal : " La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. ". Aux termes de l'article L. 13-0 A du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts peuvent demander toutes informations relatives au montant, à la date et à la forme des versements afférents aux recettes de toute nature perçues par les personnes dépositaires du secret professionnel en vertu des dispositions de l'article 226-13 du code pénal. Ils ne peuvent demander de renseignements sur la nature des prestations fournies par ces personnes ". Bien que les agents des services fiscaux soient eux-mêmes tenus au secret professionnel, il ne saurait être dérogé en leur faveur, sauf disposition législative expresse, à la règle édictée à l'article 226-13 du code pénal. S'il n'appartient qu'au juge répressif de sanctionner les infractions aux dispositions de cet article, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'un contribuable astreint au secret professionnel conteste, devant lui, la régularité de la procédure d'imposition suivie à son égard, au motif que celle-ci aurait porté atteinte à ce secret, d'examiner le bien-fondé d'un tel moyen. La révélation d'une information à caractère secret vicie la procédure d'imposition et entraîne la décharge de l'imposition contestée lorsqu'elle a été demandée par le vérificateur, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 13-0 A du livre des procédures fiscales, ou que, alors même qu'elle ne serait imputable qu'au seul contribuable, elle fonde tout ou partie de la rectification. Par ailleurs, il résulte de ces dispositions, éclairées par les débats parlementaires à l'issue desquels elles ont été adoptées, que le législateur a entendu délimiter strictement le champ des informations que l'administration fiscale est susceptible de demander à ces professionnels.
3. Aux termes des articles L. 4362-9 et L. 4362-10 du code de la santé publique : " Les établissements commerciaux dont l'objet principal est l'optique-lunetterie, leurs succursales et les rayons d'optique-lunetterie des magasins ne peuvent être dirigés ou gérés que par une personne remplissant les conditions requises pour l'exercice de la profession d'opticien-lunetier. / Le colportage des verres correcteurs d'amétropie est interdit. / Aucun verre correcteur ne pourra être délivré à une personne âgée de moins de seize ans sans ordonnance médicale. " ; " Les opticiens-lunetiers peuvent adapter, dans le cadre d'un renouvellement, les prescriptions médicales initiales de verres correcteurs datant de moins de trois ans dans des conditions fixées par décret, à l'exclusion de celles établies pour les personnes âgées de moins de seize ans et sauf opposition du médecin. / L'opticien-lunetier informe la personne appareillée que l'examen de la réfraction pratiqué en vue de l'adaptation ne constitue pas un examen médical. ". Les informations nominatives susceptibles d'être enregistrées dans le système informatique d'un opticien-lunetier à l'occasion d'un achat revêtent un caractère secret lorsqu'elles se rapportent à un produit dont la vente est réservée aux opticiens-lunetiers par l'article L. 4362-9 du code de la santé publique et qu'elles donnent des informations concernant la nature des prestations réalisées susceptibles de révéler l'état de santé des clients.
4. En premier lieu, aux termes l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil. ". Il résulte de l'instruction, notamment des mentions de l'état contradictoire des constatations matérielles effectuées dans le cadre de la procédure de contrôle inopiné en date du 5 novembre 2015, lequel a été contresigné par M. A..., en sa qualité d'associé de la société dûment mandaté par le gérant de la société AB Optic, que le service a réalisé une copie d'une partie des données informatiques présentes dans le logiciel comptable de la société sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. Une copie de ces fichiers a été laissée dans un répertoire nommé " dgfip " dans le répertoire document de l'ordinateur, tandis qu'une autre copie a été réalisée sur un CD-ROM qui a été placé dans une enveloppe scellée et remise à M. A.... Ainsi que le constate l'état contradictoire des constatations matérielles du contrôle inopiné, aucune de ces copies n'a été emmenée ou consultée par le service, qui s'est contenté de constater l'existence matérielle de ces fichiers. Par suite, le moyen tiré de ce que le service aurait, lors du contrôle inopiné, consulté des informations en méconnaissance de l'article L. 13-0 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
5. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que ces données, analysées ultérieurement par le service vérificateur, comportaient des indications, même sommaires, sur la nature des prestations fournies aux clients de la société AB Optic. La seule indication " optique " ou " lentille ", par son caractère général, ne saurait s'analyser comme une indication sur la nature des prestations offertes aux clients et ne donne pas d'indice sur leur état de santé autre que le port de lunettes ou de lentilles, qui se déduit déjà du fait qu'ils sont clients d'un opticien-lunetier.
6. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention " officielle ", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ". Il résulte de ces dispositions que l'ensemble des correspondances échangées entre un avocat et son client, et notamment les consultations juridiques rédigées par l'avocat à son intention, sont couvertes par le secret professionnel. Toutefois, la confidentialité des correspondances entre l'avocat et son client ne s'impose qu'au premier et non au second qui, n'étant pas tenu au secret professionnel, peut décider de lever ce secret, sans y être contraint. Ainsi, la circonstance que l'administration ait pris connaissance du contenu d'une correspondance échangée entre un contribuable et son avocat est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'égard de ce contribuable, dès lors que celui-ci a préalablement donné son accord en ce sens. En revanche, la révélation du contenu d'une correspondance échangée entre un contribuable et son avocat vicie la procédure d'imposition menée à l'égard du contribuable et entraîne la décharge de l'imposition lorsque, à défaut de l'accord préalable de ce dernier, le contenu de cette correspondance fonde tout ou partie de la rectification.
7. Il résulte de l'instruction qu'au cours de la vérification de comptabilité de la société AB Optic, le vérificateur a demandé à la société requérante de justifier l'objet des frais d'avocat engagés au cours de l'année 2012 pour un montant de 2 500 euros. La société a répondu à cette demande par la production de la facture correspondante et d'un courrier de son conseil décrivant la nature des prestations rendues. Toutefois, la correspondance litigieuse ne fonde aucun des rehaussements proposés à la société AB Optic. Par suite, cette branche du moyen doit être écartée comme inopérante.
8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 13-0 du livre des procédures fiscales et de la violation du secret professionnel doit être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que la société AB Optic n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société AB Optic est rejetée.
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N° 20VE01230