Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... se disant C... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 4 décembre 2018 par laquelle le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un passeport biométrique et une carte nationale d'identité.
Par un jugement n° 1900915 du 13 novembre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 janvier 2021 et le 20 octobre 2021, M. A... se disant C... D..., représenté par Me Arena, avocate, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de faire droit à sa demande ;
3° d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui remettre un passeport français biométrique et une carte nationale d'identité française dans un délai de huit jours sous astreinte de cent euros par jour de retard dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- son passeport et sa carte nationale d'identité, qui lui ont été délivrés les 13 juillet 2015 et 1er décembre 2015 par la préfecture de l'Essonne, lui ont été retirés à tort au motif, qu'il conteste, que son véritable patronyme serait " Kannan " et qu'il aurait usurpé l'identité d'un tiers, M. C... D... ; pour prendre sa décision, le préfet du Val-de-Marne s'est fondé sur des investigations diligentées de manière non contradictoire et méconnaissant les droits de la défense, par le consul général de France à Pondichéry au cours des années 2000 et 2001 ;
- alors que deux personnes ont été auditionnées dans le cadre de l'enquête menée par le consul général de France à Pondichéry, l'une se présentant sous le nom de Mme E... D..., sœur du prétendu M. C... D... et une autre se présentant comme la mère de ces derniers, aucune pièce d'identité concernant ces deux personnes n'a été jointe au dossier de sorte qu'il n'est pas possible de vérifier leur identité ; la prétendue sœur de M. D... indique avoir essayé de récupérer ses pièces d'identité auprès de lui alors qu'il n'était pas en Inde à ces dates ; elle se serait immolée par le feu et il aurait subi à cette occasion quelques brûlures alors qu'il ne porte trace d'aucune brûlure ; aucune plainte n'a été déposée par le prétendu M. D... au sujet du prétendu vol de ses documents d'identité ;
- alors que les accusation d'usurpation d'identité remontent au 19 février 2001, il aura fallu plus de dix-neuf années pour que ces accusations parviennent à sa connaissance ;
- les documents produits sont truffés d'invraisemblance, d'incohérences et de contradictions.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 ;
- le décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bouzar, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Met, rapporteur public,
- et les observations de M. A... se disant C... D....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... se disant C... D... relève appel du jugement du 13 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 décembre 2018 du préfet du Val-de-Marne refusant de lui délivrer un passeport biométrique et une carte nationale d'identité.
2. Aux termes de l'article 2 du décret du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité : " La carte nationale d'identité est délivrée sans condition d'âge à tout Français qui en fait la demande. / Elle est délivrée ou renouvelée par le préfet ou le sous-préfet. / A Paris, elle est délivrée ou renouvelée par le préfet de police. / A l'étranger, elle est délivrée ou renouvelée par le chef de poste diplomatique ou consulaire. / (...) ". Aux termes de l'article 4 du décret du 30 décembre 2005 relatif aux passeports : " Le passeport est délivré, sans condition d'âge, à tout Français qui en fait la demande. / (...) " et aux termes de son article 9 : " Le passeport est délivré ou renouvelé par le préfet ou le sous-préfet. / (...) ". Enfin, aux termes de l'article 30 du code civil : " La charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause. / Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants ".
3. La délivrance d'un passeport ou d'une carte nationalité d'identité présente un caractère purement recognitif et ne crée, par elle-même, aucun droit à la nationalité française en faveur du titulaire de ces documents. Pour l'application des dispositions précitées au point 2, il appartient aux autorités administratives de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que les pièces produites à l'appui d'une demande de passeport ou d'une carte nationale d'identité sont de nature à établir l'identité et la nationalité du demandeur. Un doute suffisant sur l'identité ou la nationalité de l'intéressé peut justifier le refus de délivrance ou de renouvellement de carte d'identité ou de passeport ou une demande de restitution de ces mêmes documents.
4. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer à M. A... se disant C... D... une carte nationalité d'identité et un passeport, le préfet du Val-de-Marne a considéré que l'identité de M. C... D..., ressortissant français né le 4 février 1976 à Madras, était revendiquée par deux personnes et que le requérant était l'usurpateur de cette identité, ainsi que l'ont révélé les investigations diligentées par le consulat général de France à Pondichéry et Chennai en 2000 et en 2001.
5. En premier lieu, si M. A... se disant C... D... soutient que ces investigations ont été menées en méconnaissance du principe du contradictoire, il ressort cependant des pièces du dossier que, ainsi que le fait valoir le ministre, ce moyen procède d'une cause juridique nouvelle en appel et doit par suite être écarté comme irrecevable.
6. En deuxième lieu, si M. A... se disant C... D... soutient également que les droits de la défense ont été méconnus, un tel moyen est inopérant dès lors que la mesure contestée ne constitue pas une sanction, mais une mesure de police administrative.
7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que, après que le service de la nationalité française chargé de la délivrance des certificats de nationalité française lui eut adressé la lettre d'un dénommé P. Murugan dénonçant une usurpation d'identité, le consulat général de France à Pondichéry et Chennai a procédé à l'audition, le 16 novembre 2000, d'une personne se présentant comme Mme B..., épouse du requérant depuis mars 1990 et sœur du supposé véritable C... D..., laquelle a déclaré que son époux, dont le véritable patronyme serait " Kannan ", a usurpé l'identité de son beau-frère en dérobant ses documents d'identité (carte consulaire, acte de naissance et récépissé du recensement à des fins militaires). Le consulat a également procédé à l'audition les 9 février 2001 et 18 avril 2001 de deux autres personnes, l'une se présentant comme la mère du supposé véritable C... D..., l'autre se présentant comme la tante de ce dernier, qui confirment toutes deux les faits précités. Il en ressort notamment que Mme B... s'est immolée par le feu, le 27 janvier 2001, alors qu'elle tentait de récupérer les pièces d'identité de son frère auprès de son époux et que le 14 avril 2001, le requérant a agressé et menacé de mort la tante du supposé véritable C... D....
8. Si le requérant soutient que deux des personnes auditionnées n'ont pas produit de pièce d'identité, cette circonstance n'est pas à elle seule de nature à devoir écarter le résultat de ces investigations. S'il conteste avoir été présent en Inde au cours des événements précités et rapportés par ces investigations, les documents dont il se prévaut, tels que le certificat de nationalité française du 3 octobre 2000 qui lui a été délivré par le greffe du tribunal d'instance d'Evry, le contrat de travail conclu le 14 février 2000 avec la société Uti à Corbeil-Essonnes ou encore l'attestation de la commission de réforme devant laquelle il a comparu, à Vincennes, le 1er décembre 2000 en vertu de ses obligations du service national, ne sont pas de nature à établir sa présence en France et son absence d'Inde les premiers mois de l'année 2001. En outre, la circonstance non établie selon laquelle il n'aurait jamais eu de brûlures n'est pas de nature à rendre inexacts les faits relevés par le consulat général de France à Pondichéry, de même celle selon laquelle le prétendu C... D... n'aurait pas déposé plainte pour le vol de ses papiers d'identité. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision qu'il conteste est entachée d'une erreur de fait.
9. En quatrième lieu, il ressort de l'ensemble des éléments rappelés précédemment et en particulier des photos produites en première instance parmi lesquelles figure celle du véritable C... D... figurant sur un document d'identité français, qu'il existait un doute suffisant sur l'identité de la personne du requérant pour que le préfet du Val-de-Marne put, sans commettre d'erreur d'appréciation, refuser de lui délivrer une carte nationale d'identité et un passeport. Dès lors que cette décision repose sur le motif tiré de ce que le requérant était l'usurpateur de l'identité du véritable C... D..., il ne peut utilement se prévaloir du certificat de nationalité française ou d'autres documents obtenus en conséquence de cette usurpation d'identité.
10. En dernier lieu, si M. A... se disant C... D... soutient que les accusation d'usurpation d'identité remontent au 19 février 2001 et qu'il aura fallu plus de dix-neuf années pour que ces accusations parviennent à sa connaissance, cette circonstance, pour regrettable qu'elle soit, n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision qu'il conteste.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... se disant C... D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par suite sa requête, y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... se disant C... D... est rejetée.
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N° 21VE00004