La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/03/2022 | FRANCE | N°19VE03043

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 10 mars 2022, 19VE03043


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Saint-Cloud à lui verser la somme de 221 673,40 euros en réparation de ses préjudices résultant d'un accident de service survenu le 24 septembre 2013 et de mettre à la charge de la commune de Saint-Cloud de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1608717 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prescrit avant-dire dro

it une expertise en vue de déterminer l'ensemble des préjudices de M. A... ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Saint-Cloud à lui verser la somme de 221 673,40 euros en réparation de ses préjudices résultant d'un accident de service survenu le 24 septembre 2013 et de mettre à la charge de la commune de Saint-Cloud de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1608717 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prescrit avant-dire droit une expertise en vue de déterminer l'ensemble des préjudices de M. A... et a réservé jusqu'en fin d'instance tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'a pas été expressément statué.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 23 août 2019 et le 6 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Jorion, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler partiellement ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité pour faute de la commune de Saint-Cloud ;

2°) de condamner la commune de Saint-Cloud à lui verser la somme de 221 673,40 euros TTC, somme à parfaire, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande préalable ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Cloud la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, la responsabilité pour faute de la commune est engagée ; elle n'a pas respecté son obligation de fournir un matériel comportant des dispositifs de sécurité appropriés ; des consignes claires d'utilisation du matériel ne lui ont pas été fournies ; la commune n'a mis en œuvre aucun moyen matériel ou humain pour empêcher sa chute ; il n'était pas suffisamment formé à l'utilisation de cette échelle ; il n'a commis aucune faute ;

- ses préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux s'élèvent au total à la somme de 221 673,40 euros

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- et les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., adjoint technique de la commune de Saint-Cloud depuis 2001, a été victime d'une chute en service le 24 septembre 2013, alors qu'il se trouvait sur une échelle d'appui télescopique pour réparer une clôture dans le jardin de l'Avre. Hospitalisé jusqu'au 30 septembre 2013, il a subi une réduction d'une double luxation des épaules. Il a ensuite été placé en arrêt de travail jusqu'au 2 mars 2014 puis du 25 mars 2014 au 11 avril 2014 et du 7 août 2014 au 24 août 2014. Par des arrêtés du maire de Saint-Cloud des 31 décembre 2013, 4 novembre 2014 et 31 mars 2015, cet accident et ces arrêts de travail ont été reconnus imputables au service. Par un arrêté du maire de la commune de Saint-Cloud du 8 octobre 2014, il a été attribué à M. A... le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité sur la base d'un taux de 20 %. Par une réclamation du 30 juin 2016, M. A... a demandé à la commune de Saint-Cloud l'indemnisation de l'ensemble de ses préjudices. Par un jugement du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions indemnitaires fondées sur la responsabilité pour faute de la commune et a prescrit avant-dire droit une mesure d'expertise aux fins de déterminer la nature et l'étendue des préjudices résultant de l'accident. M. A... relève appel de ce jugement.

2. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.

3. M. A... soutient que l'accident dont il a été victime le 24 septembre 2013 est imputable à des fautes commises par la commune de Saint-Cloud en matière de sécurité au travail.

4. En premier lieu, aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires alors en vigueur : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail. ". Aux termes de l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale alors en vigueur : " Dans les services des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2, les règles applicables en matière d'hygiène et de sécurité sont celles définies par les livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail et par les décrets pris pour leur application (...) ". Aux termes de l'article R. 4323-84 du code du travail : " Les échelles portables sont appuyées et reposent sur des supports stables, résistants et de dimensions adéquates notamment afin de demeurer immobiles. / Afin qu'elles ne puissent ni glisser ni basculer pendant leur utilisation, les échelles portables sont soit fixées dans la partie supérieure ou inférieure de leurs montants, soit maintenues en place au moyen de tout dispositif antidérapant ou par toute autre solution d'efficacité équivalente. "

5. Il résulte de l'instruction, et notamment de la fiche technique de l'échelle d'appui utilisée par M. A... lors de sa chute, que cette dernière possède des sabots enveloppants haute sécurité, avec témoins d'usure, une plateforme à mise en place automatique, des stabilisateurs à réglage millimétrique, un verrouillage des plans coulissants avec crochets d'acier, un garde-corps et des plinthes intégrés. En outre, le rapport établi par la société Bureau Veritas atteste du bon état du matériel utilisé, le dernier contrôle ayant été effectué le 25 juin 2013, soit moins de trois mois avant l'accident. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le matériel qu'il a utilisé lors de l'accident dont il a été victime le 24 septembre 2013 ne présentait pas des dispositifs de sécurité appropriés permettant son utilisation sans risque par un agent formé et normalement prudent.

6. En deuxième lieu, M. A... soutient qu'il n'a pas bénéficié de consignes claires pour l'utilisation de cette échelle d'appui et qu'il ne disposait pas des compétences lui permettant de travailler sans danger avec ce matériel. Toutefois, il résulte de l'instruction, en particulier des attestations de stages produites par la commune, que l'intéressé a notamment suivi de nombreuses formations en matière de sécurité au travail, en particulier les 5 octobre 2007 et 3 avril 2009, une formation consacrée aux " échafaudages roulants : montage, utilisation et vérification " et le 18 avril 2008, une formation consacrée au " travail en hauteur et l'alcool ". En outre, le responsable des ateliers municipaux de la commune de Saint-Cloud a attesté avoir régulièrement rappelé aux agents placés sous son autorité, dont M. A..., la nécessité d'utiliser les échelles et escabeaux normalisés du service et de vérifier les conditions d'utilisation de ces matériels rappelées sur les pictogrammes apposés par le fabriquant. Les indications des pictogrammes du matériel utilisé par M. A... le 24 septembre 2013, aisément compréhensibles, étaient suffisantes pour lui permettre d'utiliser l'échelle d'appui en cause en toute sécurité. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas bénéficié d'une formation suffisante pour l'utilisation de ce matériel.

7. Enfin, il ressort de la fiche technique que l'échelle d'appui utilisée le 24 septembre 2013 par M. A... a une hauteur de plancher comprise entre 3,11 mètres et 3,96 mètres et permet le travail en hauteur entre 4,17 mètres et 4,95 mètres ainsi que le rappellent les pictogrammes figurant sur l'échelle. Le constat d'huissier produit par la commune fait apparaître que le mur sur lequel l'échelle en litige a été adossée, a une hauteur comprise entre 3,035 et 3,04 mètres. Ainsi, l'échelle utilisée par M. A... ayant une hauteur excédant celle du mur, elle n'était manifestement pas adaptée aux travaux entrepris par M. A.... L'échelle n'a pu être mise en appui sur le mur qu'en formant avec lui un angle excessif à l'origine de la chute de l'intéressé. Il n'est pas établi, par les seules déclarations de M. A... ainsi que celles de son collègue de travail présent lors de sa chute, que M. A... aurait constaté un risque lié à la taille de l'échelle mais aurait été incité par son collègue à poursuivre les travaux litigieux dans de telles conditions. Compte tenu de l'expérience de M. A..., de ce que le matériel utilisé ne comportait par lui-même aucun défaut de sécurité, de ce qu'il a reçu une formation pour les travaux en hauteur et de ce que la commune fait valoir, sans être contestée, qu'un matériel adapté était à sa disposition dans les ateliers municipaux, le requérant, dont le manque de prudence est manifeste, n'est pas fondé à soutenir que l'accident dont il a été victime est imputable à une faute de la commune de Saint-Cloud.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté les conclusions de sa demande aux fins de condamnation de la commune sur le fondement de la responsabilité pour faute.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de la commune de Saint-Cloud, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... le versement d'une quelconque somme à la commune de Saint-Cloud au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Cloud au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

N° 19VE03043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE03043
Date de la décision : 10/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-10-01 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Garanties et avantages divers. - Protection en cas d'accident de service.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : SELURL PHELIP

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-03-10;19ve03043 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award