Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune d'Aubervilliers a demandé au tribunal administratif de Montreuil, en application de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, qu'un expert soit désigné afin d'examiner l'état de l'immeuble situé au 65 avenue de la République à Aubervilliers (93300), cadastré AY n° 50 et de déterminer les mesures de sécurité à prendre rapidement.
Par une ordonnance n° 1907311 du 8 juillet 2019, le juge des référés de ce tribunal a désigné un expert afin qu'il décrive les désordres observés sur l'immeuble situé 65 avenue de la République à Aubervilliers, émette un avis sur les risques qu'il représente, dise si l'immeuble présente un péril grave et imminent, et, le cas échant, dresse constat des immeubles mitoyens susceptibles d'être affectés et propose les mesures provisoires indispensables pour mettre fin à l'imminence du péril.
Par une ordonnance n° 1908159 du 14 novembre 2019, le juge des référés de ce tribunal a, sur la tierce opposition du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 65 avenue de la République à Aubervilliers, déclaré nulle et non avenue l'ordonnance n° 1907311 du 8 juillet 2019, rejeté la requête de la commune d'Aubervilliers et a mis à la charge de cette dernière une somme de 1 000 euros à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 65 avenue de la République à Aubervilliers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 19VE03995 du 31 janvier 2020, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la commune d'Aubervilliers, annulé l'ordonnance n° 1908159 du 14 novembre 2019 et mis à la charge du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 65 avenue de la République à Aubervilliers une somme de 1 500 euros à verser à la commune d'Aubervilliers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une décision n° 439491 du 30 novembre 2021, le Conseil d'Etat a renvoyé l'affaire à cette cour au motif que le pourvoi du syndicat des copropriétaires du 65 avenue de la République à Aubervilliers devait être regardé comme une tierce-opposition dirigée contre l'ordonnance n° 19VE03995.
Recours en tierce-opposition :
Par une requête et quatre mémoires complémentaires, enregistrés le 11 mars 2020, le 17 avril 2020 et le 15 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, puis les 12 janvier et 11 mars 2022 au greffe de la cour, le syndicat des copropriétaires du 65 avenue de la République à Aubervilliers, représenté par Me Mokhtar, avocat, demande à la cour :
1°) de déclarer nulle et non avenue l'ordonnance rendue par le juge des référés de la cour n° 19VE03995 du 31 janvier 2020 ;
2°) de rejeter la requête d'appel de la commune d'Aubervilliers ;
3°) subsidiairement, de réformer l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil n° 1907311 du 8 juillet 2019 ;
4°) subsidiairement, de désigner un autre expert ;
5°) de mettre à la charge de la commune d'Aubervilliers la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa tierce-opposition est recevable ;
- l'ordonnance de la cour du 31 janvier 2020 est irrégulière au motif qu'il n'a pas été mis en cause à l'instance ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation et donc d'une méconnaissance par le juge des référés de son office ;
- elle est fondée sur l'article R. 532-1 du code de justice administrative qui est inapplicable au litige ;
- la requête d'appel de la commune est tardive ;
- c'est à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-3 du code la construction et de l'habitation ;
- la demande de constat ne présente pas de caractère utile.
Par un mémoire en défense, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 20 octobre 2020, et deux mémoires complémentaires, enregistrés au greffe de la cour les 16 février et 18 mars 2022, la commune d'Aubervilliers conclut au rejet de la requête en tierce-opposition et à ce qu'il soit mis à la charge du syndicat des copropriétaires du 65 avenue de la République à Aubervilliers la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Margerit, rapporteure publique,
- les observations de Me Bajn pour le syndicat des copropriétaires du 65 avenue de la République à Aubervilliers et de Me Lachenal pour la commune d'Aubervilliers.
Considérant ce qui suit :
1. Le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a, par une ordonnance du 8 juillet 2019, prise à la demande de la commune d'Aubervilliers, sur le fondement de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, désigné un expert aux fins d'examiner l'état de l'immeuble situé au 65 avenue de la République à Aubervilliers et de déterminer les mesures à prendre en cas de péril imminent. Le syndicat des copropriétaires de cet immeuble ayant formé tierce-opposition à cette ordonnance, le juge des référés du tribunal administratif a, par une seconde ordonnance du 14 novembre 2019, déclaré nulle et non avenue la précédente ordonnance du 8 juillet 2019 et rejeté la demande de constat d'expert présentée par la commune d'Aubervilliers. Sur appel de la commune d'Aubervilliers, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Versailles a, par une ordonnance du 31 janvier 2020, annulé cette ordonnance du 14 novembre 2019. Par une décision n° 439491 du 30 novembre 2021, le Conseil d'Etat a renvoyé l'affaire à la Cour au motif que le pourvoi du syndicat des copropriétaires du 65 avenue de la République à Aubervilliers devait être regardé comme une tierce-opposition dirigée contre cette ordonnance du 31 janvier 2020.
Sur la recevabilité de cette tierce-opposition :
2. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'ordonnance de la cour du 31 janvier 2020 n'a pas été notifiée à l'adresse indiqué par le syndicat des copropriétaires du 65 avenue de la République à Aubervilliers. Par suite, le délai de recours contentieux n'a pu commencer à courir.
3. En second lieu, aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision. "
4. Dans le cas particulier où la commune fait appel d'une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif ayant, à la demande d'un tiers-opposant, déclaré nulle et non avenue une précédente ordonnance ayant nommé un expert à la demande du maire, le même principe du caractère contradictoire de la procédure impose au juge des référés statuant en appel d'appeler à l'instance ce tiers-opposant. Dans cette hypothèse, il n'est pas davantage tenu de mettre en cause les autres personnes auxquelles avait, le cas échéant, été notifiée l'ordonnance ayant nommé l'expert, mais il lui appartient là encore, s'il désigne un expert, de leur notifier son ordonnance.
5. Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 65 avenue de la République à Aubervilliers, qui exerce son recours en tierce-opposition contre l'ordonnance du 31 janvier 2020 par laquelle le juge des référés de la Cour a annulé l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil du 14 novembre 2019 qui faisait droit à sa demande, se prévaut d'un droit auquel l'ordonnance de la Cour a préjudicié. En outre, il ressort du dossier d'appel de l'instance qui a débouché sur l'ordonnance de la Cour du 31 janvier 2020 que la requête d'appel de la commune d'Aubervilliers n'a pas, contrairement à ce qu'indiquent les visas de cette ordonnance, été communiquée au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 65 avenue de la République à Aubervilliers. Dès lors, ce syndicat, n'a pas été présent ou régulièrement appelé dans l'instance ayant abouti à cette décision.
6. Il résulte de ce qui précède que la tierce-opposition du syndicat des copropriétaires du 65 avenue de la République à Aubervilliers est recevable.
Sur la régularité de l'ordonnance n° 19VE03995 du 31 janvier 2020 :
7. Il résulte des motifs énoncés aux points 4 à 6 que la tierce-opposition du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 65 avenue de la République à Aubervilliers est recevable. Dès lors, les moyens de régularité dirigés contre l'ordonnance de la cour du 31 janvier 2020 tirés notamment de la méconnaissance du principe du contradictoire, du défaut de motivation, de la méconnaissance par le juge de son office sont inopérants.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le syndicat des copropriétaires du 65 avenue de la République à Aubervilliers :
8. Il résulte de l'instruction que la notification à la commune d'Aubervilliers, le 18 novembre 2019, de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil du 14 novembre 2019, comportait l'indication que cette ordonnance n'était pas susceptible d'appel mais seulement d'un recours en tierce-opposition. Cette indication erronée a fait obstacle à ce que le délai de recours contentieux courre à compter de cette notification. Par suite, la fin de non-recevoir tiré de la tardiveté de la requête d'appel de la commune d'Aubervilliers ne peut donc qu'être écartée.
Sur le bienfondé de l'ordonnance :
En ce qui concerne le motif retenu par le juge des référés du tribunal administratif :
9. Aux termes de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. (...) ".
10. Par une requête enregistrée par le tribunal administratif de Montreuil le 8 juillet 2019, la commune d'Aubervilliers a demandé au juge des référés, en application de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, de désigner un expert afin d'examiner l'état de l'immeuble situé au 65 avenue de la République à Aubervilliers (93300), cadastré AY n° 50 et de déterminer les mesures de sécurité à prendre rapidement. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 5 juillet 2019, notifié le 9 juillet 2019, le maire de la commune d'Aubervilliers a informé le syndicat des copropriétaires de cet immeuble de son intention de saisir le tribunal administratif dans le cadre d'une procédure de péril imminent. Dès lors, le maire a respecté son obligation d'avertissement et n'a donc pas méconnu les dispositions de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation.
11. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par son ordonnance n° 1908159 du 14 novembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif s'est fondé sur la méconnaissance par le maire de la commune d'Aubervilliers de l'article L. 511-3 du code la construction et de l'habitation pour accueillir la demande de tierce-opposition dirigée contre l'ordonnance n° 1907311 du 8 juillet 2019 de ce tribunal. Toutefois, il appartient au juge des référés de la cour administrative d'appel, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par le syndicat des copropriétaires du 65 avenue de la République à Aubervilliers devant le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil.
En ce qui concerne l'autre moyen invoqué par le syndicat des copropriétaires du 65 avenue de la République à Aubervilliers :
12. Aux termes de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate (...) ". L'article R. 556-1 du code de justice administrative prévoit qu'il est statué sur cette demande du maire suivant la procédure de référé prévue à l'article R. 531-1 de ce code, lequel dispose que : " S'il n'est rien demandé de plus que la constatation de faits, le juge des référés peut, sur simple requête qui peut être présentée sans ministère d'avocat et même en l'absence d'une décision administrative préalable, désigner un expert pour constater sans délai les faits qui seraient susceptibles de donner lieu à un litige devant la juridiction. (...) ".
13. Il résulte de l'instruction que le maire de la commune d'Aubervilliers a demandé à ce que l'état de l'immeuble situé au 65 avenue de la République à Aubervilliers (93300), cadastré AY n° 50 soit examiné et que des mesures de sécurités soient déterminées, en application de l'article R. 351-1 du code de justice administrative. Il ressort du rapport du 13 mars 2019 rendu par BTP-CONSULTANTS que l'immeuble litigieux présentait notamment des risques très élevés d'effondrement de la cage d'escalier, des fissures témoignant de l'instabilité du bâtiment, des problèmes d'étanchéité et une désolidarisation des parois verticales. Si le syndicat des copropriétaires de cet immeuble produit des rapports d'expertise tendant à démontrer que des travaux ont été effectués afin de remédier à ces problèmes, ces rapports sont postérieurs à la demande de constat présentée le 9 juillet 2019 par le maire de la commune d'Aubervilliers. Par suite, cette demande de constat présentait un caractère utile.
14. Il résulte de ce tout ce qui précède que la demande de tierce-opposition introduite par le syndicat des copropriétaires du 65 avenue de la République à Aubervilliers ne pouvait être accueillie. Dès lors, la présente requête en tierce-opposition contre l'ordonnance n° 19VE03995 du 31 janvier 2020 par laquelle le juge des référés de la cour a fait droit à l'appel de la commune ne peut qu'être rejetée.
Sur les frais de justice :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d'Aubervilliers, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le syndicat des copropriétaires du 65 avenue de la République à Aubervilliers demande à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de ce syndicat la somme de 1 500 euros en application de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête du syndicat des copropriétaires du 65 avenue de la République à Aubervilliers est rejetée.
Article 2 : Le syndicat des copropriétaires du 65 avenue de la République à Aubervilliers versera la somme de 1 500 euros à la commune d'Aubervilliers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au syndicat des copropriétaires du 65 avenue de la République à Aubervilliers et à la commune d'Aubervilliers.
Délibéré après l'audience du 31 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Colrat, première conseillère,
M. Frémont, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2022.
Le président-rapporteur,
B. A...
L'assesseure la plus ancienne,
S. COLRAT
La greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 21VE03194 2