Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2021 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 3 ans et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Par une ordonnance n° 2110224 du 8 décembre 2021, la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. C... comme tardive.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 décembre 2021, M. C..., représenté par Me Simond, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'annuler cet arrêté en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire et prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation administrative ;
4°) d'enjoindre au préfet de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance est entachée d'irrégularité en tant qu'elle juge sa requête tardive et donc manifestement irrecevable, puisqu'il était placé en garde à vue lors de la notification de l'arrêté, et que celui-ci aurait donc dû comporter la mention prévue aux articles R. 776-19 et R. 776-31 du code de justice administrative ;
- l'ordonnance est entachée d'irrégularité en tant qu'elle juge sa requête tardive et donc manifestement irrecevable, dès lors qu'il ne pouvait exercer immédiatement son recours, étant privé de liberté et ne pouvant accéder aux personnes mentionnées à l'article L. 613-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et de l'asile ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure en tant qu'elle méconnaît son droit d'être entendu ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision de refus de délai de départ volontaire est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée le 2 février 2022 au préfet de police qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Des pièces complémentaires, enregistrées le 5 avril 2022, ont été produites par le préfet de police en réponse à la mesure supplémentaire d'instruction adressée le 7 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Margerit, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., né le 14 mai 1991, de nationalité égyptienne, déclare être entré en France en 2016. Il a été placé en garde à vue le 14 octobre 2021 pour violences volontaires entraînant une incapacité temporaire de travail inférieure à 8 jours à l'encontre de sa compagne, celle-ci ayant été prolongée jusqu'au 16 octobre 2021 à 13 heures 50. Par un arrêté du 16 octobre 2021, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français, pour une durée de trois ans. M. C... fait appel de l'ordonnance du 8 décembre 2021 par laquelle la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté comme tardive.
2. Aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " II. - Conformément aux dispositions de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. Cette notification fait courir ce même délai pour demander la suspension de l'exécution de la décision d'éloignement dans les conditions prévues à l'article L. 752-5 du même code. " Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. "
3. Aux termes de l'article R 776-19 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du décret n° 2018-1142 en vigueur depuis le 1er janvier 2019 applicable en l'espèce: " Si, au moment de la notification d'une décision mentionnée à l'article R. 776-1, l'étranger est retenu par l'autorité administrative, sa requête peut valablement être déposée, dans le délai de recours contentieux, auprès de ladite autorité administrative. Dans le cas prévu à l'alinéa précédent, mention du dépôt est faite sur un registre ouvert à cet effet. Un récépissé indiquant la date et l'heure du dépôt est délivré au requérant. L'autorité qui a reçu la requête la transmet sans délai et par tous moyens au président du tribunal administratif ".
4. Depuis l'entrée en vigueur des articles R. 776-19, R. 776-29 et R. 776-31 du code de justice administrative issus du décret n° 2016-1458 du 28 octobre 2016 pris pour l'application du titre II de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, il incombe à l'administration de faire figurer, dans la notification, notamment, d'une obligation de quitter le territoire français sans délai à un étranger retenu ou détenu, la possibilité de déposer sa requête dans le délai de recours contentieux auprès de l'administration chargée de la rétention ou du chef de l'établissement pénitentiaire. En cas de rétention ou de détention, lorsque l'étranger entend contester une décision prise sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) pour laquelle celui-ci a prévu un délai de recours bref, notamment lorsqu'il entend contester une décision portant obligation de quitter le territoire (OQTF) sans délai, la circonstance que sa requête ait été adressée, dans le délai de recours, à l'administration chargée de la rétention ou au chef d'établissement pénitentiaire, fait obstacle à ce qu'elle soit regardée comme tardive, alors même qu'elle ne parviendrait au greffe du tribunal administratif qu'après l'expiration de ce délai de recours.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français et d'un placement en rétention, ont été notifiées à M. C... par voie administrative le 16 octobre 2021 à 13 heures 55, soit 5 minutes après la fin de sa garde à vue, sans qu'il soit mentionné qu'il avait la possibilité de déposer sa requête à l'encontre de cette décision auprès de l'administration chargée de la rétention. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été immédiatement transféré après la fin de sa garde à vue et cette notification, sur demande du Procureur de la République, en application de l'article 803-2 du code de procédure pénale, auprès d'un juge, qui l'a placé le même jour en détention provisoire, sans qu'il lui soit précisé qu'il avait la possibilité de déposer sa requête contre l'obligation de quitter le territoire sans délai avant l'expiration du délai de recours auprès du chef de l'établissement pénitentiaire au sein duquel il a été incarcéré. En l'absence de ces mentions destinées à garantir l'effectivité du droit au recours, le délai de recours contentieux de 48 heures n'a pas été déclenché.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les conclusions à fin d'injonction et les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation comme tardive.
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Versailles pour qu'il statue à nouveau sur la demande de M. C....
Sur les frais de justice :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au profit de M. C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Versailles n° 2110224 du 8 décembre 2021 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Versailles pour qu'il soit statué sur la demande de M. C....
Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur, au préfet de police et à la présidente du tribunal administratif de Versailles.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Colrat, première conseillère,
M. Frémont, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2024.
L'assesseure la plus ancienne,
S. B...Le président,
B. EVEN
La greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 21VE03294