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22/09/2022 | FRANCE | N°22VE00480

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 22 septembre 2022, 22VE00480


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2021 par lequel le préfet des Yvelines a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2110103 du 3 février 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 2 mars 2022, sous le n° 22VE00

480, M. B..., représenté par Me Tcholakian, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2021 par lequel le préfet des Yvelines a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2110103 du 3 février 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 2 mars 2022, sous le n° 22VE00480, M. B..., représenté par Me Tcholakian, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué révèle un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle, car sa demande était fondée sur les dispositions des articles L. 421-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que le préfet a fondé sa décision sur l'article L. 233-1 du code précité ;

- il est entaché d'un vice de procédure car la commission prévue par l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aurait dû être saisie ;

- il est entaché d'une erreur de fait en raison de la confusion entre sa première épouse décédée en 2014 et son mariage avec sa seconde épouse au Maroc ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

II. Par une requête enregistrée le 24 mars 2022, sous le n° 22VE00713, M. B..., représenté par Me Tcholakian, avocat, demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement et la suspension de l'arrêté du préfet des Yvelines du 28 octobre 2021 sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- l'exécution de cet arrêté aurait des conséquences sur sa situation professionnelle car ceci entrainerait la perte de son contrat de travail en raison des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail et il se retrouverait sans ressources ;

- la condition d'urgence est remplie dès lors qu'il se retrouve en situation irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il existe des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation des décisions attaquées.

Ces deux requêtes ont été communiquées le 5 avril 2022 au préfet des Yvelines qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain, né le 1er janvier 1969 à Ahlaf, qui a déclaré être entré en France en 2002 et s'y être maintenu depuis, a sollicité le 15 septembre 2021 le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 28 octobre 2021, le préfet des Yvelines a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... fait appel du jugement du 3 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté, en sollicitant par ailleurs son sursis à exécution et la suspension de cet arrêté préfectoral.

2. Les requêtes n° 22VE00480 et n° 22VE00713 tendent au sursis à exécution puis à l'annulation d'un même jugement ainsi qu'à la suspension de la décision administrative contestée et présentent à juger des questions analogues. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur la requête n° 22VE00480 :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, M. B... qui s'était marié le 23 octobre 2010 avec une ressortissante espagnole, décédée le 15 février 2014, a séjourné régulièrement en France du 3 octobre 2016 au 2 octobre 2021 en étant titulaire d'un titre de séjour portant la mention " membre de la famille d'un citoyen de l'Union ", délivré en application des dispositions de l'article L. 232-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable. Il ressort des pièces du dossier qu'il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour le 15 septembre 2021, en invoquant deux fondements juridiques distincts à travers ses " liens personnels et familiaux en France " et sa qualité de " salarié " depuis le 1er novembre 2011 en produisant un contrat de travail à temps complet à durée indéterminée souscrit avec la SARL " Etablissements B... " dont le siège est à Mézières-sur-Seine, et des bulletins de salaire établis par cette entreprise. En refusant de prolonger son titre de séjour au visa erroné du texte applicable aux conjoints de ressortissants de l'Union européenne, sans mentionner son statut de salarié et sans répondre à sa demande sur ce terrain, le préfet des Yvelines a par son arrêté du 28 octobre 2021 entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé.

4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. M. B... fait valoir qu'il réside en France depuis 2011, qu'il est titulaire d'un contrat de bail depuis le 31 juillet 2020, qu'il s'est remarié, le 4 mars 2015, avec une ressortissante marocaine et que de cette union est né un enfant le 26 février 2016, dont il assume en partie son entretien, en produisant en appel des preuves de versements par mandats cash adressé à son épouse pour un montant moyen de 170 euros pour 19 versements de janvier à février 2022. Toutefois, il n'est pas contesté que son épouse et son enfant résident toujours au Maroc et qu'il n'est donc pas dépourvu de toute attache en cas de retour dans son pays d'origine. Le moyen tiré de la violation des stipulations précitées ne peut donc qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle du requérant.

6. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 3 février 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. Aux termes des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".

8. Compte tenu du motif de l'annulation de l'arrêté attaqué, il n'en résulte pas l'obligation, pour le préfet des Yvelines, de délivrer à M. B... un titre de séjour. Les conclusions présentées à titre principal tendant à ce qu'il soit enjoint à l'autorité administrative de procéder à cette délivrance doivent par conséquent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, conformément à l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de faire droit à ses conclusions présentées à titre subsidiaire et d'enjoindre au préfet des Yvelines de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente de ce réexamen, de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur la requête n° 22VE00713 :

9. Dès lors que par le présent arrêt la Cour a statué sur la requête au fond de M. B..., il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions énoncées dans le cadre de la requête enregistrée sous le numéro 22VE00713 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement et à la suspension de l'arrêté contestés.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 22VE00713.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 2110103 du 3 février 2022 et l'arrêté du préfet des Yvelines du 28 octobre 2021 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de M. B... sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Yvelines de réexaminer la demande de renouvellement du titre de séjour sollicitée par M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente de ce réexamen, de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : Une somme de 1 500 euros est mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., au ministre de l'intérieur et de l'outre-mer et au préfet des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

M. Frémont, premier conseiller,

Mme Houllier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022.

Le président-rapporteur,

M. A...

L'assesseur le plus ancien,

M. C...

La greffière,

C. RICHARD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et de l'outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

3

N° 22VE00480... 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00480
Date de la décision : 22/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Bernard EVEN
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : TCHOLAKIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-09-22;22ve00480 ?
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