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15/11/2022 | FRANCE | N°21VE00651

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 15 novembre 2022, 21VE00651


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Expertise et Développement a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er juillet 2013 au 30 juin 2016.

Par un jugement n° 1807058 du 5 janvier 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.<

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Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 5 mars 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Expertise et Développement a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er juillet 2013 au 30 juin 2016.

Par un jugement n° 1807058 du 5 janvier 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 5 mars 2021, et les 21 avril et 3 juin 2022, la société Expertise et Développement, représentée par Me Laballette, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'article L. 47 du livre des procédures fiscales a été méconnu, dès lors que le chemin d'accès qui lui a été indiqué pour consulter la charte du contribuable vérifié était hors service, que la vérificatrice ne lui a indiqué un nouveau chemin d'accès qu'à sa demande et sans lui indiquer la date de sa mise en service, et que ces dispositions prévoient la possibilité de consulter la charte par le site internet et par écrit, ces modalités étant cumulatives ; les anciennes dispositions de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, prévoyant une remise de la charte sous forme papier, sont applicables dès lors qu'elles sont reproduites dans la charte du contribuable vérifié ; la doctrine BOI-CF-PGR-20-10 n° 320 a été méconnue ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en ce qui concerne les rappels de TVA déductible ;

- la procédure d'imposition est irrégulière car un délai de 30 jours aurait dû être respecté entre la seconde réponse aux observations du contribuable du 27 novembre 2017 et la mise en recouvrement, intervenue le 30 novembre 2017 ;

- elle a été privée du droit au recours hiérarchique, malgré sa demande en ce sens par courriel du 21 juin 2017 ;

- en ce qui concerne la TVA collectée, les calculs opérés par l'administration pour déterminer son chiffre d'affaire sont erronés ; l'administration ne peut valablement s'appuyer sur la balance provisoire de l'exercice clos en 2013, qui n'a pas le caractère d'un document comptable ;

- en ce qui concerne la TVA déductible au titre de l'exercice clos en 2013, l'administration a fondé à tort les rehaussements sur la balance provisoire de l'exercice clos en 2013 ; l'administration fiscale ne pouvait remettre en cause l'à-nouveau du 1er juillet 2013, qui découlait d'un exercice prescrit ; la position comptable d'un compte de TVA déductible n'est pas la somme déduite dans les déclarations de TVA ;

- en ce qui concerne l'opération diverse de TVA déductible du 30 juin 2014 de 26 004 euros, elle a déposé une déclaration CA3 rectificative ;

- en ce qui concerne l'opération diverse de TVA déductible du 30 juin 2014 de 5 677 euros, l'administration ne peut refuser la déduction de ce montant au titre du présent contrôle, alors que cette déduction avait été refusée au titre d'un contrôle précédent du fait qu'il s'agissait d'une TVA déduite par anticipation ;

- la déductibilité des charges EDF est justifiée par des factures transmises à l'administration ;

- elle n'a pas omis de comptabiliser le produit de prestations qu'elle a réalisées pour la société Tarkett, car la totalité des flux financiers a bien été prise en compte et figure sur le compte " produits constatés d'avance " ;

- c'est à tort que l'administration a considéré qu'elle avait comptabilisé deux fois le même avoir, car les avoirs relatifs aux comptes clients du cabinet de Bastia, fermé le 4 juin 2010, ont été comptabilisés sur deux exercices ;

- la majoration pour manquement délibéré de 40 % n'est pas justifiée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 septembre 2021, et les 20 mai et 16 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la société Expertise et Développement n'est pas recevable à contester, d'une part, les rappels de TVA collectée des exercices clos en 2014 et 2015, ou ceux de l'exercice clos en 2016 à hauteur de 2 500 euros, ni, d'autre part, les rectifications de bénéfices imposables aux charges autres que celles d'EDF, dès lors que ces rappels et rehaussements n'ont pas été contestés dans sa réclamation préalable ;

- les conclusions de la société Expertise et Développement sont irrecevables en ce qui concerne la déductibilité des factures EDF, dès lors qu'un dégrèvement a été prononcé sur ce point au cours de la première instance ;

- les moyens soulevés par la société Expertise et Développement ne sont pas fondés.

Par ordonnance du président de la chambre du 7 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 24 juin 2022 à 12h00, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,

- et les observations de Me Laballette pour la société Expertise et Développement.

Considérant ce qui suit :

1. La société Expertise et Développement, qui exerce une activité d'expertise comptable, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2014, 2015 et 2016. A l'issue de cette vérification, l'administration a mis à sa charge des rappels de TVA au titre de la période du 1er juillet 2013 au 30 juin 2016 et des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre de la période vérifiée, selon la procédure contradictoire. Par un jugement n° 1807058 du 5 janvier 2021, dont la société Expertise et Développement relève appel, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces rappels de TVA et de ces suppléments d'impôt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification.(...) L'avis informe le contribuable que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié peut être consultée sur le site internet de l'administration fiscale ou lui être remise sur simple demande. ".

3. Il résulte de l'instruction que l'avis de vérification de comptabilité adressé le 20 décembre 2016 à la société Expertise et Développement indiquait que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, millésime mai 2016 + erratum, est consultable sur le site www.impots.gouv.fr ou peut être adressée sur simple demande du contribuable. Par lettre du 31 janvier 2017, remise en main propre au gérant, la requérante a été informée de la modification du chemin d'accès internet mentionné sur l'avis du 20 décembre 2016 pour consulter la charte et de l'adresse du nouveau chemin d'accès.

4. D'une part, contrairement à ce que soutient la société requérante, les termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales n'imposaient aucunement à l'administration de lui remettre une version papier de la charte en l'absence de demande de sa part. Les dispositions de l'alinéa 4 de l'article L. 10 de ce même livre, dans leur rédaction antérieure à l'adoption de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015, ne sont pas opposables à l'administration dès lors que, s'ils figurent dans le contenu de la charte, ils font l'objet d'un erratum qui en adopte la nouvelle rédaction. Par ailleurs, la société requérante ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction BOI-CF-PGR-20-10 n° 320, dès lors que celle-ci est relative à la procédure d'imposition.

5. D'autre part, la société requérante soutient qu'elle aurait été privée de la possibilité de consulter la charte entre la date de l'avis de réception, le 22 décembre 2016, et le 31 janvier 2017 en raison du caractère erroné du chemin d'accès internet indiqué dans l'avis de vérification de comptabilité. Toutefois, alors que l'article L. 47 du livre des procédures fiscales prévoit la possibilité pour le contribuable de demander une version imprimée de la charte du contribuable vérifié, elle ne justifie pas avoir présenté une telle demande. La simple circonstance que le nouveau chemin d'accès aurait été communiqué à sa demande, à la supposer établie, sans indication de la date de mise en service n'est pas de nature à entraîner une méconnaissance des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations. ". L'article R. 57-1 de ce même livre dispose : " La proposition de rectification prévue par l'article L 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. ". En l'espèce, la proposition de rectification du 19 juin 2017 cite les articles 271-I, 271-II-2 du code général des impôts, ainsi que l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts, qui fondent les rehaussements notifiés en ce qui concerne la TVA déductible et indique la nature, les motifs et le montant des rehaussements envisagés. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette proposition de rectification en ce qui concerne la TVA déductible doit dès lors être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 59-1 du livre des procédures fiscales : " le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l'administration à ses observations pour présenter la demande prévue au premier alinéa de l'article L. 59. (...). ". Aux termes de l'article L. 48 de ce même livre : " (...) Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de rectification contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai. (...) ". Il résulte de l'instruction que l'administration a répondu, le 14 septembre 2017, aux observations présentées par la société Expertise et Développement par courrier du 16 août 2017. Après de nouvelles observations formulées par la requérante le 20 octobre 2017, le service lui a transmis une nouvelle réponse, en date du 27 novembre 2017, dans laquelle il l'a notamment informée qu'il acceptait la déduction de TVA au titre de la période du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014, à hauteur de 738 euros. La société requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure est irrégulière du seul fait que la mise en recouvrement serait intervenue le 30 novembre 2017 alors que, conformément à l'article L. 48 du livre des procédures fiscales précité, la mise en recouvrement peut intervenir sans délai une fois que l'administration a une première fois porté par écrit à la connaissance du contribuable la décision modifiant les rehaussements pour tenir compte des observations recueillies au cours de la procédure.

8. En quatrième lieu, si la société Expertise et Développement soutient que les contestations de ses écritures en termes de TVA n'ont fait l'objet d'aucune observation préalable avant la proposition de rectification du 19 juin 2017, il ressort des termes mêmes de cette proposition de rectification que la société requérante a été interrogée sur les différentes anomalies de TVA constatées. Le moyen doit par suite être écarté comme manquant en fait.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " (...) Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration. ". La charte remise au contribuable en l'espèce prévoit que : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal. ". Il s'en déduit que les demandes tendant au bénéfice des recours administratifs prévus par la charte ne peuvent être formulées par le contribuable qu'après qu'il a eu connaissance de la réponse faite par l'administration fiscale à ses observations.

10. Si la société Expertise et Développement soutient qu'elle a demandé le bénéfice d'un recours hiérarchique par courriel du 21 juin 2017, ce qui lui aurait été refusé, il ressort des termes de ce courriel que la société requérante a seulement sollicité un rendez-vous avec la vérificatrice, et non avec son supérieur hiérarchique, avant même qu'il soit répondu à ses observations. Le simple fait qu'elle ne connaissait pas le nom et les coordonnées du supérieur hiérarchique ne l'empêchait pas de présenter sans ambiguïté une telle demande auprès de la vérificatrice qui, en tout état de cause, par courriel du 23 juin 2017, lui a transmis le nom de son supérieur hiérarchique, en la renseignant sur la possibilité de former un recours en temps adéquat, ce que la société requérante n'a pas fait. Par suite, le moyen tiré de ce que la requérante aurait été privé de son droit à un recours hiérarchique doit être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

11. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) ". Il est constant que l'EURL Expertise et Développement a présenté, dans le délai légal, des observations en réponse à la proposition de rectification du 19 juin 2017. La charge de la preuve de la réalité et du montant des impositions en litige incombe par suite à l'administration.

S'agissant de la TVA collectée :

12. Aux termes de l'article 269 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; (...) / 2. La taxe est exigible : (...) / c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. (...) ".

13. A partir des relevés bancaires obtenus par l'exercice de son droit de communication auprès des deux établissements bancaires de la société Expertise et Développement, l'administration a constaté que celle-ci avait perçu, au cours des périodes du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014, du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015 et du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016, des encaissements bancaires, à hauteur des montants respectifs de 825 300,58 euros, 696 984,82 euros et 762 226,60 euros. L'administration a considéré que ces sommes, desquelles elle a retranché les débours, certains virements et les rejets de prélèvements, constituaient des recettes encaissées par cette société, générant ainsi un rappel de TVA de 35 770 euros, 7 339 euros et de 5 101 euros au titre de chacune des périodes vérifiées. Si la société requérante conteste les montants des encaissements bancaires retenus par l'administration fiscale, elle ne critique pas pour autant la valeur probante des relevés de comptes bancaires auxquels l'administration a eu accès. Elle n'infirme pas non plus utilement le contenu de ces relevés en produisant des extraits de sa comptabilité, sans expliquer pour autant les contradictions existant entre sa comptabilité et ses relevés bancaires. Son argument selon lequel le service aurait fondé les rehaussements de TVA collectée à partir d'une balance intermédiaire de ses comptes manque en fait. Enfin, si la société requérante affirme que les lacunes en matière de TVA collectée auraient été corrigées par une déclaration CA3 rectificative, elle n'établit pas la réalité de cette allégation, alors que l'administration fiscale indique ne pas avoir retrouvé la trace d'une telle déclaration.

S'agissant de la TVA déductible :

14. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : " Lorsque la vérification de comptabilité ou l'examen de comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou d'une taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes, est achevé, l'administration ne peut procéder à une vérification de comptabilité ou à un examen de comptabilité de ces mêmes écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. ". Aux termes de l'article L. 176 de ce livre : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. ". Aux termes de l'article L. 177 de ce livre : " En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible dans les conditions fixées par l'article 271 du code général des impôts, les redevables doivent justifier du montant de la taxe déductible et du crédit de taxe dont ils demandent à bénéficier, par la présentation de documents même établis antérieurement à l'ouverture de la période soumise au droit de reprise de l'administration. ". En application de ces dispositions, il appartient au contribuable de justifier que ses écritures de passif, alors même qu'elles trouveraient leur origine dans un exercice prescrit, peuvent régulièrement figurer au bilan du premier exercice non prescrit.

15. Le service a procédé à un rappel de TVA déductible au titre de l'exercice clos en 2014, au motif que le report à nouveau de taxe déductible inscrit au bilan d'ouverture de cet exercice n'était pas justifié. Au vu des dispositions précitées, et notamment de celles de l'article L. 177 du livre des procédures fiscales, le service était fondé à demander à la requérante de justifier le montant de l'à-nouveau du premier exercice non prescrit, ce qu'elle n'a pas fait. Par suite, la société Expertise et Développement n'est pas fondée à soutenir que ce rappel de TVA est irrégulier en ce qu'il est fondé sur un contrôle des exercices prescrits.

16. D'autre part, contrairement à ce que soutient la société requérante, ce rappel est fondé, non sur une balance intermédiaire présentée lors d'un précédent contrôle, mais sur l'examen des balances générales produites lors de la vérification de comptabilité de 2017. La balance générale au titre de l'exercice clos le 30 juin 2012 fait état, pour le compte de TVA déductible, d'un solde créditeur de 3 245,59 euros au 30 juin 2012 alors que le montant du report à nouveau litigieux est fondé notamment sur un report à nouveau débiteur de 19 035,29 euros inscrit au 1er juillet 2012. La société Expertise et Développement, qui n'a pas justifié de cette écriture de passif, n'est pas fondée à contester ce rappel.

17. En deuxième lieu, il a été relevé une discordance entre les inscriptions du compte de TVA déductible, enregistrant, par une écriture du 30 juin 2014, un montant de 26 004 euros de TVA à déduire sur la déclaration de chiffre d'affaires relative au mois de juin 2014, et la déclaration de TVA du mois de juin 2014 faisant apparaître un montant déduit de 42 100 euros. Si la société requérante soutient que cette erreur a été corrigée par une déclaration CA3 rectificative, elle n'établit pas la réalité de cette allégation, alors que l'administration fiscale indique ne pas avoir retrouvé la trace d'une telle déclaration. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, le service ne pouvait, en l'absence de production des factures afférentes, reconstituer ce montant de TVA déductible à partir des seuls décaissements aux fournisseurs figurant sur les relevés bancaires.

18. En troisième lieu, la société Expertise et Développement reprend en appel, sans apporter de précisions supplémentaires et pertinentes par rapport à celles qu'elle avait fait valoir devant le tribunal administratif, le moyen tiré de ce que l'administration aurait dû admettre la déduction de la TVA à hauteur de 5 677 euros. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le juge de première instance au point 15 du jugement attaqué.

S'agissant des rectifications en matière d'impôt sur les sociétés :

19. En premier lieu, à la suite de l'exercice de son droit de communication auprès de la société Tarkett, cliente de l'EURL Expertise et Développement, l'administration a constaté que la société requérante n'avait pas comptabilisé le produit correspondant à certaines factures qu'elle a émises auprès de sa cliente au cours des trois exercices vérifiés. L'allégation de la requérante selon laquelle la valeur de ces produits omis est comptabilisée dans le compte " produits constatés d'avance " est contredite par l'examen des grands journaux de la période soumise à contrôle, qui ne mentionnent aucun produit constaté d'avance enregistré en comptabilité. Ainsi, l'administration était fondée à considérer que les produits relatifs à ces prestations ont été omis et à les réintégrer au bénéfice imposable de la société requérante.

20. En deuxième lieu, les conclusions de la société Expertise et Développement tendant à l'abandon des rehaussements fondés sur le rejet de la déductibilité des charges EDF sont irrecevables, dès lors que, par décision du 21 avril 2020 prise au cours de la première instance, le directeur départemental des finances publiques a prononcé les dégrèvements correspondant à l'abandon de ces rehaussements.

21. En troisième lieu, si la société requérante soutient que, durant le contrôle fiscal, il a été justifié de l'omission de comptabiliser une charge totale de 17 550 euros dont 3 510 euros de TVA déductible, aucun document n'est produit permettant d'étayer la réalité de cette allégation, alors que cette omission proviendrait d'une erreur commise par elle, qui aurait comptabilisé à tort cette facture au débit du compte client au lieu de la compter en charge. Il y a dès lors lieu d'écarter ce moyen.

22. En dernier lieu, la société Expertise et Développement a enregistré en comptabilité, au titre de l'exercice clos en 2014 et en date du 1er juillet 2013, un avoir d'un montant de 17 391,15 euros HT, correspondant, selon les explications de la requérante données à la vérificatrice, à un avoir comptabilisé afin de solder les comptes clients concernés suite à la fermeture de l'établissement situé à Bastia. Il est constant que cet avoir avait déjà fait l'objet d'une inscription comptable au cours de l'exercice clos en 2013 afin de solder les comptes des clients de l'établissement de Bastia. Pour expliquer cette récurrence, la société requérante se contente d'affirmer que le montant de cet avoir a été enregistré en comptabilité par deux opérations sur deux années successives, que le solde de ce compte n'a pas été modifié et qu'il ne s'agit pas d'un avoir comptabilisé deux fois. Etant donné que les comptes clients de l'établissement de Bastia étaient soldés au 1er juillet 2012 et que le cabinet avait cessé son activité le 4 juin 2010, l'administration fiscale a considéré à bon droit que cet avoir avait été comptabilisé deux fois et était fondée à pratiquer un rehaussement à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2014.

En ce qui concerne les pénalités :

23. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". En vertu de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, en cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable, la preuve de la mauvaise foi incombe à l'administration.

24. Pour justifier l'application de la majoration prévue par les dispositions citées ci-dessus de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fait valoir que la société requérante exerce la profession d'expert-comptable depuis de nombreuses années, qu'elle a volontairement omis de déclarer la TVA sur des sommes qu'elle a encaissées sur ses comptes bancaires, qu'elle a porté en TVA déductible des sommes non justifiées, qu'elle a majoré ses charges sans apporter de justificatif probant et qu'elle s'est abstenue de déclarer des recettes relatives à des prestations qu'elle a facturées. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, que les manquements en cause résultent d'une démarche délibérée du contribuable visant à éluder l'impôt.

25. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la société Expertise et Développement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Expertise et Développement est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Expertise et Développement et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2022.

La rapporteure,

C. A... Le président,

P. BEAUJARD

La greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 21VE00651


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00651
Date de la décision : 15/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : SCP GLP ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-11-15;21ve00651 ?
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