Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 16 mars 2018 par laquelle le maire de la commune de Dugny a exercé le droit de préemption sur le bien cadastré section H n° 158 et 159, situé 27-29 rue de la Prévoyance à Dugny, d'enjoindre à la commune de Dugny de lui proposer ce bien ou, à défaut, de mettre en œuvre les dispositions de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1804208 du 17 juin 2019, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 16 mars 2018, a enjoint à la commune de Dugny de s'abstenir de revendre à un tiers l'immeuble objet de cette décision et, dans le délai d'un mois, de proposer, d'abord au propriétaire initial puis, à défaut d'acceptation de ce dernier, à M. B..., acquéreur évincé, l'acquisition de l'immeuble préempté à un prix visant à rétablir autant que possible et sans enrichissement injustifié de l'une des parties les conditions de la cession à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle et a mis à la charge de la commune de Dugny la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 août 2019 et 5 mars 2021, la commune de Dugny, représentée par la SELARL Goutal, Alibert et Associés, avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les conclusions présentées en première instance par M. B... ;
3°) de mettre à la charge de ce dernier la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il accueille un moyen relevé d'office par le tribunal sans que les parties en aient été au préalable informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision attaquée avait été prise par une autorité incompétente au motif que la délibération du conseil municipal du 14 octobre 2015 avait été rendue caduque par l'entrée en vigueur de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 ;
- c'est encore à tort que les premiers juges ont estimé que les dispositions de l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme s'appliquaient à la délibération n° 18 du 20 mars 2017 du conseil de territoire de l'établissement public de territoire Paris Terres d'Envol ;
- les autres moyens invoqués par le requérant en première instance sont infondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 décembre 2019, M. A... B..., représenté par Me Moos puis Me Trennec, avocats, demande à la cour, à titre principal, de rejeter la requête de la commune de Dugny, à titre subsidiaire, d'annuler la décision de préemption du 16 mars 2018 et d'enjoindre à la commune de Dugny de lui proposer le bien dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et, en toute hypothèse, de mettre à sa charge la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le moyen accueilli par les premiers juges n'a pas été relevé d'office ;
- la cour ne saurait tenir compte, pour apprécier la compétence de l'auteur de la décision de préemption attaquée, de la délibération du conseil municipal de Dugny du 7 juin 2017 dont l'authenticité n'est pas démontrée ;
- la délibération n° 18 du 20 mars 2017 du conseil de territoire de l'établissement public de territoire Paris Terres d'Envol a été prise en méconnaissance de l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme, faute de préciser le périmètre ou l'opération projetée et faute de double publication ; l'illégalité de cette délibération entache d'illégalité la décision de préemption attaquée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique,
- et les observations de Me Mascré, pour la commune de Dugny.
Une note en délibéré, présentée pour la commune de Dugny, a été enregistrée le 25 octobre 2022.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Dugny relève appel du jugement du 17 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a annulé, sur la demande de M. B..., la décision du 16 mars 2018 par laquelle le maire de cette commune a exercé le droit de préemption urbain sur un bien cadastré section H n° 158 et 159, situé 27-29 rue de la Prévoyance à Dugny.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité :
2. Aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, (...) par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) / 15° D'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues à l'article L. 211-2 ou au premier alinéa de l'article L. 213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal ". Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 2122-23 du même code : " Le conseil municipal peut toujours mettre fin à la délégation ". L'article L. 211-2 du code de l'urbanisme prévoit, dans sa rédaction alors applicable, que : " Lorsque la commune fait partie d'un établissement public de coopération intercommunale y ayant vocation, elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer tout ou partie des compétences qui lui sont attribuées par le présent chapitre / Toutefois, la compétence d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, d'un établissement public territorial créé en application de l'article L. 5219-2 du code général des collectivités territoriales (...) en matière de plan local d'urbanisme, emporte leur compétence de plein droit en matière de droit de préemption urbain. ". Le premier alinéa de l'article L. 213-3 du même code dispose que : " Le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l'État, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement. Cette délégation peut porter sur une ou plusieurs parties des zones concernées ou être accordée à l'occasion de l'aliénation d'un bien. Les biens ainsi acquis entrent dans le patrimoine du délégataire ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, par délibération du 14 octobre 2015, le conseil municipal de Dugny a délégué au maire le pouvoir, pendant toute la durée de son mandat, " [d'exercer], au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire ". L'établissement public territorial " Paris Terres d'Envol ", créé au 1er janvier 2016 en application de l'article L. 5219-2 du code général des collectivités territoriales, et auquel appartient la commune de Dugny, est devenu compétent de plein droit en matière de droit de préemption urbain en vertu de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme, à compter du 29 janvier 2017, date d'entrée en vigueur de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017. Par une délibération n° 18 du 20 mars 2017 prise en application de l'article L. 213-3 du code de l'urbanisme, le conseil de territoire de l'établissement public territorial " Paris Terres d'Envol " a délégué l'exercice du droit de préemption urbain à la commune de Dugny afin de lui permettre de réaliser des actions ou des opérations d'intérêt communal dans un secteur précisé en annexe. La circonstance que la délibération du conseil municipal de Dugny du 14 octobre 2015 déléguant au maire le pouvoir d'exercer au nom de la commune les droits de préemption soit antérieure à la délibération du conseil de territoire de l'établissement public territorial " Paris Terres d'Envol " est sans incidence sur la compétence que le maire de Dugny tenait de la délibération du 14 octobre 2015 pour toute la durée de son mandat, sauf à ce qu'il soit mis fin à cette délégation, pour exercer au nom de la commune les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme pourvu que celle-ci en soit titulaire ou délégataire à la date de la préemption. Par suite, la commune de Dugny est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que son maire était incompétent pour signer la décision de préemption litigieuse du 16 mars 2018.
4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... en première instance.
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 7 décembre 1987, le conseil municipal de Dugny a institué le droit de préemption urbain sur l'ensemble des zones urbaines couvertes précédemment par la zone d'intervention foncière et décidé de l'étendre aux zones d'aménagements futurs et que, par une délibération du 17 décembre 2007, le conseil municipal a décidé d'étendre le périmètre d'exercice de ce droit aux espaces naturels rendus ouverts à l'urbanisation. L'exercice de ce droit ayant été transféré de plein droit au conseil de territoire de l'établissement public territorial " Paris Terres d'Envol " à compter du 29 janvier 2017 du fait de l'entrée en vigueur de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017, cet établissement n'était ni tenu de prendre une délibération instituant le droit de préemption sur son territoire ni même d'en adopter une entérinant ce transfert.
6. En deuxième lieu, le transfert de plein droit de la compétence en matière de droit de préemption urbain prévu par la loi n° 2017-86 ne fait pas obstacle à ce qu'un établissement public territorial décide, en application des dispositions de l'article L. 213-3 du code de l'urbanisme, de déléguer l'exercice de ce droit à une commune.
7. En troisième lieu, la délibération n° 18 du 20 mars 2017 du conseil de territoire de l'établissement public territorial " Paris Terres d'Envol " comporte en annexe une carte sur laquelle apparaissent l'ensemble des périmètres sur lesquels les communes peuvent exercer par délégation le droit de préemption. Par suite, le moyen tiré de ce que cette délibération ne préciserait pas le ressort territorial de la délégation qu'elle accorde manque en fait.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme : " La délibération par laquelle le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent décide, en application de l'article L. 211-1, d'instituer ou de supprimer le droit de préemption urbain ou d'en modifier le champ d'application est affichée en mairie pendant un mois. Mention en est insérée dans deux journaux diffusés dans le département. ".
9. La délibération n° 18 du 20 mars 2017 du conseil de territoire de l'établissement public territorial " Paris Terres d'Envol " prise en application de l'article L. 213-3 du code de l'urbanisme, précise que l'exercice du droit de préemption urbain et du droit de préemption urbain renforcé est délégué à chaque commune du territoire selon la cartographie jointe. La carte annexée à cette délibération fait apparaître en bleu, pour la commune de Dugny, la partie du territoire de la commune pour laquelle le droit de préemption urbain est conservé par l'établissement public territorial. Cette carte, qui ne fait pas apparaître en revanche le périmètre d'ensemble sur lequel le droit de préemption urbain s'exerce sur la commune de Dugny, ne saurait être regardée comme procédant à une modification du périmètre d'exercice de ce droit qui avait été fixé par la délibération du conseil municipal de Dugny du 17 décembre 2007. Dans ces conditions, la délibération du 20 mars 2017 ne saurait être regardée comme une délibération instituant ou supprimant le droit de préemption urbain ou en modifiant le champ d'application. Le moyen tiré, par la voie de l'exception, de ce que cette délibération ne serait pas conforme aux dispositions précitées de l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme est par conséquent inopérant.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) ". Aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels ".
11. Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.
12. D'une part, la décision attaquée du 16 mars 2018 indique que l'acquisition de la parcelle a pour objet la constitution d'une réserve foncière visant, à terme, à réaliser un aménagement de l'espace public participant au désenclavement du quartier. Il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre de la révision du plan local d'urbanisme de la commune de Dugny, initiée le 2 décembre 2014, le projet d'aménagement et de développement durable soumis au conseil de territoire de l'établissement public territorial " Paris Terres d'Envol " le 20 mars 2017 mentionnait, parmi ses orientations d'urbanisme et d'aménagement, l'objectif de mettre en œuvre un projet de restructuration et de revalorisation du quartier de la Comète, notamment par l'intermédiaire du désenclavement du quartier et d'un traitement qualitatif des espaces publics. Alors que la commune de Dugny indique, sans être contredite en défense, que ce quartier, situé à l'extrémité sud de son territoire, souffre d'enclavement par rapport au reste de la commune et que sa trame viaire ainsi que les possibilités de stationnement y sont sous-dimensionnées, cette dernière peut être regardée comme justifiant de la réalité d'un projet d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme.
13. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que les parcelles objet de la décision attaquée sont contiguës à une parcelle préemptée, destinée à être transformée en une voie de circulation reliant deux impasses. Ainsi, le projet de désenclavement de quartier de la Comète est de nature à justifier légalement l'exercice du droit de préemption sur les parcelles cadastrées H n° 158 et 159. M. B... n'est dès lors pas fondé à soutenir que la mise en œuvre de ce droit ne répond pas à un intérêt général suffisant.
14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation de la décision de préemption du 16 mars 2018 présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Montreuil doivent être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de ses conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés à l'instance :
15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme que la commune de Dugny demande au titre des frais d'instance. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Dugny, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1804208 du tribunal administratif de Montreuil du 17 juin 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la commune de Dugny ainsi que les conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Dugny et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Mauny, président assesseur,
Mme Troalen, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.
La rapporteure,
E. C...Le président,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
No 19VE02998002