Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Le Déclic a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013.
Par un jugement n° 1807886 du 20 mai 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a réduit la base d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la société Le Déclic d'une somme de 282 712 euros au titre de l'exercice clos en 2013, l'a déchargée, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013 correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 1er, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 20 juillet 2021 et le 26 mai 2022, la société Le Déclic, représentée par Me Dewolf, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge des impositions restant à sa charge ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ayant pour objet de se prononcer sur la régularité de la comptabilité au titre de l'exercice clos en 2012 et de procéder à une reconstitution de son chiffre d'affaires au titre des exercices clos en 2011 et 2012 ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne répond pas à son argumentation selon laquelle une numérotation continue des tickets de caisse n'est imposée par aucun texte ;
- la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors que la date de notification de l'avis de vérification de comptabilité n'est pas établie ;
- sa comptabilité a été rejetée à tort au titre de l'exercice clos en 2012 ;
- la reconstitution de recettes à laquelle a procédé l'administration fiscale est sommaire ou radicalement viciée ;
- elle propose une méthode de reconstitution de recettes corrigeant les erreurs de l'administration ;
- l'administration a commis des erreurs en ne prenant en compte qu'une partie des bandes Z de l'année 2011, en n'appliquant pas un taux d'offerts suffisant, tenant compte des boissons données gratuitement aux musiciens, en intégrant dans les recettes de ventes d'alcool des boissons exclusivement utilisées pour la cuisine, en appliquant un taux de perte insuffisant sur la bière, en ne prenant pas en compte l'avoir du 25 mars 2011 de la société Ricard et en ne procédant pas à la réfaction de consommations au titre des offerts aux musiciens sur le mois de décembre 2011 ;
- si ses moyens devaient être écartés, une expertise s'avèrerait nécessaire pour déterminer si le rejet de la comptabilité est justifié et pour reconstituer éventuellement ses recettes ;
- les majorations pour manquement délibéré ne sont pas justifiées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les conclusions en décharge de la société requérante sont irrecevables au-delà de la somme de 254 327 euros, dès lors que des dégrèvements sont déjà intervenus ;
- les moyens soulevés par la société Le Déclic ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 31 mai 2022 prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée au 30 juin 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,
- et les observations de Me Dewolf pour la société Le Déclic.
Une note en délibéré présentée pour la société Le Déclic a été enregistrée le 11 janvier 2023.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée Le Déclic, qui exerce une activité de bar-restauration-club sous l'enseigne " L'étage " à Paris, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notifié, par des propositions de rectification en date des 22 décembre 2014 et 26 janvier 2016, selon la procédure contradictoire, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013. Après le rejet de sa réclamation préalable, la société Le Déclic a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions litigieuses, d'un montant global de 430 173 euros. Par un jugement n° 1807886 du 20 mai 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a réduit la base d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la société Le Déclic d'une somme de 282 712 euros au titre de l'exercice clos en 2013, l'a déchargée, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013, correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 1er, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La société Le Déclic relève appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur la recevabilité des conclusions d'appel :
2. Il résulte de l'instruction que, compte tenu des dégrèvements effectués en exécution du jugement attaqué qui a déchargé la société Le Déclic de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2013 et de l'absence d'appel incident du ministre, les sommes contestées en appel ne s'élèvent plus qu'à 254 327 euros, dont 90 356 euros concernent la taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2011, 2012 et 2013 et 163 971 euros se rapportent à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011 et 2012. Par suite, les conclusions de la société requérante, qui sollicite la décharge de l'intégralité des sommes mises en recouvrement le 15 juin 2017 pour un montant total de 430 173 euros, sont irrecevables en ce qu'elles excèdent la somme de 254 327 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. La société Le Déclic soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne répond pas à son argumentation selon laquelle une numérotation continue des tickets de caisse n'est imposée par aucun texte. Toutefois, les premiers juges, qui ont suffisamment répondu au moyen tiré de ce que la comptabilité avait été rejetée à tort par l'administration fiscale, n'avaient pas à répondre à l'ensemble des arguments présentés par la requérante. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit en conséquence être écarté.
4. D'autre part, si la société requérante soutient également que le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges auraient rompu l'égalité entre les parties et méconnu l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en critiquant l'information fournie par elle, tout en admettant que l'administration refuse de lui communiquer les ratios de ses monographies professionnelles, les faits invoqués ne sont pas de nature à remettre en cause la régularité du jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
5. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. (...) L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil ". Il incombe à l'administration d'établir que l'avis de vérification prévu par ces dispositions est parvenu en temps utile au contribuable. Par ailleurs, pour apprécier si le délai s'écoulant entre la réception de l'avis et le début de la vérification fiscale est suffisant pour permettre au contribuable de se faire assister par le conseil de son choix, il y a lieu de ne tenir compte, dans la computation de ce délai, ni du jour de la réception de l'avis, ni de celui marquant le début des opérations de contrôle fiscal. Il y a lieu également d'exclure les samedis, dimanches et jours fériés. Enfin, un délai de deux jours est suffisant pour permettre au contribuable de se faire assister par un conseil de son choix.
6. L'administration fiscale produit l'avis de réception postal du pli recommandé contenant l'avis de vérification de comptabilité, en date du 23 décembre 2013, adressé à la société Le Déclic. Il résulte des mentions de cet accusé de réception, qui sont cohérentes avec la date de l'avis de vérification de comptabilité, que le pli a été présenté le 27 décembre 2013 et distribué le jeudi 2 janvier 2014. Si la société Le Déclic conteste la lisibilité de cet accusé et soutient avoir " souvenir d'une réception le jour même ou la veille de la venue de la vérificatrice ", soit le 7 ou le 8 janvier, il résulte de l'instruction que les mentions portées sur l'accusé de réception ne peuvent s'apparenter à un " 7 " ou un " 8 ". Dès lors qu'il est constant que la vérification de comptabilité de la société requérante a débuté le mercredi 8 janvier 2014, la société Le Déclic a disposé d'un délai de trois jours francs, soit un délai suffisant, pour se faire assister par un conseil. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales doit en conséquence être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
S'agissant du rejet de la comptabilité :
7. Aux termes de l'article L. 123-12 du code du commerce : " Toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l'enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise. Ces mouvements sont enregistrés chronologiquement. / Elle doit contrôler par inventaire, au moins une fois tous les douze mois, l'existence et la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine de l'entreprise. (...) ". L'article R. 123-173 de ce même code dispose : " Tout commerçant tient obligatoirement un livre-journal, un grand livre et un livre d'inventaire. (...) ". Aux termes de l'article R. 123-174 de ce même code : " Les mouvements affectant le patrimoine de l'entreprise sont enregistrés opération par opération et jour par jour pour le livre-journal. / Tout enregistrement comptable précise l'origine, le contenu et l'imputation de chaque donnée ainsi que les références de la pièce justificative qui l'appuie / Les opérations de même nature, réalisées en un même lieu et au cours d'une même journée, peuvent être récapitulées sur une pièce justificative unique. / Les pièces justificatives sont classées dans un ordre défini au document mentionné à l'article R. 123-172. ".
8. D'autre part, aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toutes réquisitions de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration (...) ". L'article 290 quater de ce même code dispose : " I. Sur les lieux où sont organisés des spectacles comportant un prix d'entrée, les exploitants doivent délivrer un billet à chaque spectateur ou enregistrer et conserver dans un système informatisé les données relatives à l'entrée, avant l'accès au lieu du spectacle. / Les modalités d'application du premier alinéa, notamment les obligations incombant aux exploitants d'un lieu de spectacles, ainsi qu'aux fabricants, importateurs ou marchands de billets d'entrée, sont fixées par arrêté (...) ". Aux termes de l'article 50 sexies H de l'annexe IV au code général des impôts : " Les exploitants de spectacles sont tenus d'établir, dès la fin de chaque journée ou représentation, un relevé comportant, pour chaque catégorie de places : le nombre de billets émis, le prix de la place et la recette correspondante. / Dans le cas des billets qui ne sont pas émis par le biais de systèmes informatisés, le relevé doit comporter, en outre, pour chaque catégorie de places, les numéros des premiers et derniers billets délivrés. / Tous registres ou documents présentant les indications prévues ci-dessus tiennent lieu de relevé. (...) ".
9. La société Le Déclic, qui accepte expressément le rejet de sa comptabilité au titre de l'exercice clos en 2011, ne conteste plus ce rejet qu'au titre de l'exercice clos en 2012.
10. Au titre de cette période, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a relevé plusieurs irrégularités formelles dans la comptabilité de la société requérante, notamment l'absence de journal des ventes et d'inventaire détaillé des stocks, alors que des stocks de matières premières pour un montant de 9 815 euros figurent en comptabilité au titre de l'exercice clos en 2012. Les recettes n'étaient pas enregistrées quotidiennement au compte " caisse ", mais faisaient l'objet d'une écriture unique et globale en fin de mois. S'agissant de l'activité " restaurant / bar " au titre de l'année 2012, il est constant que la numérotation des tickets émis par la caisse enregistreuse était remise à zéro quotidiennement. Bien que la société Le Déclic fasse valoir que les tickets comprenaient une date et un numéro sur la journée, l'absence de numérotation continue d'une journée sur l'autre a empêché l'administration fiscale de s'assurer de l'exhaustivité des recettes enregistrées. Par ailleurs, les bandes de caisse mentionnent des encaissements de tickets restaurant dont les règlements n'ont pas été retrouvés sur les comptes bancaires de la société et qui ne font l'objet d'aucune mention spécifique en comptabilité. En ce qui concerne l'activité de concert et de spectacle, la société Le Déclic n'a pas tenu le relevé de billetterie quotidien prescrit par l'article 50 sexies H de l'annexe IV au code général des impôts, dès lors qu'elle s'est contentée de produire une feuille unique indiquant le nombre de billets vendus tous les deux jours, sans mention des numéros de billets afférents.
11. En outre, les bandes de caisse Z présentées par la société Le Déclic présentent un montant total qui ne correspond pas au chiffre d'affaires déclaré par la société, tant en ce qui concerne les chiffres d'affaires du bar et du restaurant qu'en ce qui concerne la billetterie spectacle. Aucune pièce justificative n'a été présentée pour justifier de cette différence. Le vérificateur a relevé plusieurs incohérences de prix concernant les bandes Z présentées par la société Le Déclic, notamment en ce qui concerne la facturation excessive de certains verres de vin. Or, l'administration est en droit de rectifier les déclarations souscrites par le contribuable en se fondant sur tous les éléments d'où peut être tirée une présomption suffisante que le chiffre d'affaires déclaré est inférieur à celui qui a été effectivement réalisé.
12. Au vu de ces éléments, l'administration était fondée à rejeter la comptabilité de la société Le Déclic.
S'agissant de la méthode de reconstitution :
13. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. (...) ".
14. D'une part, il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration fiscale a écarté la comptabilité de la société Le Déclic au titre de l'année 2012, la société requérante ne contestant pas le rejet de sa comptabilité au titre des autres années. D'autre part, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la société requérante, les impositions litigieuses ont été établies conformément à l'avis rendu le 12 décembre 2016 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Par suite, il appartient à la société requérante de démontrer le caractère exagéré des bases d'impositions retenues, en application des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales.
Quant au caractère radicalement vicié ou excessivement sommaire de la reconstitution du chiffre d'affaires :
15. Il résulte de l'instruction que, pour reconstituer la comptabilité de la société Le Déclic au titre des années 2011 et 2012, le service vérificateur s'est fondé sur les données disponibles sur place et sur les indications formulées par le gérant de la société. S'agissant de l'activité " restauration/bar ", il a utilisé la méthode dite des liquides. A partir du dépouillement exhaustif des factures d'achats d'alcools, de bières, de vins et de champagnes, il a déterminé un montant d'achats revendus, compte tenu de l'absence d'inventaire, à stock constant. Les boissons conditionnées en grandes bouteilles, considérées comme ayant été consommées par le personnel, ont été neutralisées. Les ventes de vins et champagnes ont été retenues à la bouteille. Les ventes de bières ont été évaluées au litre. Les recettes de liquides ont ensuite été évaluées en appliquant aux quantités achetées le prix moyen tiré des bandes Z présentées par la société pour la période du 6 septembre 2011 au 31 décembre 2011 après déduction du montant correspondant aux consommations incluses dans le prix des billets vendus au titre de l'activité " billetterie " et après application, à la suite de l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, d'un abattement de 20 % pour la bière et de 12 % pour les autres boissons afin de tenir compte des pertes, des offerts et de la consommation du personnel. Les recettes totales de l'activité restaurant-bar ont été calculées en appliquant le pourcentage du chiffre d'affaires des boissons alcoolisées dans le chiffre d'affaires total de l'établissement. S'agissant de l'activité " billetterie ", l'administration fiscale a examiné les carnets à souches que la société requérante avait achetés à compter de novembre 2011 et a calculé le nombre de billets vendus chaque mois durant l'année 2012.
16. En premier lieu, la société requérante soutient que son taux de profitabilité est passé, après reconstitution de son chiffres d'affaires par l'administration fiscale, à 36 % en 2011 et à 29 % en 2012, ce qui n'est pas réaliste pour une activité de restauration dont le ratio se situerait idéalement aux environs de 10 %. Toutefois, cet argument est inopérant, dès lors que l'administration n'a pas utilisé une méthode par comparaison mais a fondé sa reconstitution sur les éléments propres de l'activité de la société requérante. En tout état de cause, il ressort des articles de portée générale produits par cette dernière que si le secteur de la restauration présentait un taux de profitabilité moyen de 12 % en 2012, le taux de profitabilité des débits de boisson est en moyenne de 35 %. Par ailleurs, si la société Le Déclic produit également un panel du taux de profitabilité de neuf entreprises dont elle dit qu'elles exerceraient une activité similaire à la sienne, ces résultats, dont certains ne concernent pas les années en litige, résultent d'informations recueillies sur internet non vérifiées, et la société requérante n'établit pas que ces établissements exerceraient des activités comparables aux siennes, ni que ces résultats constitueraient des termes de comparaison pertinents et représentatifs du secteur.
17. En deuxième lieu, le vérificateur a calculé les prix moyens des boissons en se fondant uniquement sur les bandes Z afférentes à la période du 6 septembre au 31 décembre 2011 alors qu'il disposait de l'ensemble des bandes Z sur la totalité de l'année 2011. Ce choix est justifié par le fait que seules les bandes Z du 6 septembre au 31 décembre 2011 étaient accompagnées des rouleaux de caisse sur lesquels figuraient les doubles de l'ensemble des tickets remis aux clients. Par ailleurs, si certaines de ces bandes Z présentaient des anomalies de prix dues, selon la société Le Déclic, à un dysfonctionnement du logiciel de caisse, le vérificateur n'en était pas moins fondé à baser la reconstitution de recettes sur ces documents en excluant ces prix anormaux dès lors que, lors du contrôle, il lui a été présenté des cartes de l'établissement ne portant aucune mention de date et incomplets. Le tableau de prix établi par l'administration fiscale est cohérent et les différences de prix par rapport au tableau produit par la société Le Déclic elle-même ne sont pas disproportionnées, certains des prix retenus par l'administration étant au demeurant inférieurs aux prix présentés comme réels par la requérante.
18. En troisième lieu, la société Le Déclic soutient que certaines des boissons alcoolisées retenues par l'administration fiscale, telles que l'armagnac, le limoncello, le porto et le vin en cubiténaire, ont été exclusivement utilisées en cuisine et non commercialisées. Toutefois elle n'établit pas la réalité de cette allégation, dès lors qu'elle se borne à produire des menus non datés, et à soutenir que ces produits ne sont jamais mentionnés sur les bandes Z de l'année 2011, tout en produisant des bandes Z illisibles. Si elle soutient également que l'établissement ne vend aucun vin au pichet, le vin acheté en cubiténaires, un Merlot, pouvait être vendu au verre. Pour ce qui est des autres alcools, le total cumulé de leurs recettes est en tout état de cause de 273 euros au titre de l'année 2011 et de 1 988,40 euros au titre de l'année 2012, si bien que leur prise en compte n'a pas pu vicier la méthode de reconstitution adoptée.
19. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient la société Le Déclic, l'administration fiscale a suivi l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le 12 décembre 2016 en retenant finalement, au titre de chacune des années litigieuses, un pourcentage de pertes et d'offerts de 12 % sur les boissons, porté à 20 % pour la bière au lieu des taux de 5 % et 10 % initialement admis par le service. Si la société Le Déclic soutient que les offerts aux musiciens se produisant en concert n'ont pas été pris en compte, cette lacune lui est imputable, dès lors qu'elle a refusé de fournir un planning des concerts qui se seraient tenus dans son établissement. En tout état de cause, il n'est pas établi que le taux finalement retenu, qui est largement supérieur à celui initialement admis, ne prendrait pas en compte ces offerts, alors que la consommation du personnel a également été prise en compte par la neutralisation des grandes bouteilles.
20. Il résulte de ce qui précède que la société Le Déclic n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce que la méthode de reconstitution, par l'administration fiscale, de son chiffre d'affaires au titre des années 2011 et 2012 serait radicalement viciée ou excessivement sommaire.
Quant aux corrections du montant de ses chiffres d'affaires reconstitués sollicitées par la SARL " Le Déclic " :
21. En premier lieu, la société Le Déclic reprend les mêmes moyens tirés de ce que l'intégralité des bandes Z de l'année 2011 n'a pas été pris en compte pour établir les prix moyens des boissons, de ce que certaines boissons retenues par l'administration fiscale étaient exclusivement utilisées en cuisine, et de ce que les offerts aux musiciens et au personnel ont été insuffisamment pris en compte par le taux d'offert. Il résulte de ce qui a été dit aux point 17 à 19 du présent arrêt que ces moyens doivent être écartés.
22. En deuxième lieu, la société Le Déclic soutient que le prix de vente du Vana Rhum a été surestimé, dès lors qu'il ne se vend pas au verre mais est utilisé pour confectionner un punch planteur. Toutefois, elle n'établit pas que le prix réel de vente serait de 4,19 euros et non de 8,55 euros en se bornant à produire un tableau supposé faire état du nombre de " punchs boobaloo (planteur) " vendus chaque mois de l'année 2012, sans produire aucun document probant permettant d'établir le prix de vente de ce punch.
23. En troisième lieu, si la société Le Déclic soutient que le taux de 5 % retenu pour la consommation du personnel et la casse est insuffisant, il résulte de l'instruction que la consommation du personnel avait été initialement prise en compte par la neutralisation des grandes bouteilles et que le taux global de perte et d'offert a en outre été relevé après avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. La société requérante n'établit pas que, malgré ce relèvement, ce taux resterait minoré en se bornant à produire une étude publiée par le Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux, qui ne concerne que le bouchonnage des vins de Bordeaux. De même, si elle affirme qu'en ce qui concerne la bière, 10 % du volume est systématiquement servi en plus sur un demi, 8 % serait perdu en coulage, débordement et mousse, que 8 % et que 12,5 % serait perdus lors du changement des futs sans compter les pertes dues au rinçage des tuyaux, au nettoyage de la tireuse et à l'évaporation, elle n'établit pas la réalité de cette allégation en produisant simplement un plan de l'établissement et un constat d'huissier indiquant qu'il y aurait un chemin de 13,40 mètres environ de canalisation entre les fûts à bière et la pompe.
24. En quatrième lieu, la société Le Déclic soutient que l'administration fiscale n'a pas pris en compte, pour déterminer les quantités de boissons alcoolisées qu'elle a acquises en 2011, un avoir de la société " Ricard " en date du 25 mars 2011. Toutefois, par la seule production de cet avoir, qui comporte en observations la mention " Régul marché 100785 ", la société requérante n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce que cet avoir correspondrait à un retour de marchandises et non à une réfaction du prix, alors que le montant de l'avoir ne correspond pas à un multiple rond du prix unitaire des bouteilles.
25. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction, ni de ce qui a été dit aux points précédents qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise, ainsi que le demande la société requérante, afin d'apprécier la régularité de sa comptabilité au titre de l'année 2012 et de procéder à une reconstitution de son chiffre d'affaires au titre des années 2011 et 2012.
En ce qui concerne les pénalités :
26. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Il incombe à l'administration d'apporter la preuve du bien-fondé de l'application de ces sanctions.
27. Il résulte de l'instruction que la comptabilité de la société Le Déclic comportait de graves irrégularités, notamment l'absence de livre journal et d'inventaire détaillé. La reconstitution du chiffre d'affaires de la société Le Déclic a révélé des minorations importantes de recettes, à hauteur de 207 759 euros en 2011 et de 114 196 euros en 2012, soit respectivement plus de 30 % et de 15 % du chiffre d'affaires que la société avait déclaré au titre des exercices clos en 2011 et en 2012. Par ailleurs, il est constant que la société requérante avait fait l'objet d'une précédente vérification de comptabilité à la suite de laquelle sa comptabilité avait déjà été écartée. Ces faits mettent en évidence l'importance et le caractère répétitif des omissions constatées et traduisent, en l'espèce, sa volonté délibérée d'éluder une partie de l'impôt dû. Ainsi, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée de la société requérante de minorer ses bases d'imposition.
28. Il résulte de tout ce qui précède que la société Le Déclic n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Le Déclic est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Déclic et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2023.
La rapporteure,
C. A... Le président,
P. BEAUJARD
La greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 21VE02130