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03/02/2023 | FRANCE | N°22VE01556

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 03 février 2023, 22VE01556


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 17 mai 2021 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de trente-six mois.

Par un jugement n° 2104434 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

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r une requête enregistrée le 27 juin 2022, M. E..., représenté par Me Boiardi, avocate, demande à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 17 mai 2021 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de trente-six mois.

Par un jugement n° 2104434 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 juin 2022, M. E..., représenté par Me Boiardi, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- au regard des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, la décision l'obligeant à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire est insuffisamment motivée, l'énoncé des éléments de motivation de fait qui la fondent étant incomplet ; elle ne vise en outre aucunement les dispositions du 2 de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lesquelles s'opposent à l'édiction d'une mesure d'éloignement à l'encontre des étrangers qui justifient résider en France depuis au plus l'âge de treize ans, ce qui est son cas ; d'autre part, le préfet retient également, au soutien de sa décision, que sa présence constituerait, du point de vue de l'ordre public, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société et précise à cet effet qu'il a fait l'objet de deux condamnations par le tribunal correctionnel d'Evry en date des 11 janvier 2021 et 22 mars 2021, pour des faits de vol par effraction dans un local d'habitation ; il a ajoute que son comportement troublerait de façon récurrente l'ordre public en ce qu'il a fait l'objet de nombreux signalements ; il importe de relever qu'aucun de ces signalements n'a donné lieu à des poursuites judiciaires et à d'éventuelles condamnations par le juge pénal, de telle sorte qu'ils ne peuvent lui être opposés en application du principe de la présomption d'innocence ; au final, il ressort de l'ensemble des éléments qui précèdent que la décision portant obligation de quitter le territoire français du 17 mai 2021 est insuffisamment motivée ;

- il justifie de la violation du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation du préfet ; il s'est installé en France avec ses parents alors qu'il était âgé de deux mois, soit il y a près de cinquante ans à la date de l'arrêté contesté ; il y réside depuis de manière continue et n'a jamais habité au Portugal, pays dont il a certes la nationalité, mais qu'il ne connait aucunement et où il ne dispose d'aucune attache personnelle et familiale ; il y a seulement effectué quelques séjours touristiques avec ses parents durant sa minorité et apparait indéniablement recevable à bénéficier de la protection prévue par le 2° de l'article L. 611-3 du code précité et ne peut partant se voir opposer une obligation de quitter le territoire français ;

- il justifie aussi de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation ; l'autorité préfectorale est tenue de s'assurer, lorsqu'elle envisage de rejeter la demande de titre de séjour présentée par un étranger et/ou d'édicter une mesure d'éloignement, que sa décision n'est pas susceptible de porter une atteinte disproportionnée au droit de l'étranger au respect de sa vie privée ;

- la protection du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est absolue, l'autorité préfectorale ne pouvant en aucun cas déroger à cette protection, quand bien même le comportement de l'étranger serait constitutif d'un trouble à l'ordre public ; il s'est installé en France avec ses parents alors qu'il était âgé de deux mois, soit il y a près de cinquante ans à la date de l'arrêté contesté ;

- il dispose de l'ensemble de ses attaches personnelles et familiales en France, à savoir notamment sa mère et sa fratrie et son père est décédé ; il ne justifie, en revanche, d'aucune attache personnelle et familiale au Portugal ; partant, l'arrêté du 17 mai 2021 porte manifestement une atteinte au droit au respect de la vie privée tel que prévu par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est irrégulière dans la mesure où elle est fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire français elle-même illégale, tel qu'il a été démontré ci-dessus ;

- la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français est irrégulière dans la mesure où elle est fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire français elle-même illégale, tel qu'il a été démontré ci-dessus ;

- l'interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trois ans méconnait les dispositions de l'article L. 211-2 et de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le préfet a édicté à son encontre sur le fondement de l'article L. 251-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trois ans, irrégulière, en premier lieu, dès lors que pour fonder sa décision, il estime que sa présence constituerait, du point de vue de l'ordre public, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; il précise qu'il a fait l'objet de deux condamnations par le tribunal correctionnel d'Evry en date des 11 janvier 2021 et 22 mars 2021 pour des faits de vol par effraction dans un local d'habitation, mais il n'a commis que deux infractions, pour lesquelles sa responsabilité a été reconnue par le juge pénal, durant près de cinquante ans de vie en France ; il ajoute que son comportement troublerait de façon récurrente l'ordre public en ce qu'il a fait l'objet de nombreux signalements, mais aucun de ces signalements n'a donné lieu à des poursuites judiciaires par le procureur de la République, de telle sorte qu'ils ne peuvent lui être opposés à en application du principe de la présomption d'innocence et aucun de ces signalements n'a donné lieu à une condamnation définitive par le juge pénal ; il en résulte que son comportement ne constitue aucunement une menace à l'ordre public et la sécurité publique, au sens des articles L. 251-1 et L. 251-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- s'agissant ensuite de la durée de l'interdiction de circulation sur le territoire français : le préfet doit déterminer la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français en examinant plusieurs critères cumulatifs : la durée de la présence en France, la nature et l'ancienneté des liens avec la France, l'existence éventuelle d'une précédente mesure d'éloignement et enfin la menace pour l'ordre public ; en l'espèce, le préfet n'a aucunement tenu compte du fait qu'il réside depuis près de cinquante ans en France et qu'il y dispose de l'ensemble de ses attaches familiales et personnelles ; la durée d'interdiction de circulation sur le territoire français, fixée au maximum de trois ans par le préfet de l'Essonne, apparait dès lors pleinement infondée et surtout disproportionnée ; il s'en infère que la mesure d'interdiction de circulation sur le territoire d'une durée de trois ans apparait irrégulière en ce que les critères relatifs aux liens personnels en France et à la menace à l'ordre public n'ont aucunement été pris en compte pour apprécier le bien-fondé d'une telle mesure, tant dans son principe que dans sa durée.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 décembre 2022, le préfet de l'Essonne a conclu au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... E..., ressortissant portugais né le 3 mars 1973 à Povoa De Lanhoso (Portugal), est entré en France en mai 1973 selon ses déclarations. Il a été condamné le 22 mars 2021 par le tribunal correctionnel d'Evry pour vol avec effraction dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt et récidive. Par jugement du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 17 mai 2021 par lequel le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays dans lequel il est légalement admissible et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de trente-six mois.

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions attaquées :

2. En premier lieu, Mme A... D..., adjointe au chef de bureau de l'éloignement de la préfecture de l'Essonne, a reçu, par un arrêté n° 2020-PREF-DCPPAT-BCA-310 du 31 décembre 2020, régulièrement publié le même jour au recueil n° 210 spécial des actes administratifs de cette préfecture, délégation pour signer les décisions contenues dans l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté doit être écarté comme manquant en fait.

3. En deuxième lieu, l'arrêté mentionne les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, notamment celles du 2° de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, examine notamment les particularités de sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les risques de persécution au Portugal ou dans tout pays où il serait légalement admissible, au regard de l'article 3 de la même convention, et est, ainsi, suffisamment motivé. Le requérant ne peut en outre utilement contester les motifs de cet arrêté pour en critiquer la régularité formelle.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 251-1 du même code : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : / (...) / 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; / (...) / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine. ".

5. Il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence d'un citoyen de l'Union européenne sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de la situation individuelle de l'intéressé, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.

6. Il ressort des termes de la décision contestée que le préfet de l'Essonne, pour faire obligation à M. E... de quitter le territoire français, a visé notamment les dispositions du 2° de l'article L. 251-1 de ce code alors en vigueur. Il a relevé en particulier que l'intéressé ne justifiait pas travailler régulièrement, devant ainsi être regardé comme estimant que M. E... ne justifiait pas disposer de ressources suffisantes pour ne pas devenir une charge pour le système d'assurance sociale, et qu'il représentait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Il ressort des pièces du dossier que M. E... a fait l'objet de signalements le 12 février 2000, pour dégradations volontaires de biens privés, le 16 juillet 2003 pour refus d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, délit de fuite après accident et mise en danger de la vie d'autrui, le 29 juillet 2003 pour violences volontaires, outrages et rébellion, le 19 août 2003 pour tentative de vol aggravé, le 18 août 2006 pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique, le 30 juillet 2008 pour refus d'obtempérer et conduite sans permis, le 31 décembre 2009 pour refus d'obtempérer et outrages à dépositaires de l'autorité, le 25 janvier 2012 pour vol avec effraction, le 12 mai 2012 pour recel et refus d'obtempérer, le 25 mai 2014 pour défaut d'assurance, le 3 novembre 2015 pour violence sur ascendant suivie d'une ITT n'excédant pas 8 jours, le 25 novembre 2016 pour violence avec usage d'une arme sans ITT, le 3 juin 2017 pour vol avec effraction, le 9 juin 2017 pour défaut d'assurance, le 6 juillet 2017 pour tentative de meurtre, le 28 novembre 2017 pour usage illicite de stupéfiants, le 27 novembre 2018 pour usage illicite de stupéfiants, le 29 décembre 2018 pour recel d'un bien provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas 5 ans d'emprisonnement, avec usage de sept alias différents, établi par les recherches effectués dans le fichier automatisé des empreintes digitales suite à signalements. Il a en outre été condamné le 11 janvier 2021, par le tribunal correctionnel d'Evry à 8 mois d'emprisonnement pour vol par effraction dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt, récidive, puis, par le même tribunal, le 22 mars 2021, à 6 mois d'emprisonnement pour vol par effraction dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt, récidive. Eu égard au caractère grave et répété de ces faits, et alors même que certains d'entre eux sont il est vrai anciens, le requérant observant en outre qu'ils n'ont pas donné lieu à poursuites ou condamnations pénales et qu'il doit bénéficier du principe de présomption d'innocence, le comportement personnel de M. E... doit être regardé, compte tenu des principes rappelés précédemment, comme constituant une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à la sécurité publique des biens et des personnes, laquelle constitue un intérêt fondamental de la société. Le requérant, célibataire et sans charge de famille, ne justifie pas suffisamment de la durée alléguée de sa présence en France, au demeurant ponctuée par ses peines de d'emprisnnement successives. Il ne conteste pas sérieusement qu'il n'est pas dépourvu d'attaches au Portugal, en se bornant à avancer qu'il ne s'y est rendu que pour de brefs séjour touristiques, alors qu'il n'a pas justifié, y compris en appel, de sa présence habituelle en France entre 1990 et 2000. Il ne justifie pas suffisamment non plus de la réalité, ni en tout état de cause de l'intensité ni de la stabilité de sa relation avec sa mère et sa fratrie, qui ne ressort pas des pièces du dossier. Il a déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise par le préfet de l'Essonne le 31 décembre 2018, notifiée le même jour, à laquelle il n'a pas déféré bien qu'elle ait été confirmée par le tribunal admsitratif de Versailles C'est donc à bon droit que le préfet de l'Essonne s'est fondé sur l'ensemble de ces faits et de ces agissements permettant de caractériser le comportement personnel de M. E..., pour estimer que sa présence sur le territoire français constituait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société de nature à justifier l'édiction à son encontre, en application des dispositions du 2° de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une mesure d'éloignement.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 2° l'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu protéger de l'éloignement les étrangers qui sont en France depuis l'enfance, à raison de leur âge d'entrée et d'établissement sur le territoire. Dans ce cadre, les éventuelles périodes d'incarcération en France, si elles ne peuvent être prises en compte dans le calcul d'une durée de résidence, ne sont pas de nature à remettre en cause la continuité de la résidence habituelle en France depuis au plus l'âge de treize ans, alors même qu'elles emportent, pour une partie de la période de présence sur le territoire, une obligation de résidence, pour l'intéressé, ne résultant pas d'un choix délibéré de sa part.

9. M. E... invoque les dispositions précitées et soutient résider en France depuis 1973, où il est arrivé avec ses parents alors qu'il était âgé de deux mois. En cause d'appel, il justifie de sa présence sur le territoire français par des certificats de scolarité correspondant à ses années d'études primaires à compter du mois de septembre 1979, et de la circonstance qu'il a été ensuite été accueilli, de septembre 1983 à juillet 1986, au sein d'un établissement d'assistance éducative de la fondation Olga Spitzer à Tigery, et établit enfin avoir été pris en charge une dernière fois par l'aide sociale à l'enfance du département de l'Essonne du 3 mai au 20 juin 1990, en étant hébergé à Castelnaudary. Toutefois, il ne démontre pas par ces documents produits en appel avoir séjourné habituellement en France après l'âge de dix-huit ans, après l'expiration de cette prise en charge, en se bornant à avancer qu'il ne s'est rendu au Portugal que pour de brefs séjours touristiques, la dernière fois en 1997, et en ne produisant aucun document concernant sa résidence habituelle effective après 1990 et jusqu'en 2000. A cet égard, aucun document concernant notamment le suivi de formations ou l'exercice d'une activité professionnelle, ainsi que ses conditions de logement ou un suivi médical dont il aurait bénéficié à cette époque n'est versé au dossier. L'autorité préfectorale a en outre précisé qu'il a fait l'objet de signalements défavorables en France à partir de l'année 2000, ce qu'il ne conteste pas en soutenant que ces signalements n'ont pas donné lieu à des poursuites ou condamnations pénales. Par suite, M. E... n'établit pas avoir eu sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans et le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. M. E..., qui soutient être entré en France en 1973, et avoir été titulaire de titres de séjour, n'en a pas justifié devant l'administration, puis devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel. Il ressort en outre des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire, sans enfant à charge. Il ne justifie pas non plus d'une intégration familiale, privée et professionnelle intense et stable en France en se bornant à avancer que sa mère y réside, ainsi que sa fratrie. Il n'apporte à cet égard aucun élément sur la composition de sa fratrie et sur les liens qu'il entretiendrait avec des membres de sa famille, alors qu'il a bénéficié de mesures d'assistance éducative et d'une prise en charge par l'aide sociale à l'enfance du département de l'Essonne et a fait l'objet d'un signalement pour des faits de violence sur ascendant. Il ne justifie pas non plus de la stabilité et de l'intensité de son insertion privée et professionnelle, en ne donnant aucun élément d'information sur sa formation, les périodes d'emploi et la poursuite son activité professionnelle alléguée en qualité de peintre en bâtiment. Il a au contraire fait l'objet, depuis l'année 2000, de nombreux signalements pour des faits relatifs à des troubles à l'ordre public, et se trouvait encore, à la date de la décision attaquée, en détention à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis à la suite des condamnations à des peines d'emprionnement prononcées par le tribunal correctionnel d'Evry le 11 janvier 2021 puis le 22 mars 2021 pour vol par effraction dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt et récidive. Dans ces conditions, le préfet de l'Essonne n'a pas porté au droit de M. E... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris l'arrêté attaqué et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :

12. Les moyens tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Essonne l'obligeant à quitter le territoire français étant écartés, M. E... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ce refus au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui refusant un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne la légalité de l'interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de trois ans :

13. Selon l'article L. 251-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français édictée sur le fondement des 2° ou 3° de l'article L. 251-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans. ". Aux termes du sixième alinéa de l'article L. 251-1 du même code applicable aux interdictions de circulation en vertu de l'article L. 251-6 : " L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine ".

14. En premier lieu, tous les moyens soulevés à l'appui des conclusions dirigées contre la mesure d'éloignement et le refus de délai de départ volontaire étant écartés, l'exception d'illégalité de ces décisions, soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français, ne peut qu'être également écartée.

15. En deuxième lieu, il ressort des termes de la décision contestée que pour prononcer à l'encontre de M. E... une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trois ans, le préfet a pris en compte sa situation familiale, son âge, la menace que son comportement représentait pour l'ordre public, ainsi que l'intensité de ses liens avec sa famille en France. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 11 du présent arrêt qu'il ne justifie pas de liens familiaux particulièrement intenses et stables sur le territoire français, ni d'une intégration privée et professionnelle présentant de tels caractères, et que son comportement représente, du point de vue de l'ordre public, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. Dans ces conditions, le préfet n'a pas entaché la décision querellée d'une erreur d'appréciation en prononçant à l'encontre de M. E... l'interdiction de circulation d'une durée de trois ans.

16. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

17 . Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Ses conclusions à fins d'annulation et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera transmise au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président assesseur,

Mme Villette, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2023.

Le président assesseur,

O. MAUNYLe président rapporteur,

P.-L. C...La greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 22VE01556 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01556
Date de la décision : 03/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Paul-Louis ALBERTINI
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : BOIARDI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-02-03;22ve01556 ?
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