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22/02/2023 | FRANCE | N°20VE00332

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 22 février 2023, 20VE00332


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... et Mme C... E... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2016 du maire de la commune de Villennes-sur-Seine portant non-opposition à la déclaration préalable déposée le 25 octobre 2016 par la SARL Foncière du Val Gazon en vue de la rénovation de deux maisons individuelles et de la démolition d'une véranda, sur un terrain situé 216 avenue du Général de Gaulle à Villennes-sur-Seine et de mettre à la charge de cette commune la somme de 3 000 euros

au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... et Mme C... E... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2016 du maire de la commune de Villennes-sur-Seine portant non-opposition à la déclaration préalable déposée le 25 octobre 2016 par la SARL Foncière du Val Gazon en vue de la rénovation de deux maisons individuelles et de la démolition d'une véranda, sur un terrain situé 216 avenue du Général de Gaulle à Villennes-sur-Seine et de mettre à la charge de cette commune la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1700566 du 8 novembre 20219, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2020, M. et Mme E..., représentés par Me Gravé, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 9 décembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de la commune la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué a été rendu par une formation de jugement irrégulièrement composée, le rapporteur public ne présentant pas de garanties d'impartialité suffisantes du fait de ses liens personnels avec le requérant ;

- en leur qualité de voisins immédiats du terrain concerné par la demande préalable, ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;

- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l'article R. 431-36 du code de l'urbanisme, faute de comporter de plan de masse ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme et la règle tenant à ce qu'une construction ayant fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises ne peut être l'objet de nouveaux travaux sans que le propriétaire présente une demande d'autorisation portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé ;

- il méconnaît les dispositions de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme, les travaux envisagés étant conditionnés à l'obtention d'un permis de construire ;

- il méconnaît les dispositions de l'article UC 4 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- il méconnaît les dispositions des articles UC 5 et 7 du règlement du plan local d'urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er octobre 2020, la SARL Foncière du Val Gazon, représenté par Me Vos, avocat, demande à la cour, à titre principal, de rejeter la requête de M. et Mme E..., à titre subsidiaire, de limiter la portée de l'annulation de l'arrêté attaqué en application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme ou de surseoir à statuer en vue de la régularisation en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et de mettre à leur charge la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable, faute pour les requérants de justifier d'un intérêt suffisant leur donnant qualité pour agir, dès lors que les travaux autorisés, qu'ils concernent la maison principale ou la maison secondaire, ne sont pas de nature à affecter directement leurs conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien ;

- les moyens de la requête sont infondés.

La requête a été communiquée à la commune de Villennes-sur-Seine qui n'a pas produit d'observations en défense.

Par ordonnance du 7 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 7 décembre 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gravé, pour M. et Mme E... et D..., pour la SARL Foncière du Val Gazon.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 8 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 décembre 2016 du maire de la commune de Villennes-sur-Seine portant non-opposition à la déclaration préalable déposée le 25 octobre 2016 par la SARL Foncière du Val Gazon en vue de la rénovation de deux maisons individuelles et de la démolition d'une véranda, sur un terrain situé 216 avenue du Général de Gaulle, à Villennes-sur-Seine.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. E... a tissé des liens personnels avec le rapporteur public qui a prononcé des conclusions devant le tribunal administratif de Versailles, lors de l'audience du 18 octobre 2019. Dans ces conditions, M. et Mme E... sont fondés à soutenir que le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance du principe d'impartialité des juridictions et qu'il doit, pour ce motif, être annulé.

3. Il y a lieu, pour la cour, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. et Mme E... devant le tribunal administratif de Versailles.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) ".

5. Contrairement à ce que soutient la SARL Foncière du Val Gazon, ces dispositions ne sauraient s'appliquer au recours formé par M. et Mme E... à l'encontre de l'arrêté attaqué, qui ne lui accorde pas de permis de construire.

6. M. et Mme E..., qui habitent une maison située sur la parcelle mitoyenne de celle du projet en litige, ont produit à l'appui de leur requête de première instance l'arrêté du 9 décembre 2016 ainsi que le dossier annexé à la déclaration préalable déposée par la SARL Foncière Val du Gazon. Ce projet concerne tant la maison principale qui est située sur la parcelle, que la maison secondaire qui s'y trouve également.

7. Or, il ressort des éléments de la déclaration préalable que le projet prévoit notamment, s'agissant de la maison secondaire, des ouvertures supplémentaires sur la façade sud-ouest sur laquelle les requérants ont une vue directe depuis leur propriété située à environ 6 mètres de distance, la création d'une terrasse au-dessus de l'extension correspondante et la pose d'un bardage sur la façade. Par suite, la SARL Foncière du Val Gazon n'est pas fondée à soutenir que M. et Mme E... ne justifieraient pas en l'espèce d'un intérêt pour agir à l'encontre de l'arrêté du 9 décembre 2016 en tant qu'il concerne les travaux à effectuer sur la maison secondaire.

8. En revanche, la SARL Foncière du Val Gazon fait valoir sans être contestée que la maison principale, située au nord de la parcelle, est éloignée d'environ 50 mètres de la propriété de M. et Mme E... et qu'elle en est séparée par des futaies, qui empêchent toute co-visibilité. Dès lors que M. et Mme E... ne font état d'aucune gêne émanant spécifiquement des travaux prévus sur cette maison, qui consistent principalement en la démolition d'une véranda, la SARL Foncière du Val Gazon est fondée à soutenir que M. et Mme E... ne justifient pas d'un intérêt pour agir à l'encontre de l'arrêté du 9 décembre 2016 en tant qu'il concerne les travaux à effectuer sur la maison principale.

9. En deuxième lieu, lorsqu'une construction a été édifiée sans autorisation en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble du bâtiment. De même, lorsqu'une construction a été édifiée sans respecter la déclaration préalable déposée ou le permis de construire obtenu ou a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé. Dans l'hypothèse où l'autorité administrative est saisie d'une demande qui ne satisfait pas à cette exigence, elle doit inviter son auteur à présenter une demande portant sur l'ensemble des éléments devant être soumis à son autorisation.

10. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'ancien propriétaire de la parcelle s'est vu délivrer par un arrêté du 7 novembre 1986 un permis de construire relatif à la construction d'un jardin d'hiver et d'une remise attenant à la maison secondaire. Le plan de masse annexé à cet arrêté fait apparaître l'implantation et les dimensions de ces deux extensions, la première à l'est, pour une surface d'environ 20 mètres carrés, la seconde à l'ouest de la construction existante, pour une surface d'environ 33 mètres carrés. Or, il ressort des pièces du dossier que l'extension construite à l'est de la maison secondaire, dont la façade nord mesure, au vu des photographies produites par M. et Mme E..., environ le double de la longueur autorisée, occupe une surface supérieure à celle autorisée, qu'y figure sur le toit une terrasse qui n'est pas mentionnée dans le permis délivré en 1986, qu'il ne s'agit pas d'un jardin d'hiver mais d'une construction dotée de murs pleins et que cette extension possède, sur la façade nord, deux ouvertures qui n'ont pas été autorisées non plus. Par ailleurs, l'extension, alors inachevée, construite à l'ouest, possédait, à la date de l'arrêté attaqué, deux ouvertures sur la façade nord qui n'avaient pas été prévues dans le permis délivré en 1986 ainsi qu'une fenêtre de toit dont il n'est pas non plus établi que la réalisation aurait été autorisée par ce permis. Ainsi, les deux extensions de la maison secondaire ayant soit été édifiées dès l'origine sans respecter le permis de construire délivré en 1986, soit fait l'objet chacune de transformations par la suite sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartenait à la SARL Foncière du Val Gazon de présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant y compris sur ces extensions. Par suite, M. et Mme E... sont fondés à soutenir qu'en ne s'opposant pas à la déclaration préalable déposée par cette société, sans l'avoir au préalable invitée à présenter une demande portant sur l'ensemble des éléments devant être soumis à son autorisation, le maire de la commune de Villennes-sur-Seine a entaché l'arrêté du 9 décembre 2016, en tant qu'il porte sur les travaux relatifs à la maison secondaire, d'illégalité.

11. Cette illégalité ne pouvant être regardée comme un vice susceptible de faire l'objet d'une mesure de régularisation en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ou d'une annulation partielle en application de l'article L. 600-5 du même code, les demandes présentées en ce sens par la SARL Foncière du Val Gazon ne peuvent dès lors qu'être écartées.

12. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est susceptible de fonder l'annulation de l'arrêté contesté.

13. Il en résulte que M. et Mme E... sont seulement fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 9 décembre 2016, en tant qu'il porte sur les travaux relatifs à la maison secondaire.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Villennes-sur-Seine le versement à M. et Mme E... de la somme totale de 2 000 euros au titre des frais liés à l'instance.

15. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme E... la somme que la SARL Foncière du Val Gazon demande au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700566 du tribunal administratif de Versailles du 8 novembre 2019 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 9 décembre 2016 est annulé en tant qu'il porte non opposition à la déclaration préalable déposée par la SARL Foncière du Val Gazon pour les travaux relatifs à la maison secondaire.

Article 3 : La commune de Villennes-sur-Seine versera à M. et Mme E... la somme totale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. et Mme E... ainsi que les conclusions présentées par la SARL Foncière du Val Gazon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et Mme C... E..., à la SARL Foncière Val du Gazon et à la commune de Villennes-sur-Seine.

Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président assesseur,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2023.

La rapporteure,

E. A...Le président,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

No 20VE00332002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00332
Date de la décision : 22/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Travaux soumis au permis. - Présentent ce caractère.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Elise TROALEN
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : AARPI JASPER AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-02-22;20ve00332 ?
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