Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013 ou, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de l'assiette de l'impôt supplémentaire sur les revenus dans la catégorie des revenus fonciers à hauteur de 196 098 euros au titre de l'année 2012, et de 131 952 euros au titre de l'année 2013 et de prononcer la décharge de toute imposition supplémentaire.
Par un jugement n° 1900686 du 8 octobre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 décembre 2021 au nom des deux époux et un mémoire enregistré le 20 juillet 2022 au nom de M. C... seul suite au décès de sa femme, M. et Mme C..., représentés par Me Martin, avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013 ou, à titre subsidiaire, de réduire la base imposable des revenus fonciers à 202 508 euros au titre de l'année 2012, et à 131 952 euros au titre de l'année 2013 et de prononcer la décharge de toute imposition supplémentaire ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors que l'administration a procédé à l'examen de leur situation fiscale personnelle sans leur accorder les garanties afférentes à cette procédure ;
- le revenu imposable au titre des années 2012 et 2013 ne peut comprendre les sommes détournées par leur gestionnaire, dont ils n'ont pas eu la disposition et qui ont déjà été imposées dans le cadre de l'examen de la situation fiscale personnelle dont ce dernier a fait l'objet.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 4 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 19 janvier 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,
- et les observations de Me Vancraeynest, substituant Me Martin, pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de l'examen contradictoire de la situation personnelle de M. A..., salarié chargé de la gestion des immeubles locatifs de M. et Mme C..., l'administration a procédé à un contrôle sur pièces des revenus fonciers déclarés par ces derniers au titre des années 2012 et 2013. L'administration a adressé à M. et Mme C..., selon la procédure contradictoire, une proposition de rectification du 10 septembre 2015 mettant à leur charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2012 et 2013. M. et Mme C... ont contesté ces rectifications par une réclamation du 5 avril 2017, laquelle a donné lieu à une décision implicite de rejet. Par le jugement n° 1900686 du 8 octobre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à la décharge ou à la réduction de ces impositions. M. et Mme C... relèvent appel de ce jugement.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / Elle contrôle, également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements, ou d'acquitter tout ou partie d'une imposition au moyen d'une créance sur l'État. / À cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés (...) ". Aux termes de l'article L. 12 du même livre : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt. / À l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que lors de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. A..., chargé de la gestion des immeubles locatifs des requérants, le service a constaté que les loyers des immeubles appartenant aux époux C... étaient versés sur trois comptes bancaires, dont un seul était aux noms de M. A... ou de M. D... C..., les deux autres étant ouverts au nom de M. A... seul. Le service a comparé les encaissements sur ces comptes bancaires correspondant à ces loyers pour les rapprocher des revenus déclarés par M. et Mme C... et les requérants ont été imposés sur le différentiel de ces sommes. Ce contrôle, qui s'est limité à apprécier l'exactitude des revenus fonciers déclarés par les requérants, n'a pas eu pour objet de vérifier la cohérence entre les revenus des contribuables et leur patrimoine, leur trésorerie ou leur train de vie. Par suite, un tel contrôle constitue un contrôle sur pièces et non un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et Mme C..., peu important que ceux-ci aient été convoqués par l'administration fiscale le 16 juillet 2015 afin de les informer de ce qu'ils allaient faire l'objet d'une proposition de rectification. Le moyen tiré de ce que les requérants auraient été privés à tort des garanties attachées à la procédure d'examen de leur situation fiscale personnelle doit en conséquence être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
4. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. ". Aux termes de l'article 28 du code général des impôts : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété. ". L'article 29 de ce même code dispose : " Sous réserve des dispositions des articles 33 ter et 33 quater, le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires. Les subventions et indemnités destinées à financer des charges déductibles sont comprises dans le revenu brut. Il n'est pas tenu compte des sommes versées par les locataires au titre des charges leur incombant. (...) ".
5. Il résulte des dispositions combinées des articles 12, 28 et 29 du code général des impôts que les revenus fonciers à retenir pour déterminer l'assiette de l'impôt sur le revenu au titre d'une année déterminée sont ceux qui, au cours de ladite année, ont été mis à la disposition du contribuable par voie de paiement ou autrement. Dans le cas où le contribuable a confié à un tiers le soin d'encaisser pour son compte ses revenus fonciers, les sommes versées à ce tiers doivent en principe, aussitôt qu'elles sont encaissées par celui-ci, être réputées se trouver à la disposition du contribuable. Par suite, les loyers perçus par M. A..., le chargé d'affaires de M. et Mme C..., doivent être réputés, sauf preuve contraire, avoir été mis, dès leur perception par M. A... et du seul fait de cette perception, à la disposition de M. C....
6. Il résulte toutefois de l'instruction que M. A... n'a pas versé tous les loyers qu'il avait perçus pour le compte de M. et Mme C... dans le compte bancaire prévu à cet effet, mais qu'il a retenu certains de ces loyers, à l'insu de ses employeurs, dans deux comptes bancaires ouverts à son nom seul. Il ressort du jugement du tribunal correctionnel de Paris du 19 février 2018, dont les constatations sont revêtues de l'autorité de chose jugée, qui condamne M. A... à un emprisonnement délictuel de deux ans avec sursis pour abus de confiance vis-à-vis de son employeur, M. C..., que M. A... a détourné la somme de 651 447 euros au préjudice de M. C... entre 2009 et 2015. M. A... a en outre fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle à l'issue duquel il a été imposé sur les sommes qu'il a détournées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. M. C... établit ainsi avoir été dans l'impossibilité de disposer de ces sommes, qui ne peuvent donc être considérées comme des recettes perçues par le propriétaire des immeubles au sens de l'article 29 du code général des impôts et ne constituent pas des revenus bruts au titre des années 2012 et 2013 au sens des articles 28 et 29 de ce code.
7. Les impositions supplémentaires mises à la charge des requérants ne sont pas fondées seulement sur la réintégration des sommes détournées par M. A... dans leur base imposable, mais découlent également d'autres rectifications, qui n'ont pas été contestées par les requérants. Par suite, ces derniers ne sont pas fondés à demander la décharge totale de ces impositions supplémentaires, mais seulement la réduction de la base imposable de leur revenus fonciers au titre des années 2012 et 2013.
8. M. et Mme C... soutiennent que les sommes détournées s'élèvent à 105 500 euros au titre de l'année 2012 et à 145 245 euros au titre de l'année 2013 tandis que le ministre soutient, dans ses écritures en défense, que ces sommes s'élèvent en réalité à 88 300 euros et 142 545 euros. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 26 octobre 2015 concernant les bénéfices non commerciaux de M. A..., que ce dernier a détourné 118 889 euros au titre de l'année 2012 et 145 545 euros au titre de l'année 2013. Par suite, il y a lieu de faire droit aux conclusions de M. et Mme C... à concurrence de la réduction en base demandée, de 105 500 euros au titre de l'année 2012 et 145 245 euros au titre de l'année 2013.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande de réduction en base de leurs revenus fonciers, à concurrence des sommes de 105 500 euros au titre de l'année 2012 et de 145 245 euros au titre de l'année 2013.
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme C... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La base imposable des revenus fonciers de M. et Mme C... est réduite de 105 500 euros au titre de l'année 2012 et de 145 245 euros au titre de l'année 2013. M. et Mme C... sont déchargés des suppléments d'impôt correspondant à cette réduction de base.
Article 2 : Le jugement n°1900686 du 8 octobre 2021 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 28 février 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Dorion, présidente assesseure,
M. Tar, premier conseiller,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2023.
La rapporteure,
C. B... La présidente,
O. DORIONLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 21VE03264