Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
I. Par une demande, enregistrée sous le numéro 1905923, Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler la décision de la directrice des ressources humaines du centre hospitalier Rives de Seine en date du 16 avril 2019 la plaçant en disponibilité d'office pour raisons de santé à compter du 6 mars 2019, et, d'autre part, d'enjoindre au centre hospitalier Rives de Seine de procéder à la régularisation de sa situation notamment en la plaçant en congé pour invalidité temporaire imputable au service et en rétablissant ses droits à rémunération à plein traitement et à avancement, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.
II. Par une demande, enregistrée sous le numéro 1906759, Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler la décision de la directrice des ressources humaines du centre hospitalier Rives de Seine en date du 3 mai 2019 la plaçant en disponibilité d'office pour raisons de santé à compter du 6 mars 2019 et jusqu'à l'avis de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, et, d'autre part, d'enjoindre au centre hospitalier Rives de Seine de procéder à la régularisation de sa situation notamment en la plaçant en congé pour invalidité temporaire imputable au service et en la rétablissant dans ses droits à rémunération à plein traitement et à avancement, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.
III. Par une demande, enregistrée sous le numéro 1905719, Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner le centre hospitalier Rives de Seine à lui verser une somme de 40 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.
Par un jugement numéro 1905923, 1906759 et 1905719 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé les décisions des 16 avril et 3 mai 2019, enjoint à l'administration de procéder au réexamen de la situation administrative de Mme E... à compter du 6 mars 2019 dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, condamné le centre hospitalier Rives de Seine à verser à Mme E... une somme de 1 500 euros en réparation des préjudices subis et rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 22 juillet 2020, les 24 février et 4 avril 2022, et le 16 janvier 2023, Mme D... E..., représentée par Me Tourniquet, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a limité le montant de l'indemnisation de ses préjudices à la somme de 1 500 euros et rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet opposée par le centre hospitalier Rives de Seine à sa demande préalable d'indemnisation formée le 3 janvier 2019 ;
3°) de condamner le centre hospitalier Rives de Seine à lui verser la somme de 60 000 euros en réparation de ses préjudices ;
4°) de condamner le centre hospitalier Rives de Seine à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est victime d'un harcèlement de la part du centre hospitalier Rives de Seine ;
- elle a été placée dans l'incapacité de constituer son dossier de retraite, du fait d'un retard dans son avancement d'échelon et du non-respect de la décision de la commission de réforme quant au taux d'incapacité reconnu ;
- ces fautes de son employeur sont la cause directe de préjudices financiers et moral ;
- elle justifie d'un préjudice financier résultant d'une perte de rémunération d'un montant de 21 507,26 euros ;
- son préjudice de carrière et de retraite est établi à hauteur de 7 000 euros, sur la base d'un ratio de 30 % ;
- son préjudice moral, qui comporte une dimension psychologique résultant des pressions qu'elle a subies durant plusieurs années, doit être indemnisé à hauteur de 5 000 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 mars 2022 et 15 mars 2023, le centre hospitalier Rives de Seine conclut au rejet de la requête et à ce que Mme E... soit condamnée à lui verser une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de la demande du 3 janvier 2019 sont irrecevables, en tant qu'elles sont nouvelles en appel et que cette décision a eu pour seul effet de lier le contentieux indemnitaire ;
- aucun élément susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral n'est établi ;
- les autres fautes alléguées relèvent d'un litige distinct et, en tout état de cause, ne constituent pas des faits de nature à engager sa responsabilité dès lors que Mme E... ne peut prétendre ni au 8ème échelon de son grade, ni à un taux d'incapacité partielle permanente de 40 % ; il n'est pas davantage établi que la situation de Mme E... se serait aggravée faute de pouvoir liquider ses droits à pension de retraite alors, au demeurant, que cette situation est entièrement imputable à l'intéressée ;
- ni le préjudice financier, résultant d'une perte de rémunération et de frais médicaux, ni le préjudice de carrière ne sont établis, pas plus que l'existence d'un préjudice moral en lien avec les fautes alléguées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,
- et les observations de Me Tourniquet pour Mme E... et de Me Mercier pour le centre hospitalier Rives de Seine.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... E..., agent des services hospitaliers titulaire au sein du centre hospitalier Rives de Seine, anciennement centre hospitalier Courbevoie, Neuilly, Puteaux, situé à Neuilly-sur-Seine, et affectée en qualité d'aide-soignante en unité de soins de longue durée sur le site de Puteaux, a été victime le 26 juillet 2013, d'un accident reconnu imputable au service par des décisions des 8 septembre 2015 et 5 avril 2019 pour les périodes du 26 juillet 2013 au 31 mars 2016 et du 1er avril 2016 au 6 mars 2018. A compter de cette dernière date, Mme E... a été placée en congé de maladie ordinaire. Par une décision du 16 avril 2019, elle a été placée en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 6 mars 2019, puis par une décision du 3 mai 2019, en disponibilité pour raison de santé avec effet au 6 mars 2019 jusqu'à l'avis de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. Mme E... a formé, par courrier du 3 janvier 2019, une demande préalable auprès du centre hospitalier tendant à la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Mme E... fait appel du jugement du 9 juin 2020 en tant que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir annulé les décisions des 16 avril et 3 mai 2019 et enjoint à l'administration de procéder au réexamen de sa situation administrative à compter du 6 mars 2019, a limité la condamnation du centre hospitalier Rives de Seine à réparer ses préjudices à une somme de 1 500 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier Rives de Seine :
2. D'une part, contrairement à ce que le centre hospitalier des Rives de Seine fait valoir, Mme E... a présenté des conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande du 3 janvier 2019, dans le cadre du contentieux indemnitaire enregistré sous le numéro 1905719. Par suite, de telles conclusions ne sont pas nouvelles en cause d'appel. D'autre part, la demande du 3 janvier 2019 avait à la fois pour objet la requalification des prolongations d'arrêt de travail en arrêts consécutifs à un accident imputable au service et l'indemnisation des préjudices subis en raison de l'acharnement et du harcèlement moral subis par l'agent. Dès lors, cette demande n'avait pas pour seul objet de lier le contentieux en application de l'article R. 421-1 du code de justice administrative. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des conclusions présentées par Mme E... tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande du 3 janvier 2019 ne peut être accueillie.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, dans sa version applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. (...) ".
4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.
6. Si la situation de Mme E... a fait l'objet de cinq examens pour avis par le comité médical et la commission de réforme, à l'initiative il est vrai de son employeur, il ressort des pièces du dossier que le docteur A... a, dans son avis du 10 février 2016, conclu à la consolidation de l'état de l'agent, avec possibilité de travailler avec aménagement temporaire du poste et taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 3 %, avant que dans le cadre d'une contre-expertise, le docteur F... conclut le 6 mars 2018 à une consolidation à ce jour avec un taux d'IPP de 40 %, avec inaptitude temporaire de 6 mois, aptitude à d'autres fonctions et reclassement professionnel. Ainsi, le comité médical a pu, le 8 novembre 2016, se prononcer en faveur d'un congé longue maladie pour une durée de 9 mois à compter du 1er avril 2016, puis pour une reprise de fonctions à temps partiel thérapeutique pour une durée de 3 mois à 50 % soit du 1er janvier 2017 au 31 mars 2017, avec inaptitude définitive à l'exercice de ses fonctions et aptitude à un poste sans port de charge lourde de type administratif, puis le 7 mars 2017, en faveur du renouvellement d'un congé longue maladie pour une durée de 4 mois à compter du 1er janvier 2017 et jusqu'au 30 avril 2017, avec reprise de fonction à temps partiel thérapeutique pour une durée de 3 mois à 70 %, soit du 1er mai 2017 au 31 juillet 2017, et inaptitude définitive à l'exercice de ses fonctions et aptitude à un poste sans port de charge lourde, avant d'annuler ces avis le 6 février 2018, à la suite de l'avis de la commission de réforme du 12 décembre 2017, laquelle s'est, le 18 avril 2018 et le 17 octobre 2019, prononcée en faveur d'une consolidation de l'accident du 26 juillet 2013 à la date du 6 mars 2018 avec un taux d'IPP de 40 %. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier qu'à la suite de cet avis, le centre hospitalier Rives de Seine a demandé à être destinataire des arrêts de travail du 10 février 2016 au 6 mars 2018, lesquels ont été reconnus imputables au service. En outre, la demande faite le 29 octobre 2018 par le centre hospitalier Rives de Seine, en vue d'obtenir du médecin traitant de Mme E... des éléments complémentaires permettant une prise en charge par l'assureur de l'établissement, est demeurée sans réponse et l'ultime expertise médicale intervenue, établie le 12 novembre 2019 par le docteur B..., a confirmé les conclusions de l'expertise du docteur A... de février 2010, à savoir une consolidation fixée avec un taux d'IPP de 3 %. Dans ces conditions, les multiples consultations s'expliquent par un doute persistant sur l'état de santé de l'agent au vu des différents constats médicaux effectués, sans qu'il en résulte une méconnaissance de la procédure dans une intention de nuire à Mme E....
7. Si Mme E... fait état de la précarité de la situation financière dans laquelle le désaccord avec son employeur quant à sa situation administrative l'a placée, d'une part, cette circonstance est sans incidence dès lors qu'elle constitue une conséquence et non une cause du désaccord ayant conduit aux positions statutaires contestées, et, d'autre part, l'ensemble des expertises médicales, y compris celle du docteur F... intervenue à la demande de Mme E..., ont conclu à une consolidation de l'état de santé de l'intéressée au 6 mars 2018. En outre, Mme E... ne justifie pas avoir effectué les démarches nécessaires à la perception de sa pension de retraite depuis qu'elle a atteint la limite d'âge, sans que les raisons qu'elle invoque ne soient de nature à justifier de son inaction sur ce point. S'agissant de l'avancement d'échelon de l'agent, dont il est constant qu'il fait l'objet d'un contentieux pendant devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise au jour du présent arrêt, il ressort des pièces du dossier que si l'employeur a reconnu une difficulté sur ce point dans un courrier électronique du 29 mars 2019, Mme E... a bénéficié d'un avancement au 5ème, puis au 6ème échelon, respectivement par arrêté du 5 avril 2019 et du 22 janvier 2021, sans qu'il soit par ailleurs établi dans le cadre de la présente instance qu'elle aurait dû bénéficier d'un avancement au 8ème échelon. En ce qui concerne les pressions alléguées en vue d'amener la requérante à se désister de l'instance engagée devant la juridiction administrative, celles-ci ne ressortent pas des pièces, en particulier des courriers des 28 janvier et 16 avril 2019. Enfin, contrairement à ce que soutient l'intéressée, il ne résulte pas de l'instruction, au vu en particulier des pièces produites par le centre hospitalier Rives de Seine, que le jugement attaqué n'aurait pas été exécuté.
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que Mme E... ne fait pas état d'éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre. Par suite, l'existence d'un harcèlement moral visant l'intéressée n'est pas caractérisée et la requérante n'est pas fondée à engager à ce titre la responsabilité du centre hospitalier Rives de Seine.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, l'ensemble de ses conclusions à fin d'annulation et indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier Rives de Seine, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse une somme à Mme E... au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Mme E... le versement de la somme de 1 500 euros au centre hospitalier Rives de Seine sur le fondement de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Mme E... versera la somme de 1 500 euros au centre hospitalier Rives de Seine au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... et au centre hospitalier Rives de Seine.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
Mme Bonfils, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2023.
La rapporteure,
M.-G. C...Le président,
S. BROTONSLa greffière,
S. de SOUSA
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
N° 20VE01673 2