Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Fondation Max Grundig-Stiftung, Mme C... D..., M. E... A... et M. F... G... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 14 septembre 2017 du collège national de second examen du rescrit fiscal, d'annuler les mesures entraînées par cette décision, notamment la mise en demeure du 29 décembre 2017 de déposer des déclarations, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité à la Constitution des articles 792-0 bis et 1649 AB du code général des impôts et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de deux questions préjudicielles.
Par un jugement n° 1801942 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, un mémoire QPC et un mémoire en réplique enregistrés les 20 avril 2020, 4 septembre 2020 et 27 juin 2022, la Fondation Max Grundig-Stiftung et autres, représentés par Me Clément, avocate, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) d'annuler l'avis du collège national de second examen du rescrit du 14 septembre 2017 et les mesures entraînées par cette décision, notamment la mise en demeure de déposer des déclarations reçue le 29 décembre 2017 ;
3°) de transmettre au Conseil d'Etat, la question de la conformité des articles 792-0 bis et 1649 AB du code général des impôts au principe constitutionnel d'égalité devant la loi, au droit de propriété, au respect des facultés contributives et au principe de sécurité juridique ;
4°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de deux questions préjudicielles sur le point de savoir si les articles 792-0 bis, 970, 1649 AB du CGI, 344 sexies G, 344 septies G et 344 octies G annexe III du CGI constituent une restriction aux mouvements de capitaux dans l'Union européenne prohibée par l'article 63 du Traité et sur le point de savoir si les mêmes articles constituent une discrimination en raison de la nationalité prohibée par l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur recours pour excès de pouvoir est recevable dès lors que l'avis contesté a un caractère décisoire et emporte des effets notables ;
- l'avis du collège de second examen est insuffisamment motivé ;
- il est entaché de plusieurs erreurs d'appréciation ;
- les fondations de droit civil allemand ne sont pas des trusts anglo-saxons ; elles ne relèvent pas de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 créée pour sanctionner les fraudeurs ;
- en qualifiant la Fondation Max Grundig-Stiftung de " trust ", l'administration française viole la Constitution, les articles 63 et suivants du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les principes de confiance légitime et de sécurité juridique, principes généraux du droit de l'Union européenne, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les conventions conclues entre la France et l'Allemagne du 21 juillet 1959 en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune et du 12 octobre 2006 en matière de successions et de donations, et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête de la Fondation Max Grundig-Stiftung et autres et demande à la cour de mettre à leur charge la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que la demande est irrecevable, qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée et que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 14 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 juin 2022 à 12 heures en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,
- et les observations de Me Clément pour la Fondation Max Grundig-Stiftung et autres.
Considérant ce qui suit :
1. La Fondation Max Grundig-Stiftung, fondation familiale de droit allemand qui détient 76% des parts de la SCI Les résidences du Parc des Zoraïdes, elle-même propriétaire d'une propriété située à Roquebrune Cap Martin, a interrogé l'administration fiscale à plusieurs reprises pour savoir si elle devait être regardée comme un trust au sens des dispositions nouvelles de l'article 792-0 bis du code général des impôts. Par une décision du 25 avril 2017, la direction des résidents à l'étranger a répondu à sa demande de rescrit qu'elle entrait dans le champ d'application de ces dispositions et devait satisfaire aux obligations déclaratives prévues aux articles 1649 AB du code général impôts et 344 G septies de l'annexe III à ce code, dès lors que l'un au moins des biens et droits placés dans le trust est situé en France. Le collège national de second examen du rescrit fiscal a confirmé, le 14 septembre 2017, que la législation fiscale française relative au trust lui était applicable. La Fondation Max Grundig-Stiftung et autres relèvent appel du jugement du 19 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté pour irrecevabilité sa demande d'annulation de cette dernière décision et de la mise en demeure de déposer des déclarations qui s'en est suivie.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. " Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal. Elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi. (...) ". L'article L. 80 CB dispose que : " Lorsque l'administration a pris formellement position à la suite d'une demande écrite, précise et complète déposée au titre des 1° à 6° ou du 8° de l'article L. 80 B ou de l'article L. 80 C par un redevable de bonne foi, ce dernier peut saisir l'administration, dans un délai de deux mois, pour solliciter un second examen de cette demande, à la condition qu'il n'invoque pas d'éléments nouveaux. (...) ".
3. Une prise de position formelle de l'administration sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal en réponse à une demande présentée par un contribuable dans les conditions prévues par les dispositions rappelées au point précédent, eu égard aux effets qu'elle est susceptible d'avoir pour le contribuable et, le cas échéant, pour les tiers intéressés, présente le caractère d'une décision. En principe, une telle décision ne peut, compte tenu de la possibilité d'un recours de plein contentieux devant le juge de l'impôt, pas être contestée par le contribuable par la voie du recours pour excès de pouvoir. Toutefois, cette voie de droit est ouverte lorsque la prise de position de l'administration, à supposer que le contribuable s'y conforme, entraînerait des effets notables autres que fiscaux et qu'ainsi, la voie du recours de plein contentieux devant le juge de l'impôt ne lui permettrait pas d'obtenir un résultat équivalent. Il en va ainsi, notamment, lorsque le fait de se conformer à la prise de position de l'administration aurait pour effet, en pratique, de faire peser sur le contribuable de lourdes sujétions, de le pénaliser significativement sur le plan économique ou encore de le faire renoncer à un projet important pour lui ou de l'amener à modifier substantiellement un tel projet.
4. Il ressort des pièces du dossier que la décision défavorable opposée à la demande de rescrit fiscal présentée par la Fondation Max Grundig-Stiftung a pour seule conséquence de soumettre celle-ci à des obligations déclaratives dont il n'est pas établi qu'elles constitueraient de " lourdes sujétions ". Si les requérants font également valoir que la qualification de trust les expose à un risque d'assujettissement à des droits de mutation au taux de 60 % en cas de décès du bénéficiaire, ils ne justifient ce faisant d'aucune conséquence économique autre que fiscale. N'est pas davantage détachable du plein contentieux fiscal la circonstance qu'en cas de contestation de cette éventuelle imposition, ils pourraient être contraints de constituer des garanties importantes. La Fondation Max Grundig-Stiftung et autres ne font valoir aucun effet notable autre que fiscal qui ne pourrait être appréhendé par le juge de l'impôt. C'est par suite à bon droit que les premiers juges ont accueilli la fin de non-recevoir opposée à leur demande.
5. Les conclusions à fin d'annulation étant irrecevables, les demandes de transmission au Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité et de saisine de la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles ne peuvent qu'être rejetées.
6. Il résulte de ce qui précède que la Fondation Max Grundig-Stiftung et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande. La requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le ministre défendeur ne faisant pas état de frais spécifiques exposés à l'occasion de la présente instance, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Fondation Max Grundig-Stiftung et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Fondation Max Grundig-Stiftung, à Mme C... D..., à M. E... A..., à M. F... G... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2023, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 mai 2023.
La rapporteure,
O. B... Le président,
P. BEAUJARDLa greffière,
S. LOUISERE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 20VE02126