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20/06/2023 | FRANCE | N°21VE00151

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 20 juin 2023, 21VE00151


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Boucherie du 21 a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, d'annuler la décision du 12 septembre 2018 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a décidé de lui appliquer, d'une part, une contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 14 280 euros, d'autre part, une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étran

ger dans son pays d'origine prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Boucherie du 21 a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, d'annuler la décision du 12 septembre 2018 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a décidé de lui appliquer, d'une part, une contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 14 280 euros, d'autre part, une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant de 4 248 euros, et de la décharger du paiement de ces sommes, ou, à titre subsidiaire, de minorer le montant de la contribution spéciale jusqu'à une somme correspondant au coefficient de 1 000 fois le taux horaire garanti.

Par un jugement n° 1807890 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2021, la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Boucherie du 21, représentée par Me Boutaourout, avocat, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 12 septembre 2018 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail ;

3°) de la décharger du paiement de cette contribution ;

4°) à titre subsidiaire, de moduler le montant de cette contribution en le réduisant à mille fois le taux horaire du minimum garanti ;

5°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision en litige a été prise au terme d'une procédure qui a méconnu le principe du contradictoire tel qu'il est garanti par les dispositions des articles L. 121-1, L. 211-2 et L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration ; en effet, elle n'a pu utilement faire valoir ses observations, en l'absence de transmission par l'administration, et en dépit de sa demande, du procès-verbal dressé par les services de police sur lequel cette décision se fonde ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail dès lors qu'elle a procédé à la déclaration préalable d'embauche de ses salariés, qu'elle est de bonne foi et n'a pas fait l'objet de poursuites pénales ;

- son nouveau président ne peut être tenu responsable des agissements de l'ancien ;

- la contribution représente une charge importante.

La requête de la SASU Boucherie du 21 a été communiquée à l'OFII, le 8 février 2021, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Une mise en demeure a été adressée le 9 mars 2021 à l'OFII.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité du moyen de légalité externe invoqué à l'encontre de la décision attaquée, lequel se rattache à une cause juridique distincte de celle des moyens de légalité interne invoqués par la SASU Boucherie du 21 devant le tribunal administratif avant l'expiration du délai de recours contentieux, et qui n'est pas d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonfils,

- et les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée à associé unique (SASU) Boucherie du 21 exploite une boucherie située 2, rue Berlioz à Saint-Michel-sur-Orge (91). A l'issue d'un contrôle réalisé le 8 mars 2018, les services de police de l'Essonne ont constaté la présence de deux ressortissants algériens, MM. A... et B..., en situation de travail et démunis de titre les autorisant à travailler et à séjourner sur le territoire français. Par une décision du 12 septembre 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a appliqué à la SASU Boucherie du 21, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, pour un montant de 14 280 euros, et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine, prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant de 4 248 euros. La SASU Boucherie du 21 fait appel du jugement du 10 décembre 2020 en tant que le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation de la décision du 12 septembre 2018 et à la décharge du paiement de la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail, et, à titre subsidiaire, à la minoration du montant de cette contribution.

Sur les conclusions principales à fin d'annulation de la décision du 12 septembre 2018 et de décharge :

2. En premier lieu, après l'expiration du délai de recours contre un acte administratif, sont irrecevables, sauf s'ils sont d'ordre public, les moyens soulevés par le demandeur qui relèvent d'une cause juridique différente de celle à laquelle se rattachent les moyens invoqués dans sa demande avant l'expiration de ce délai. Il en va de même s'agissant des moyens soulevés pour la première fois en appel et relevant d'une cause juridique différente de celle à laquelle se rattachent les moyens invoqués avant l'expiration du délai de recours devant le tribunal administratif.

3. La SASU Boucherie du 21 soutient que la décision en litige aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière, en raison de la méconnaissance du principe du contradictoire faute de communication du procès-verbal dressé à son encontre. Toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux premiers juges qu'aucun moyen de légalité externe n'a été invoqué par la SASU Boucherie du 21 à l'appui de sa demande introductive d'instance enregistrée au greffe du tribunal administratif de Versailles le 12 novembre 2018, l'illégalité externe de la décision attaquée n'ayant été soulevée que dans son mémoire en réplique enregistré le 10 août 2020, soit après l'expiration du délai de recours contentieux contre cette décision. Par suite, ce moyen réitéré devant la cour, et qui n'est pas d'ordre public, ne peut qu'être écarté en tant qu'il est irrecevable.

4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et fixer le montant de cette contribution pour le compte de l'Etat selon des modalités définies par convention. (...) ". D'autre part, l'article L. 5221-8 du même code dispose : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1. ".

5. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail que les contributions qu'il prévoit ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d'une part, et sauf à ce que le salarié ait justifié avoir la nationalité française, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail et que, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité. À cet égard, l'article L. 5221-8 du code du travail impose à l'employeur de s'assurer auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par Pôle emploi.

6. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des procès-verbaux d'audition des ressortissants étrangers contrôlés et du président de la SASU Boucherie du 21, qui ont été entendus par les services de police judiciaire respectivement les 8 et 12 mars 2018, que MM. B... et A..., tous deux ressortissants algériens, ont été embauchés sur présentation de leur seule carte d'aide médicale d'Etat. S'il a affirmé ignorer la situation administrative de ses deux salariés, le président de la SASU Boucherie du 21 a reconnu n'avoir demandé aucun autre document d'identité, ni procédé à aucune vérification auprès des administrations compétentes. Il ne produit ni le contrat de travail des personnes ainsi embauchées, ni leurs bulletins de salaire. Ainsi, nonobstant les déclarations de première embauche auxquelles il a été procédé auprès de l'URSSAF le 6 décembre 2017 s'agissant de M. A... et le 17 janvier 2018 pour M. B..., la société requérante, qui ne conteste pas l'existence d'une relation de travail avec les deux intéressés, ne peut sérieusement soutenir avoir embauché MM. B... et A... en toute bonne foi. A cet égard, est également sans incidence la circonstance que ces infractions n'auraient donné lieu qu'à une composition pénale. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail doit être écarté.

7. En troisième lieu, en se contentant d'indiquer que la contribution mise à sa charge " représente une charge importante ", la SASU Boucherie 21 n'apporte aucune précision suffisante permettant d'apprécier le moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction qui lui a été infligée, à supposer qu'elle ait entendu invoquer un tel moyen au soutien de ses conclusions à fin d'annulation.

8. En dernier lieu, le changement de président de la société, à le supposer même établi, est sans incidence sur la légalité de la sanction infligée à la SASU Boucherie du 21.

Sur les conclusions présentées à titre subsidiaire et tendant à la modulation de la sanction mise à la charge de la SASU Boucherie du 21 :

9. Les dispositions du code du travail n'autorisent ni l'administration ni, par suite, le juge, fût-il de plein contentieux, à moduler le montant de l'amende qu'elles déterminent. Par suite, les conclusions qu'elle présente à titre subsidiaire doivent en tout état de cause être rejetées.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SASU Boucherie du 21 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente à titre principal à fin d'annulation et de décharge, à titre subsidiaire à fin de modulation, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SASU Boucherie du 21 est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Boucherie du 21 et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.

La rapporteure,

M-G. BONFILSLe président,

S. BROTONSLa greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N° 21VE00151 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00151
Date de la décision : 20/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : BOUTAOUROUT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-06-20;21ve00151 ?
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