Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
MM. Fernando et Joaquim B... et Mmes A... et America B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2015 par lequel le maire de la commune de Gometz-le-Châtel a opposé un sursis à statuer à leur demande de permis de construire un immeuble collectif de neuf logements sur un terrain situé 1 route de Chartres, ainsi que la décision du 7 mars 2016 rejetant leur recours gracieux et d'enjoindre au maire de cette commune de leur délivrer le permis de construire sollicité ou, à défaut, de prendre une nouvelle décision sur leur demande dans un délai d'un mois.
Par un jugement n° 1603345 du 16 novembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 19VE00177 du 9 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur l'appel des consorts B... annulé ce jugement, l'arrêté du 17 décembre 2015 et le rejet du recours gracieux et enjoint à la commune de réexaminer la demande de permis de construire dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.
Par une décision n°455195 du 7 novembre 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour la commune de Gometz-le-Châtel, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.
Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'Etat :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 20 janvier 2023 et le 8 mars 2023, sous le n° 22VE02509, les consorts B..., représentés par Me Saint-Supery, avocate, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1603345 du 16 novembre 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 17 décembre 2015 et le rejet de leur recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au maire de Gometz-le-Châtel de leur délivrer le permis de construire sollicité ou, à défaut, de prendre une nouvelle décision sur leur demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Gometz-le-Châtel la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les consorts B... soutiennent que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté du 17 décembre 2015 est insuffisamment motivé ;
- l'illégalité de la demande de pièces complémentaires entache, par voie d'exception, d'illégalité l'arrêté du 17 décembre 2015 ;
- la commune a illégalement prolongé le délai d'instruction de la demande de permis de construire ;
- en estimant que la demande concernait une zone humide, le maire a entaché l'arrêté attaqué d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit ;
- en estimant que l'état d'avancement de la révision du plan local d'urbanisme concernant l'objectif de réalisation de logements sociaux était suffisant pour justifier un sursis à statuer sur la demande de permis de construire, le maire a commis une erreur d'appréciation ;
- en estimant que le projet portait atteinte à l'objectif de préservation des zones humides ainsi qu'à l'objectif de réalisation de logements sociaux, le maire a entaché l'arrêté attaqué d'une erreur d'appréciation.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 octobre 2019 et le 22 janvier 2020, et, après cassation et renvoi, par des mémoires enregistrés les 9 février et 28 mars 2023, la commune de Gometz-le-Châtel, représentée par Me Aaron, avocat, conclut au rejet de la requête, et à ce que soit mise à la charge des consorts B... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Troalen ;
- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Lucas, représentant les consorts B... et de Me Pensalfini, représentant la commune de Gometz-le-Châtel.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 16 novembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande des consorts B..., propriétaires indivis d'un terrain cadastré AC 81 et situé 1 route de Chartres à Gometz-le-Châtel, tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 décembre 2015 par lequel le maire de la commune a sursis à statuer sur leur demande de permis de construire et de la décision du 7 mars 2016 rejetant leur recours gracieux. Par un arrêt n° 19VE00177 du 9 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur l'appel des consorts B..., annulé ce jugement, l'arrêté du 17 décembre 2015 et le rejet du recours gracieux et enjoint à la commune de réexaminer la demande de permis de construire dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.
2. Par une décision n° 455195 du 7 novembre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour la commune de Gometz-le-Châtel, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.
Sur la régularité du jugement :
3. Il ressort des termes du jugement attaqué, et notamment de son point 7 que le tribunal administratif de Versailles, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments soulevés par les consorts B... à l'appui de leurs moyens, a suffisamment répondu au moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le maire de la commune de Gometz-le-Châtel en estimant que leur projet était de nature à compromettre l'objectif de préservation des zones humides poursuivi par la révision du plan local d'urbanisme. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ce jugement doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Aux termes de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " (...) A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 111-8, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan. "
5. Par l'arrêté du 17 décembre 2015, pris sur le fondement de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme, le maire de Gometz-le-Châtel a sursis à statuer sur la demande de permis de construire un immeuble collectif de neuf logements présentée par les consorts B..., en se fondant sur deux motifs tirés, d'une part, de ce que le projet allait à l'encontre de l'objectif de création de logements sociaux poursuivi par le futur plan local d'urbanisme, dont la révision avait été prescrite par une délibération du conseil municipal du 19 septembre 2011 et, d'autre part, de ce que ce projet était de nature à compromettre l'exécution des dispositions de ce futur plan relatives à la préservation de zones humides. Par un jugement du 16 novembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande des consorts B... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté du 17 décembre 2015 ainsi que de la décision rejetant leur recours gracieux, après avoir jugé fondé le moyen des consorts B... dirigé contre le premier motif du sursis à statuer, et estimé que le maire de Gometz-le-Châtel aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur le seul second motif de son arrêté, qu'il n'a pas censuré.
6. Statuant sur l'appel du demandeur de première instance dirigé contre un jugement qui a rejeté ses conclusions à fin d'annulation d'une décision administrative reposant sur plusieurs motifs en jugeant, après avoir censuré tel ou tel de ces motifs, que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur le ou les motifs que le jugement ne censure pas, il appartient au juge d'appel, s'il remet en cause le ou les motifs n'ayant pas été censurés en première instance, de se prononcer, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, sur les moyens critiquant la légalité du ou des motifs censurés en première instance, avant de déterminer, au vu de son appréciation de la légalité des différents motifs de la décision administrative, s'il y a lieu de prononcer l'annulation de cette décision ou de confirmer le rejet des conclusions à fin d'annulation.
7. En premier lieu, pour retenir que la parcelle concernée par le projet se situait dans une zone humide présumée, alors que le projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme en cours de révision comportait un objectif visant à la prise en compte de la problématique de gestion des zones humides, la commune de Gometz-le-Châtel indique s'être fondée sur un pré-repérage réalisé par le syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique de la vallée de l'Yvette (SIAHVY), qui l'aurait conduite à établir une carte délimitant une zone humide présumée, présentée au cours de la réunion publique de présentation du projet de révision du plan local d'urbanisme du 9 décembre 2015, puis reprise dans le rapport de présentation de ce plan une fois approuvé par une délibération du 12 décembre 2016. Toutefois, alors que la commune admet que le diagnostic réalisé par le SIAHVY en mai 2017 a conclu que la parcelle des consorts B... ne présentait pas les caractéristiques d'une zone humide et que le tribunal administratif de Versailles a d'ailleurs annulé, par un jugement du 11 février 2019, devenu définitif, la délibération du 12 décembre 2016 du conseil municipal approuvant le plan local d'urbanisme en tant qu'elle classe cette parcelle en zone humide présumée, la commune de Gometz-le-Châtel ne fournit aucune précision ni justification quant au pré-repérage qui aurait été réalisé par le SIAHVY, à une date qu'elle ne précise pas. Les consorts B... produisent quant à eux une étude, qu'ils ont fait réaliser dès le 20 avril 2016, qui conclut que les constats opérés sur la parcelle ne permettent pas de confirmer la qualification de zone humide au vu des critères de l'article R. 211-108 du code de l'environnement. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de la commune disposait, à la date à laquelle il a sursis à statuer sur la demande de permis de construire des consorts B..., d'éléments suffisants pour attester le caractère humide de la zone en cause et fonder ainsi légalement l'arrêté litigieux.
8. En second lieu, pour décider de sursoir à statuer sur la demande des consorts B..., le maire de la commune de Gometz-le-Châtel s'est également fondé sur le motif tiré de ce que ce projet était de nature à compromettre les objectifs affichés des auteurs du plan local d'urbanisme en matière de création de logements sociaux. Le projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme en cours de révision, dont les orientations générales ont été débattues au sein du conseil municipal lors de la séance 14 septembre 2015, comporte certes une orientation d'ordre général visant à favoriser la création de logements sociaux. Si, en outre, le document présenté au cours de la réunion publique du 9 décembre 2015 indique que le règlement du projet de plan local d'urbanisme " prévoit que pour toute opération/création/réhabilitation conduisant à 10 logements et plus, au moins 30 % devront être des logements sociaux ", ni ce document, ni aucun autre ne précisait alors ni les zones du territoire de la commune concernées par cette règle ni le champ d'application matérielle d'une telle règle. Dans ces conditions, l'état d'avancement des travaux d'élaboration du plan local d'urbanisme ne permettait pas, à la date de l'arrêté attaqué, de préciser la portée exacte des modifications projetées et de déterminer si elles pouvaient s'appliquer au projet des consorts B... qui consiste à créer 9 logements sur une unité foncière en disposant déjà de 6 dans un bâtiment distinct. Le maire de la commune de Gometz-le-Chatel ne pouvait, par suite, décider de sursoir à statuer sur la demande au motif que le projet allait à l'encontre de l'objectif de création de logements sociaux poursuivi par le futur plan local d'urbanisme.
9. Pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués n'est susceptible de fonder l'annulation des décisions attaquées.
10. Il résulte de tout ce qui précède, que les consorts B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande et à demander l'annulation de l'arrêté du 17 décembre 2015 et de la décision du 7 mars 2016 rejetant leur recours gracieux.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. L'annulation, par le présent arrêt, de l'arrêté du 17 décembre 2015 implique seulement que la commune procède au réexamen de la demande de permis de construire des consorts B... dans un délai de deux mois, dans les conditions prévues par l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme. Il n'est pas nécessaire en revanche d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Gometz-le-Châtel le versement aux consorts B... de la somme totale de 2 000 euros au titre des frais d'instance. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des appelants la somme que la commune demande au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1603345 du tribunal administratif de Versailles du 16 novembre 2018 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 17 décembre 2015 ainsi que la décision de rejet du recours gracieux des consorts B... du 7 mars 2016 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune de Gometz-le-Châtel de réexaminer la demande des consorts B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : La commune de Gometz-le-Châtel versera aux consorts B... la somme totale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié M. C... B..., premier dénommé, pour l'ensemble des appelants, et à la commune de Gometz-le-Châtel.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Mauny, président assesseur,
Mme Troalen, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.
La rapporteure,
E. TROALENLe président,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
No 22VE02509002