Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2217038 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires enregistrés le 7 août 2023, 21 janvier 2024 et 22 janvier 2024 Mme A... B..., représentée par Me Lekeufack, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour pour soins ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :
- cette décision est entachée d'un vice de procédure à défaut de saisine préalable de la commission du titre de séjour ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît aussi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît aussi les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2023, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florent,
- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,
- les parties n'étant ni présentes ni représentées.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante camerounaise née le 25 mars 1970, est entrée en France le 12 septembre 2018 munie d'un visa de type C de 90 jours et a obtenu deux titres de séjour pour soins entre octobre 2019 et mars 2022 dont elle a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 25 juillet 2022, le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'un an. Par la présente requête, Mme B... relève appel du jugement du 7 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (....) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de renouveler le titre de séjour de Mme B..., le préfet des Hauts-de-Seine s'est fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 20 mai 2022 lequel a considéré que si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut toutefois bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et au système de santé au Cameroun.
4. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme B..., qui bénéficiait dans son pays d'origine d'une situation professionnelle et financière confortable, a dû quitter le Cameroun en évacuation sanitaire d'urgence en 2018 à l'âge de 48 ans en raison de ses problèmes de santé et de l'insuffisance du plateau technique existant au Cameroun. Il ressort en effet des nombreux documents médicaux produits que Mme B..., suivie depuis son arrivée en France par le service de médecine interne de l'hôpital Cochin, en collaboration avec le service de neurologie de l'hôpital Saint-Joseph, souffre d'une maladie inflammatoire chronique rare et sévère révélée par un accident vasculaire cérébral ischémique responsable d'une hémiplégie droite dont elle garde encore de lourdes séquelles motrices, notamment à la main droite, sa main dominante, nécessitant un traitement immunosuppresseur et un suivi spécialisé. Les médecins spécialistes français qui la suivent, comme le médecin camerounais à l'origine de la décision de transfert, chef du centre cardiovasculaire de Douala, s'accordent par ailleurs pour dire que le tableau clinique de la requérante ne permet pas sa prise en charge effective au Cameroun. La requérante verse également au dossier la liste des médicaments essentiels au Cameroun ainsi qu'un mail de la direction de la pharmacie du médicament et des laboratoires au Cameroun indiquant que le Kardégic, qui constitue l'un des médicaments composant son traitement, n'est pas disponible au Cameroun. Enfin et au surplus, selon le rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés produit par la requérante, seuls 7 à 10 % de la population camerounaise est couverte par le système public de sécurité sociale, lequel ne bénéficie qu'aux travailleurs du secteur privé structuré et aux fonctionnaires. Or, il ressort des pièces du dossier que Mme B... bénéficie en France de l'allocation aux adultes handicapés en raison d'un taux d'incapacité reconnu égal ou supérieur à 50% et souffre de séquelles rendant son retour à l'emploi beaucoup plus difficiles, rendant également incertain par voie de conséquence son accès effectif au Cameroun au traitement coûteux qui lui est nécessaire. Dans ces conditions, Mme B... est fondée à soutenir que le préfet des Hauts-de-Seine, en refusant de renouveler son titre de séjour pour soins, a méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande et à solliciter l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2022.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de délivrer à Mme B... un titre de séjour pour soins dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais relatifs à l'instance d'appel :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 7 juillet 2023 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 25 juillet 2022 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine, ou à tout préfet territorialement compétent, de délivrer à Mme B... un titre de séjour pour soins dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2024.
La rapporteure,
J. FLORENTLe président,
P-L. ALBERTINILa greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 23VE01980