Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 23 mars 2023 par lequel le préfet D... l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans et l'a informé de ce qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Par un jugement n° 2302500 du 26 avril 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
I. - Par une requête enregistrée le 24 mai 2023, sous le n° 23VE01127, M. A..., représenté par Me de Sa-Pallix, avocat, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler cet arrêté ;
4°) de prononcer sa remise en liberté immédiate ;
5°) d'enjoindre au préfet D... de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
6°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à Me de Sa-Pallix au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le premier juge a omis de répondre au moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché son arrêté d'une erreur de droit en s'abstenant de vérifier s'il pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour de plein droit ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- le premier juge a dénaturé les pièces du dossier ;
- le signataire de l'arrêté attaqué n'est pas compétent ;
- il méconnait son droit à être entendu garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- il a été pris en méconnaissance de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale dès lors d'une part, qu'il n'est pas établi que l'agent ayant consulté la fiche le concernant du traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes bénéficiait d'une habilitation pour ce faire et, d'autre part et en tout état de cause, ce traitement ne pouvait faire l'objet d'une consultation dans le cadre de l'édiction de mesures d'éloignement ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- ceci révèle un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît le 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est abstenu à tort de vérifier s'il pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour de plein droit ;
- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors que le préfet s'est abstenu de prendre en compte plusieurs éléments de fait antérieur à cette décision ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreurs d'appréciation ;
- elle est entachée de détournement de pouvoir et de déloyauté de l'administration ;
- le refus d'accorder un délai de départ volontaire est illégal dès lors qu'il se fonde sur l'obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale ;
- il est insuffisamment motivé ;
- ceci révèle un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- il est entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 1° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans est illégale dès lors qu'elle se fonde sur l'obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale ;
- elle est insuffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet n'a pas pris position sur les quatre critères énoncés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ceci révèle un défaut d'examen complet de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de fait au regard des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2023, le préfet D... conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 septembre 2023.
II. - Par une requête enregistrée le 25 mai 2023, sous le n° 23VE01136, M. A..., représenté par Me de Sa-Pallix, avocat, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Versailles n° 2302500 du 26 avril 2023 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à Me de Sa-Pallix au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il présente les mêmes moyens que ceux présentés dans sa requête n° 23VE01127.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2023, le préfet D... conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée ;
- la circulaire du 25 mai 2013 relative aux procédures de première délivrance et de renouvellement de titres de séjour aux personnes de nationalité étrangère privées de liberté ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Even a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes susvisées n° 23VE01127 et n° 23VE01136, qui tendent respectivement à l'annulation et au prononcé du sursis à exécution du même jugement, présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
2. M. A..., ressortissant congolais, né le 24 avril 2002 à Kinshasa (République démocratique du Congo), a déclaré être entré en France en 2016 dans le cadre d'une procédure de regroupement familial. Il a bénéficié, en dernier lieu, d'une carte de séjour temporaire valable du 25 novembre 2020 au 24 novembre 2021. Il a été incarcéré en exécution d'un mandat de dépôt du 13 août 2021 au 23 mars 2023, date à laquelle il a été acquitté des faits qui lui étaient reprochés par un arrêt de la cour d'assises des mineurs D.... Par un arrêté du même jour, le préfet D... l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par la requête n° 23VE01127, M. A... fait appel du jugement n° 2302500 du 26 avril 2023 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par la requête n° 23VE01136, il demande le sursis à exécution de ce jugement.
Sur la requête n° 23VE01127 :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
3. Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles a, par une décision n° 2023/002007 du 5 septembre 2023, accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A.... Il n'y a donc pas lieu de statuer sur sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France depuis plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; ".
5. Le ministre de l'intérieur et la Garde des Sceaux, ministre de la justice ont, par une circulaire du 25 mars 2013, entendu fixer une procédure uniforme de traitement des demandes de première délivrance et de renouvellement de titres de séjour aux personnes de nationalité étrangère privées de liberté. Cette circulaire, rendue opposable par sa publication le 1er janvier 2019 dans les conditions prévues aux articles R. 312-10 et D. 312-11 du code des relations entre le public et l'administration, indique en son point 1-2 que " les personnes étrangères en détention provisoire ou accomplissant une peine de courte durée, dont le quantum prononcé par la juridiction de condamnation est égal ou inférieur à trois mois " ne sont pas concernée par la procédure qu'elle institue. Elle précise qu'" elles sont invitées à se présenter à la préfecture dès leur libération. ".
6. Il ressort des termes de la circulaire précitée que les personnes étrangères en détention provisoire ne peuvent solliciter la première délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour qu'à compter de leur libération. En l'espèce, M. A... a été placé en détention provisoire à compter du 13 août 2021, alors que sa carte de séjour temporaire était encore valable pour plus de trois mois. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'attestation de la consultante en accès au droit chargée du point-justice du Centre pénitentiaire D... et des pièces qui y sont annexées, que dès le mois d'août 2021, M. A..., a cherché, en vain, à engager des démarches afin de solliciter le renouvellement de ce titre de séjour. L'arrêté contesté ayant été notifié à M. A... concomitamment à sa levée d'écrou, il n'a pas été mis en mesure d'engager de nouvelles démarches afin de voir régulariser sa situation à sa libération. Dans ces circonstances, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet D... l'a obligé à quitter le territoire français au motif qu'il se serait maintenu sur le territoire français sans solliciter le renouvellement de son titre de séjour.
7. D'autre part, l'arrêté litigieux mentionne l'incarcération de M. A..., depuis le 13 août 2021, pour des faits d'agression sexuelle et viol commis sur un mineur de quinze ans. Or à la date de cet arrêté, l'intéressé avait été acquitté de ces faits par un arrêt rendu plus tôt dans la journée par la cour d'assises des mineurs D.... Dans ces conditions, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait fait preuve, à la date de la décision contestée, d'autres comportements constituant une menace pour l'ordre public, ce motif ne peut légalement fonder l'obligation de quitter le territoire français édictée à son encontre. Dès lors, cette décision, ainsi que, par voie de conséquence, celles portant refus de lui accorder un délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français, doivent être annulées.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet D... du 23 mars 2023.
En ce qui concerne les conclusions tendant à ce que soit prononcée la remise en liberté de M. A... :
9. Les conclusions présentées par M. A... tendant à ce que soit " prononcée sa remise en liberté immédiate " ne sont assorties d'aucun moyen permettant d'en apprécier le bien-fondé et ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :
10. L'exécution du présent arrêt implique seulement, au regard des motifs d'annulation retenus par la cour, que le préfet réexamine la situation du requérant. Il y a lieu d'enjoindre au préfet D... de réexaminer la situation de M. A..., et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur la requête n° 23VE01136 :
11. Le présent arrêt statuant sur l'appel introduit contre le jugement du tribunal administratif de Versailles n°2302500 du 26 avril 2023, les conclusions de la requête n° 23VE01136 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
12. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me de Sa-Pallix, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me de Sa-Pallix de la somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23VE01136.
Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 2302500 du 26 avril 2023 et l'arrêté du préfet D... du 23 mars 2023 sont annulés.
Article 4 : Il est enjoint au préfet D... de réexaminer la situation de M. A....
Article 5 : L'Etat versera à Me de Sa-Pallix, avocat de M. A..., la somme de 1 500 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.
Le président-rapporteur,
B. EVEN
L'assesseure la plus ancienne,
B. AVENTINO
La greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
3
N° 23VE01127... 2